Fragments d Enfance
225 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Fragments d'Enfance , livre ebook

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225 pages
Français

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Description

Marcel est un petit garçon capable, dès sa naissance, de porter un regard critique et impertinent sur son environnement. Il raconte son enfance au sein d'une famille atypique et hostile, coincé entre un père boxeur et une mère péripatéticienne. Doutes, pulsions, illusions et désillusions rythment son quotidien. Dans cet univers rabelaisien, il fait son apprentissage, grandit,découvre ses parents,rencontre l'autre sexe, accueille son frère en nous confiant son point de vue.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2011
Nombre de lectures 144
EAN13 9782296460201
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Fragments d’Enfance
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-54589-2
EAN : 9782296545892

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Gilles Desportes


Fragments d’Enfance


Roman


L’Harmattan
A tous les enfants,


Emilie, Antoine et Marie
Frédéric, Claire, Adrien et Mélanie…


…puissiez-vous trouver certaines vérités entre ces lignes.
B IENVENUE
M arcel n’était pas un enfant ordinaire. Comment aurait-il pu l’être lui qui, par une banale soirée d’hiver, était tombé du ventre de sa mère sans que celle-ci s’en aperçût ? Sa génitrice rentrait titubante et quasi bredouille d’une rude soirée. Même les plus désespérés étaient restés insensibles à ses charmes et à la substantielle baisse de tarif qu’elle leur consentait. Sans doute son ventre trop rebondi expliquait-il cet insuccès.
Alors que sa mère se livrait à ce maigre bilan, Marcel décida de voir le jour. Il réussit à se retourner sur lui-même malgré l’étroitesse des lieux, positionna sa tête à la verticale puis il exerça une poussée vers l’ouverture grandissante à travers laquelle il flairait l’autre monde. Ce premier essai trop timide ne fut pas suivi d’effet. Dépité, il renouvela sa poussée, calant sa tête comme un bélier, il s’arc-bouta sur ses jambes peu aguerries, mais déterminées. Dans un déferlement d’humeurs et de sucs, Marcel franchit brusquement le goulot distendu, mais encore étroit, dans un puissant effort de reptation. Encore à cheval entre les deux mondes, la tête en obus pointant à l’extérieur, les pattes trépidantes encore prisonnières, il éprouva alors une implacable sensation de non-retour ne lui laissant qu’une possibilité : aller de l’avant. Dans une ultime bourrade, il s’échappa pour toujours du ventre maternel. Le comité d’accueil, réduit à de rares flocons de neige et un courant d’air glacial, n’empêcha pas sa chute, mais une fine couche de neige l’amortit. Il rebondit comme une pomme sur le pavé, imprima à sa fontanelle postérieure une dépression marquée qu’il devait garder à jamais. Marcel émit un cri plaintif, le premier, qui déplissa ses poumons, et annonça son arrivée à qui voulait l’entendre. Sa mère jeta un regard indifférent sur l’incongru, le souleva et décida qu’elle devrait faire avec.
Chapitre I S WEET H OME
C’ est transporté au vent mauvais d’hiver, serré contre sa mère mais le postérieur au grand air, que Marcel découvrit la rue de la Truanderie. Le pas trop rapide de sa génitrice l’empêcha d’apprécier les charmes des collègues maternelles qui tapissaient le trottoir. Arrivée à destination, sa mère heurta une porte branlante et franchit un corridor aux murs baveux d’humidité. Après quelques étages péniblement arrachés, entrecoupés d’invectives variées, une dernière porte fut malmenée d’un coup d’épaule, puis, enfin, elle jeta le nouveau venu sur la litière conjugale.

A plat dos, Marcel inspecta son nouveau monde. Ses yeux immatures n’auraient pas dû entrevoir le moindre détail, mais le coup de pavé inaugural sur son occiput avait débridé ses centres de la vision. Il avait ainsi remarqué un truc fixé au chambranle de la porte d’entrée : une petite boîte entr’ouverte renfermant un rouleau couvert d’une écriture cursive. « La liste des commissions de maman » avait-il songé, attribuant une nouvelle fonction à la mezouza. Il ignorait que sa mère avait reçu de ses parents ce petit bigoudi de Tora, capable de repousser les mauvais esprits.

