Belleville tropical
252 pages
Français

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Belleville tropical , livre ebook

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Description

A Paris, dans le quartier de Belleville, plusieurs agressions de femmes asiatiques se produisent. Tensions inhabituelles et manifestations de la communauté asiatique inquiètent les pouvoirs publics. Au départ, le cadavre d'une jeune Vietnamienne déposé sur un trottoir au milieu des poubelles... Assassinée. Brochard et ses collègues de la PJ sur le pied de guerre, l'enquête peut débuter. Différentes communautés se croisent, s'affrontent, le racisme n'est pas loin et la mort rôde. Ce livre offre une vision sociale de la réalité à travers des personnages souvent dépassés par les péripéties auxquelles ils sont confrontés.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 février 2017
Nombre de lectures 5
EAN13 9782140030338
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0950€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Écritures
Écritures
Collection fondée par Maguy Albet
Lemna (Camille), Alors, on fait comment pour les clés ?, 2017.
Denis (Guy), Le souffle d’Allah , 2017.
Mounier (Pascal), L’homme qui ne voulait pas mourir , 2017.
D’Aloise (Umberto), Manhattan 1907 , 2017.
Pialot (Robert), La courtisane rouge , 2017.
Lutaud (Laurent), L’araignée au plafond , 2017.
Mahé (Henri), Quelques nouvelles du port , 2017.
Chatillon (Pierre), La danse de l’aube , 2017.
Gontard (Marc), Fractales , 2017.
Pisetta (Jean-Pierre), Hostilités , 2016.
Toubiana (Line) et Point (Marie-Christine), De porte en porte. Histoires parisiennes , 2016.
Pain (Laurence), Selon Gabrielle , 2016.
Seigneur (Pauline), Augusta mouille-cailloux , 2016.
Berkani (Derri), Les couveuses , 2016.
Gaspin (René), Froideterre. Le roman d’un poilu , 2016.
* * *
Ces quinze derniers titres de la collection sont classés par ordre chronologique
en commençant par le plus récent.
La liste complète des parutions, avec une courte présentation
du contenu des ouvrages, peut être consultée
sur le site www.harmattan.fr
Titre


Bernard Mandon







Belleville tropical

Roman policier
Copyright

Du même auteur
Le testament d’Ardengost , Paris, L’Harmattan, coll. « Écritures », 2008.
Le brouillard se lève , Paris, L’Harmattan, coll. « Écritures », 2011.
L’exil à Saigon , Paris, L’Harmattan, coll. « Écritures », 2012.
















