Free Rider
204 pages
Français

Free Rider , livre ebook

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204 pages
Français

Description

A la périphérie des grandes ou des moyennes villes, des hommes, parfois des femmes, des hommes surtout, venus d'un monde privé de liberté ou bardé de misères, tentent de trouver au sein des sociétés occidentales, une part de leur bien-être. Ils doivent affronter la peur et la rigueur de la loi, la rapacité des passeurs et tout ce qui abaisse un être cherchant, à travers le désir passionné de sa liberté, la solidarité nécessaire à son humanité.ŠRoman de l'exil, celui dû à la géographie et aux mentalités, qui aspirent et oppriment.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2011
Nombre de lectures 35
EAN13 9782296474680
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait































© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-56677-4
EAN : 9782296566774



Free rider


























Du même auteur
Roman
L'Escargot, Éditions de L'Harmattan, Paris, 1986.
La Mauvaise Foi, Éditions de L'Harmattan, Paris, 1993.
Amghrar, La Vérité Voilée, Éditions de L'Harmattan, Paris, 1995.
Derrière Les Murs, l'Oubli, Éditions de L'Has, 1998.
Poésie
Mélancolie, Éditions Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1976.
Les Chemins De Ma Mémoire, Éditions Saint-Germain-des-Prés, Paris,
1977.
Essais
La Question Sociale chez Saint-Simon, Éditions de L'Harmattan, Paris,
2001.
La Folie à l'âge démocratique, ou l'après Foucault, Éditions Théétète,
Nîmes, 2004.
Nouvelle
La Béotie, Éditions Saint-Germain-des-Prés, Paris, 1977. Jean-Luc Yacine





