Bienvenue chez Monsieur B.!
199 pages
Français

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Bienvenue chez Monsieur B.! , livre ebook

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199 pages
Français

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Description

Roman de politique-fiction, ce texte se déroule dans les coulisses du pouvoir juif de Montréal. Jeune journaliste oeuvrant au sein d'une station de télévision québécoise, Maurice Ben Haïm provoque une controverse en interviewant un ancien nazi qui a trouvé refuge au Canada. Un roman attachant écrit à la manière américaine, aux dialogues vivants et rebondissements inattendus.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2010
Nombre de lectures 268
EAN13 9782296935167
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

ISBN: 978-2-296-12244-4
©L’Harmattan, Paris, 2010


Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Bienvenue chez
Monsieur B.!
Du même auteur

Ouvrages
Mythe et images du Juif au Québec, Éditions de Lagrave, 1977.
Le Jour: Émergence du libéralisme moderne au Québec, Éditions Hurtubise HMH, 1984.
Une femme, un vote, Ministère des communautés culturelles et de l’immigration, 1990.
Que Dieu vous garde de l’homme silencieux quand il se met soudain à parler, Éditions Les Intouchables, 1999.
René Lévesque et la communauté juive, Éditions Les Intouchables, 2001.
La lente découverte de l’étrangeté, Éditions Les Intouchables, 2002.

Magazines (directeur fondateur)
Tolerance. ca ® , magazine d’actualité et d’analyse, publié en ligne depuis 2002: www.tolerance.ca
Jonathan, revue mensuelle interculturelle, publiée à Montréal de 1981 à 1986.

Séries radiophoniques
Plusieurs séries radiophoniques diffusées à Radio-Canada, dont « Le Québec au pluriel ».

Articles
De nombreuses analyses publiées dans des ouvrages collectifs ainsi que dans les grands quotidiens de Montréal.
Victor Teboul


Bienvenue chez Monsieur B.!

politique-fiction
roman
À Benjamin
Qu’il aille au Diable, se perde en Enfer,
mais va pour l’Enfer,
je me perdrai avec lui et ne l’abandonnerai plus,
car il a marché avec moi et, à présent, de pair nous marchons
lui et moi.

Witold Gombrowicz,
Trans-Atlantique

Sous l’histoire, la mémoire et l’oubli.
Sous la mémoire et l’oubli, la vie.
Mais écrire la vie est une autre histoire.
Inachèvement.

Paul Ricœur,
La mémoire, l’histoire, l’oubli

[…] l’oubli […] n’est pas effacement de l’événement,
mais seulement sortie de la mémoire, désormais confiée à l’histoire […]

Esther Benbassa,
La souffrance comme identité
I Le nazi
Nazi War Criminal found haven in Montreal

Quebec state-owned TV station
highlights his activities {1}
L a manchette sautait aux yeux. Il était venu acheter quelques provisions, samedi matin, chez le dépanneur, cette petite épicerie tenue par un couple sépharade au coin de la rue Barclay et Côte-des-Neiges, et il ne put s’empêcher de remarquer le gros titre du journal.
Bonjour, monsieur! dit Georgette, l’épouse du marchand.
Elle était accoudée au comptoir, des bracelets plein les bras, plongée dans ses mots croisés.
Il se dépêcha de trouver du pain et du lait, et prit un exemplaire du quotidien.
Des nazis à Montréal! Vous vous rendez compte! s’exclama Georgette, en plaçant ses achats dans un sac, avant de lui rendre la monnaie.
En fermant la porte de la boutique, il sortit le journal du sac et parcourut la première page.
Les anglophones de Montréal voyaient des nazis partout depuis que, pour la première fois dans l’histoire du Canada, un parti sécessionniste avait pris le pouvoir à Québec. Les nationalistes avaient beau avoir perdu le référendum un an plus tôt, ils continuaient de donner la trouille aux Anglais qui voyaient encore en eux ces hommes en chemises brunes qui paradaient à Montréal dans les années 1930.