© L’Harmattan, 2017
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.editions-harmattan.fr
EAN Epub : 978-2-336-78269-0
1
Il a devant lui la page blanche. Depuis plusieurs minutes un moustique tourne autour de lui. Le commandant Louis Brochard bat des mains pour le chasser, le grésillement des ailes lui porte sur les nerfs. L’atmosphère est étouffante après cette journée de canicule, il s’éponge le front. On lui a affirmé que l’instruction était close, enterrée. Dans moins de trois mois, le dossier aura disparu sous la poussière, lui a annoncé avec cynisme son supérieur, le commissaire Le-wicki. L’image de la femme se glisse souvent dans ses rêves. Quelque chose d’inabouti, où les risques de dérapages ne sont pas écartés. Ça ne me regarde plus, pense Brochard. Il doit s’en convaincre. C’est son plus grand défaut : s’apitoyer sur les victimes liées aux enquêtes dont il a la charge, surtout quand la femme est jolie, et c’est le cas. Un charme fou, irradiant et indomptable, qui s’immisce malgré lui, entre en lui avec la force d’une drogue. Il se souvient d’une main délicate posée sur son poignet, lissant les poils de son avant-bras dans un geste furtif qui l’a fait frissonner. C’était lors de leur dernière rencontre, lorsque la situation n’était pas au point de non-retour. Elle lui a expliqué ce que signifiait son prénom : Kim, c’est l’or. Le précieux métal, celui que l’on obtient par le travail ou les affaires et qui sauve de la misère. Depuis, elle a disparu, n’a plus montré signe de vie… Il pense alors à Yacine et se demande quel est son rôle dans cet embrouillamini. Cette petite frappe de Yacine, nouvel indic que Lewicki lui a servi sur un plateau avec un sourire bizarre et un air mystérieux. L’éclairage est trop haut, presque derrière lui. Il peste à cause de l’ombre portée de son crâne dégarni, telle une ombre chinoise sur la partie inférieure de la page blanche. Sa main s’abat avec lourdeur. Un bruit mat emplit la chambre et résonne contre les cloisons. Dans la seconde qui suit, il entend des mouvements provenant de l’appartement au-dessus de lui. Le craquement du parquet ou du lit des voisins. Sous sa paume, le corps sombre écrasé du moustique au milieu d’une tache de sang en étoile, dans le coin inférieur droit de la page, comme une estampille à la cire rouge pour sceller le vide de l’instant.
Il a faim. Il se fait tard, trop tard pour trouver quelque chose d’ouvert dans le quartier, même un samedi soir. Un boui-boui lui conviendrait, n’importe quoi qui pourrait lui donner l’illusion d’appartenir à une communauté, même la plus instable ou décalée. Son stylo posé à plat sur la feuille, il regarde fixement à travers la vitre au-delà de la rue, ausculte la lisière des toits et la masse ténébreuse des immeubles. La lumière hachée et grisâtre de la télévision provient de plusieurs fenêtres. Celle de gauche vient de s’éteindre ; une forme s’inscrit dans la transparence d’un rideau juste devant lui. La forme des hanches, l’étroitesse des épaules, une femme probablement. Il aurait bien besoin d’une compagne ce soir. La peau d’une femme, sa tiédeur et le parfum musqué de ses pores. Il n’aura pas le courage d’écrire à Clotilde, sa page restera blanche, à peine brunie dans le coin inférieur du sang déjà sec du moustique.
Clotilde est plus équilibrée et plus tenace que lui. Il le sait depuis le début. Leur jeunesse, il y a si longtemps, lorsque la vie tenait ses promesses, l’amour, la confiance… Désormais, il doit jongler avec des éléments disparates. Comment faire pour rattraper ses erreurs ? – Clotilde s’est réfugiée il y a presque six mois dans l’appartement libre de ses parents, délaissé depuis qu’ils ont quitté la ville pour la lointaine banlieue de la vallée de Chevreuse et son aspect campagnard. L’appartement parisien est à deux pas de la rue Cambronne dans le XV e , il est calme, rassurant, et le quartier est suffisamment animé pour qu’elle ne ressente pas l’isolement. Elle s’y trouve bien, enfin seule dans sa chambre de jeune fille, a-t-elle avoué un jour à Brochard dans un moment de rancune, pour répondre à ses demandes incessantes de regagner le nid conjugal. « Je peux y vivre à mon rythme, sans le poids et les contraintes du couple. J’ai besoin de temps. Tu me comprends, Louis », a-t-elle ajouté pour adoucir la brutalité de sa décision.
Il ouvre la porte du frigo sans conviction. Son visage s’éclaire faiblement puis s’éteint quand il claque la porte. Il reste dans le noir, s’approchant peu à peu de la fenêtre de la cuisine, colle son front contre la vitre. En face, la forme féminine a disparu, le rectangle orangé de la fenêtre est uniforme, aucun mouvement, plus de trace de vie. Comment vivre sans la présence des autres ? Il a besoin d’aimer, mais il sait que c’est son point faible. Ses rêves l’éloignent du réel, du possible. Souvent, Clotilde lui demandait d’ouvrir les yeux, parfois le suppliait, lui assénant qu’il était un handicapé de l’amour. L’air est lourd en juillet, sa peau moite. Il file sous la douche et met une chemise propre après avoir repassé le col de la main.
La nuit est tiède. Il est presque vingt-trois heures, personne dans les rues. Soudain, un but espagnol à la télé, la forme atténuée, « amicale », entre deux coupes du monde, une longue clameur s’élevant depuis les fenêtres ouvertes sur la rue, la fin d’un rêve tricolore, le coup de sifflet final. Le ballon rond, Brochard n’y connaît rien, il préfère le tennis de table ou la boxe, c’est plus direct. Plus bas, des ombres furtives disparaissent dans l’encoignure d’une façade, au coin d’une ruelle, sous un porche d’immeuble. Quand il était jeune, il adorait les filatures, cette façon d’observer autrui dans l’indiscrétion. Il y a là quelque chose de malsain qui l’excitait. Il avait dit à Clotilde, j’apprends beaucoup sur les gens, une initiation, cela m’aide à comprendre. Vingt ans après, qu’a-t-il appris ou compris ? Si peu de choses. Il rejoint le Parc de Belleville et franchit la grille d’un bond au bout de la rue du Transvaal avec la conviction que son corps ne peut le trahir. Ses genoux craquent un peu, mais il ne veut pas s’attarder. Des SDF enfouis sous des cartons ruminent des paroles rauques incompréhensibles à son passage. Ça le fait ricaner. Il se dit que même si sa situation n’est pas enviable, elle vaut mieux que celle de ces pauvres bougres qui cuvent leur picrate chimique en attendant des lendemains meilleurs qui ne viendront pas. Il quitte ses chaussures, fourre ses chaussettes en bouchon au fond de chacune d’elles et se délecte du contact du gazon sous la plante de ses pieds. Après quelques pas, il regarde autour de lui, pose ses chaussures au sol, hésite et sautille sur place, des appuis solides en parfait équilibre sur ses jambes semi-fléchies, maîtrisant sa respiration, ses poings frappant l’air avec hargne. Malgré son corps alourdi par le manque d’exercice, il exécute avec conviction une danse improvisée, une sorte d’assaut contre un ennemi invisible. Il y a plusieurs mois qu’il ne fréquente plus la salle de boxe, mais cette forme individuelle lui convient, même si son entraîneur n’est pas là pour corriger les défauts les plus flagrants.
Un croissant de lune semble p

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