Free rider


roman















L’Harmattan
eux mille euros cash ! J’avais attendu toute la journée Dcaché dans une grange. Puis, en début de soirée,
notre arrangement conclu, le passeur m’avait entraîné sur le
chemin rocailleux d’un col qui se perdait dans le
firmament. Je frissonnai sous ma veste de toile. À cette
hauteur, la douceur du printemps tardait, et la nuit encore
froide maintenait dans le creux des ravines des restes de
givre.
À couvert, sous l'arête d'un massif de quartz
formant parapet, un homme nous avait hélés. Il portait sur
le dos du ravitaillement. Il était accompagné par un autre,
plutôt chétif, qui serait mon furtif compagnon de voyage.
Avec lui, j’allais tenter l’aventure. Franchir la frontière, qui
se présentait sous la forme d’une ligne en pointillés sur la
carte. Un pointillé géographique bien concret et pas facile à
gommer. Dans la réalité, il y avait les chiens. Quelques
pincées de poivre, censées agacer leurs museaux n'y
changeraient rien. Les redoutables renifleurs, aux dents
acérées, ne s’en laisseraient pas facilement compter. Au
contraire ! La moindre volte-face, les taquinant un peu 8 FREE RIDER
plus, mettrait en alerte des douaniers au zèle décuplé –
halte-là ! On ne passe pas ! –
Le flair ! C’était le problème. Aussi vrai qu’il fait
jour à midi, ces limiers, une fois qu’une trace était levée,
s’évertuaient à la suivre sans rechigner. Aussi têtus que des
hommes haineux. Les brigades spécialisées dans la traque
aux clandestins avaient conditionné leurs chiens comme
des hommes. Cruels et butés ! Alors ? Pas de parfum sur
les vêtements. L’odeur de la peur qui me mordait les
entrailles suffirait à les mettre sur la piste. Je remis donc
mon destin entre les mains de la chance, et, en bon
agnostique que j'étais, je m'essayai à une courte prière, au
cas où,… mais elle demeurerait profondément enfouie en
moi, parmi les vestiges de mon enfance, qu'une exigeante
rationalité empêchait de parvenir à ma conscience. Si
aujourd'hui je m’exonérais de la raison et suppliais la
Providence, c’était pour qu’elle n’ôtât pas le bandeau qui
lui obstrue le regard.
L’instant méritait son cérémonial pour que tout se
passât comme si de rien n’était. À l’aveugle ! Sans
préférence, ni avantage pour quiconque la sollicitait
habituellement. Ainsi, mon comparse, figé en une pose
extatique, bredouillait-il dans une langue parlée de lui seul,
une plainte qui s’élevait comme une prière. Mais moi ?
Avais-je la moindre requête à psalmodier ? Certainement FREE RIDER 9
pas. Le goût du ciel m’avait quitté assez tôt. Précisément
quand la police de la pensée avait mis mon père au cachot
pour son indépendance d’esprit et des tracts sulfureux, qui
en avaient fait un paria. Depuis, je n’avais guère
d’inclination pour ce type d’abstraction. Pour autant,
quiconque pouvait solliciter toutes sortes de divinités, il ne
me serait pas venu à l’esprit la moindre critique les
révoquant. La souffrance intérieure s’accroche à vos
basques avec tant de véhémence qu’il faut être bien
arrogant pour définir à la place de l’autre la mesure de la
foi.
Mon compagnon d’infortune empestait ! Une odeur
nauséabonde, insoutenable, j’avais dû m’en écarter pour
manger. Seule, une charogne à l’air libre aurait exhalé cette
pestilence, j’en avais des hauts le cœur. Devant nos mines
embarrassées, il s’était expliqué dans un parfait anglais
scolaire. Ainsi, lui aussi avait estimé que les molosses
constitueraient le véritable danger, et le plus inquiétant.
Bien qu’ils ne soient pas armés, leurs mâchoires peuvent
nous trancher aussi aisément qu’un couteau de boucher
bien affûté. Comme il ne souhaitait pas finir en charpie,
l’idée de s’oindre de cette huile dégoûtante lui avait paru de
moindre mal. Il valait mieux puer qu’être égorgé. Les
dogues, supposait-il, ne couraient pas après la viande
pourrie. 10 FREE RIDER
Ce miasme effrayait nos contrebandiers qui
redoutaient par-dessus tout le mauvais œil. Le trafic les
avait, certes, endurcis et préparés à la moindre anicroche,
mais le sort, ils préféraient ne pas le taquiner. Ça pouvait
porter malheur ! Ils s’étaient calmés après avoir craché
devant eux, au moins trois fois, en direction du nord, et
sollicité l’aide d’une sainte de la région. En patois !
Quel plus grand malheur pouvait-il encore nous
frapper ? Fuir de chez soi, être clandestins chez les autres,
quel destin pouvait-il être plus funeste ? La mort au moins
ne mentait pas. Je me préoccupais de ce que deviendrait ma
vie, non de ce qu’elle devait durer. Nul ne meurt qu’à son
jour ! D’ailleurs, des geôles puantes où j’avais croupi, la
mort m’était souvent apparue comme agréable. Comme
une délivrance ! Mais jamais je n’avais songé à m’ôter la vie.
J’avais préféré laisser cette éventualité à mes bourreaux qui,
désabusés par cet abandon, s’étaient détournés de ma
personne pour l’oublier. Ce délaissement avait comblé en
moi un désir d'évasion irréel, le mutisme, comme une
profonde dépression, qui, en ployant mon corps, m'avait
rendu indisponible à l'humiliation. Un tel désenchantement
aurait pu me contraindre et faire de ma personne un objet
de dérision. C’est le contraire qui allait advenir. Un feu
intérieur, en dévorant mon indétermination, m’avait rendu
disponible pour une introspection où j’avais compris que FREE RIDER 11
seules les barrières que l’on dresse contre soi-même sont en
mesure de nous astreindre. Que toute civilisation cultive
une part d’ombre, que pour s’en débarrasser il est utile de
voyager.
L’avancée de schiste sous laquelle nous nous
abritions, dupliquait sur les parois de la voûte les éclats
d’étoiles qu’elle avait emmagasinés. Et tandis que dans un
dernier conciliabule, nous nous distribuions les
responsabilités, je me figurais, homme de Neandertal, à
l'aube d'un jour nouveau, se préparant à la chasse du haut
de ce promontoire. Celui qui m’avait amené sur les
hauteurs, s’adressa à nous d’une voix forte qui ne suscita
aucune controverse. Son anglais culbutait chacun des mots
qu’il prononçait, mais la consigne était claire. Silence et
méfiance ! C’était dit, il nous accompagnerait jusqu’au
poste de douane. À partir de là le contrat serait rempli.
Tant attendu et

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