La pièce exiguë ne comportait qu’une seule fenêtre cernée d’un voile loqueteux préservant la rue des miasmes de la famille Marcel. Les murs étaient tapissés de traînées verdâtres et, dans un morceau de brocciu abandonné sur un coin de table, des vers grouillaient. Le regard du nouvel arrivant s’arrêta, perplexe, sur des gants de boxe suspendus au bas d’une immense photo, celle de Marcel Cerdan en pied et en pleine action, les poings momifiés dans des bandelettes, le menton volontaire, menaçant de destruction tout adversaire.
Soudain, cet inventaire fut interrompu par un grognement. Une tronche menaçante apparut, convainquant Marcel d’avoir été jeté dans la fosse aux gibbons du zoo de Vincennes. Sous les yeux torves qui le scrutaient, s’affichait, derrière un rictus, une rangée de ratiches branlantes d’où s’échappait une haleine pestilentielle, subtil mélange de mégots et de vinasse. Au centre de cette trogne était planté un bulbe rougeâtre qui renifla le nouvel arrivé par à-coups. Une paire de conques lâchait des fagots de poils en broussailles et encadrait cette noble face. C’était papa Marcel.
Décidé à dépiauter cette chose de plus près, papa Marcel l’empoigna dans ses battoirs, et approcha son visage de celui de l’innocent. Marcel, pour qui la prévoyance était chose innée, se garda de toute inspiration fatale. Au terme de l’interminable inspection, tel un verdict, un sourire jaunâtre barra la bobine paternelle. C’est que, entre deux gazouillis, le paternel avait pressenti une matière à modeler, triturer, concasser selon ses canons esthétiques… inspirés par une longue pratique de la boxe. D’où l’origine du prénom, Marcel, hommage à l’autre Marcel, idole entre toutes les idoles, maître à penser.
Ce père boxeur souhaitait mêler au plus près action et réflexion, mais il ne savait pas trop laquelle devait précéder l’autre ; il cognait parfois sans réfléchir, ou se faisait cogner s’il réfléchissait. En cela, il n’appliquait pas sagement le principe de Démocrite « la réflexion précède l’action ». Cette négligence ne l’avait pas empêché de distribuer des raclées mémorables, mais elle avait aussi exposé sa cervelle aux coups de boutoir d’adversaires chevronnés. Sa capacité de verbalisation s’en ressentit, son vocabulaire, déjà éloigné de celui d’un académicien, se cantonna au minimum physiologique. Au fil des castagnes, l’ordonnancement de ses phrases répondit à des règles grammaticales de plus en plus cabalistiques. Ainsi était fait le père Marcel.
Le combat s’annonçait ardu pour le petit Marcel.
S’illustrer comme chair à châtaignes, tel serait son destin. Déjà, il le pressentait.

Dans l’immédiat, assailli par une faim coriace, Marcel devait prendre des forces. Comment attirer l’attention de son environnement lorsque l’on a l’estomac dans les talons ? S’agiter ? Peine perdue, personne ne remarqua ses moulinets vigoureux. S’il ne pouvait se faire voir, peut-être se ferait-il entendre. En contractant son estomac, tout en maintenant le gosier déployé, il commit son premier renvoi, fort malséant, mais peu audible. Il fallait mieux faire. Le principe était bon, mais insuffisant l’air contenu dans son estomac. Dans quelle réserve gazeuse puiser ? Les poumons bien sûr ! Un spasme tétanisa son petit tronc, et Marcel poussa un cri, un modèle de perfection sonore qui tira aussitôt son auditoire de la léthargie. Bien décidé à ne pas en rester là, Marcel vocalisa sur toute la gamme, travaillant surtout en ut et constata que ses parents avaient encore du pain sur la planche.

Ohimè ! Qu’est-ce qu’il peut bien vouloir celui-là, il va passer l’arme à gauche ? grogna son père qui prenait ses désirs pour des réalités.
Il retroussait déjà sa manche et se préparait à balancer des arguments offensifs à la générosité sonore de son bambin.
Oy ! Oy ! Oy ! Je ne crois pas, il doit avoir besoin de quelque chose, répondit la mère dont le sens terrestre était supérieur à celui de son homme.
Ouais… mais, quoi ?… le père choisit de rester incrédule.
Mais attends, j’y pense, tu ne crois pas que vu l’état de mes seins, il doit vouloir y goûter ?
Pour la mère Marcel, si son fiston avait faim, ça ne pouvait être que pour tâter son poitrail de ses petits doigts libidineux. Décidée à vérifier son hypothèse, elle souleva d’une main ferme son fiston, et extirpa une gi

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