Son émission pilote à la télévision éducative faisait un tabac dans les médias de langue anglaise! « Qu’est-ce que j’ai bien pu faire pour déclencher tout ça? », se demanda-t-il.
Le journal se réjouissait manifestement du fait que l’homme, qu’il avait interviewé à la télévision, eût éclaboussé des membres du gouvernement nationaliste. C’était grâce à l’intervention de Monsieur B., le réputé philanthrope, écrivait l’auteur de l’article, que les autorités furent alertées et qu’on put procéder à l’arrestation du vieil homme.
La presse francophone, elle, en parlait à peine et, comme toujours, dans les derniers cahiers des journaux, considérant sans doute que cela ne concernait que les Juifs.
Difficile de croire que c’était lui la cause de cet émoi qui atteignait même le quartier multiethnique de Côte-des-Neiges, alors que le poste de télévision éducative pour lequel il travaillait depuis deux ans rejoignait un auditoire limité ne pouvant être capté qu’au moyen d’une antenne spéciale. « Tout ce que je veux, se dit-il, en repliant le journal, c’est une maudite job, non pas de réveiller les vieux démons de l’histoire du Canada. Juste une job ! »
Mais, au moins, on mentionnait son nom à la une.
En arrivant chez lui, il annonça la nouvelle à sa femme. Elle fut révoltée de la réaction du journal. Indépendantiste convaincue, Francine ne put se retenir d’exprimer sa colère, même si elle était devenue plutôt taciturne depuis la défaite de l’option souverainiste lors du référendum.
« Ils ne changeront jamais, ces gens-là! Après les camions de la Brink’s, qu’est-ce qu’ils vont trouver pour nous écœurer? On les a bien vus à la télévision chargeant leurs fourgons blindés de lingots d’or, en route pour l’Ontario. Nos ministres, des nazis! Ils manquent un peu d’imagination, tu ne trouves pas? Puis, c’est toi qui as déclenché tout ça! J’ai mon voyage! Ils viendront bientôt te chercher pour que tu ailles travailler pour eux autres. Attends voir! », cria-t-elle, en rompant son silence.
« Eux autres », c’étaient évidemment les capitalistes.
Il ne savait s’il devait s’inquiéter ou jubiler à l’idée de voir ce qu’il avait déclenché.
La venue du printemps amenait invariablement la même angoisse: allait-on renouveler son contrat? Il fallait qu’il pense constamment à créer de nouveaux concepts d’émissions, à faire la tournée des producteurs qui, eux, peinards, bénéficiaient d’une permanence. Il les rencontrait, tel un commis-voyageur, son porte-document à portée de main, rempli de projets qu’il avait pris la peine de dactylographier durant les semaines précédant l’expiration de son contrat. Cette idée coûterait trop cher à produire? Tiens, il en avait une autre. Depuis combien d’années faisait-il cela? Pas facile d’entrer dans ces boîtes, chasses gardées des intellos de sa province. Les producteurs maison y avaient fait leur niche, meublant leurs bureaux comme s’il s’agissait de leur appartement privé: cages d’oiseaux, plantes, sculptures modernes, chaises berçantes de leur grand-père, meubles du terroir datant de… En se relevant de sa chaise pour quitter le bureau d’un de ces bonzes, son porte-document s’était même ouvert inopinément un jour, faisant revoler ses dossiers jusqu’à la porte de sortie, près du corridor. Il fut la risée des secrétaires et des script-girls qui s’affairaient dans le hall, près des ascenseurs. Cela dura quelques secondes, mais lui parut une éternité. Tout le monde riait à gorge déployée. On devait les entendre sur tout l’étage. Qu’est-ce qu’ils avaient dit déjà? «Tout à fait comme dans les films de Charlot!»
C’était grâce à Mathilde, s’il put présenter son émission pilote.
Il l’avait rencontrée au cours d’un mois d’hiver sombre, dans l’un de ces bars-salons de la rue Saint-Hubert. La juxtaposition des mots « bar » et « salon » l’attirait, l’incitant à fantasmer sur l’intimité de ces femmes seules qui fréquentaient ces lieux.
Après quelques slows et plusieurs verres de bière, Mathilde l’invita chez elle. En entrant dans son appartement, en pleine nuit, il s’étonna à peine qu’une personne fût assise dans le salon, devant l’écran blanc d’un téléviseur silencieux. Mais Mathilde, elle, baisait fort, comme si elle n’avait pas fait l’amour depuis des lustres. Et l’on entendait les deux extrémités de son lit à baldaquin se secouer comme les mâts d’un voilier dans une nuit de tempête. Car une nuit de tempête, c’en était bien une. Que lui arrivait-il de semer sa graine ailleurs que dans le lit conjugal?
Le lendemain matin, le téléspectateur solitaire de la veille apparut dans la cuisine pendant que Mathilde préparait le petit déjeuner. Il se déplaçait en traînant légèremen

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