Emilien et le souci de définition

Etienne Deslaumes

Description

Emilien de Graaf est un homme dans la quarantaine à qui tout a réussi... en apparence. Son épouse termine une troisième grossesse et, pour Emilien, la naissante imminente de ses jumeaux marque le temps d'un bilan : celui de la mi-vie. Et... de sa double vie; celle d'un homme à la sexualité plurielle vécue entre amants et amantes.

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Informations

• Publié par: L'Harmattan
• Date de parution: 03 mai 2007
• Nombre de lectures: 110
• EAN13: 9782296371422
• Langue: Français

Extrait

É MILIEN ET LE SOUCI DE DÉFINITION

Étienne Deslaumes

É MILIEN ET LE SOUCI DE DÉFINITION

ODIN éditions www.odin-editions.com

Dans la collection H ORS P ISTE :

Dix Petites oies blanches,Lola Van Guardia Les Yeux de Beatriz, Carlota E. Tranchant Le Garçon de la piscine, Luis Algorri Piétinez pas le gazon !, Lola Van Guardia L’Inavouable secret de Karina, Lola Van Guardia

Dans la collection KHARIS :

L’Homme qui aimait Yngve, Tore Renberg

ISBN : 978-2-913167-58-2

© ODIN éditions, avril 2007 Distribution : Harmattan

Graphisme et illustrations : Mette Morskogen, www.perle.no

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«Je revois la haie de noisetiers que le vent bousculait et les promesses dont j’affo- lais mon cœur quand je contemplais cette mine d’or à mes pieds, toute une vie à vivre. Elles ont été tenues. Cependant, tournant un regard incrédule vers cette crédule adoles- cente, je mesure avec stupeur à quel point j’ai été flouée. » Simone de Beauvoir

La Force des choses

É MILIEN ET LE SOUCI DE DÉFINITION

P ROLOGUE ..............................................................................9 C HRISTOPHE , 1988.................................................................13 P ATRICIA ................................................................................29 S YLVIE ....................................................................................45 P ATRICK .................................................................................65 C HRISTOPHE , 2004.................................................................89 J EHAN ..................................................................................103 E PILOGUE .............................................................................119

É M I L I E N E T L E S O U C I D E D É F I N I T I O N

P ROLOGUE

Je m’appelle Émilien de Graaf, j’ai quarante-six ans et je suis père de deux enfants ; bientôt quatre. Nous sommes le samedi 12 février 2005. Il est dix-huit heures. Je me concentre pour me rassembler et redevenir moi- même ou, plutôt, redevenir mon moi social, celui que tout le monde connaît. Je repense déjà à Patricia, les pieds en l’air, au Clos-des- Abbesses, attendant sa délivrance : la naissance de nos jumeaux, prévue en mars. C’est encore moi, cependant, cet homme adultère qui contemple le dos de Christophe, endormi à mes côtés, dans le lit de la petite garçonnière aménagée au-dessus des locaux de notre entreprise, pour dépanner lorsque nous devons travailler tard… disons-nous… Christophe est mon associé, mais aussi mon amant. Il y a quinze ans, lors de notre première liaison, j’aurais encore hésité à employer ce mot ; il m’aurait dérangé. J’aurais dit que nous étions des amis qui pratiquions des jeux sexuels. La pluie bat contre les vitres. Par la fenêtre entrouverte, j’entends le trafic, intense, de la rue La Boétie. J’ai un peu froid, mais je ne veux pas ramener les couvertures à moi : je me rendormirais ; il ne faut pas. J’ai froid, Christophe a chaud. On peut être très proches et ne pas ressentir les mêmes choses. Autrefois, cela me sem-

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É M I L I E N

E T L E S O U C I D E D É F I N I T I O N

blait contradictoire. J’observe les gouttelettes de transpiration sur les épaules un peu étroites de mon associé. J’y vois des myriades de taches de rousseur et de petits grains de beauté qui me rappellent ceux de quelqu’un d’autre que j’ai beau- coup aimé, il y a longtemps, tellement longtemps. Caressant le corps de Christophe, mon regard remonte vers ses cheveux et je contemple ses boucles rousses, légèrement humides dans le cou. Attendri, je pose mes lèvres entre ses omoplates, très doucement, pour ne pas le réveiller : je sais qu’il a besoin de sommeil. Jadis, dans un moment comme celui-ci, je me serais demandé : Qui est Christophe pour moi ? Quelle est notre rela- tion ? Je voulais qualifier les gens et les liens qui les unis- saient à moi, précisément, pour me qualifier moi-même ; et je n’y parvenais pas. Aujourd’hui je sais que nous sommes mul- tiples, que tout est multiple. Pourtant, cette réflexion somme toute banale a mis longtemps à me pénétrer. Certes, j’ai dit que Christophe était mon amant, mais je l’ai dit parce que j’assume le mot. Le mot lui-même ne signifie rien de précis : il a le sens que l’on veut bien lui donner. Une demi-vie derrière moi ; déjà. Je ne vois plus grand-chose avec le regard de mes vingt ans. C’est triste, d’un certain point de vue, mais je crois que je vois beaucoup mieux, désormais. Je vois les batailles que j’ai gagnées. J’en aurai peut-être d’autres à livrer. Maintenant, je suis mieux armé.