L exil à Saigon
200 pages
Français

L'exil à Saigon , livre ebook

-

200 pages
Français

Description

Un jeune homme s'est exilé dans les brumes fascinantes du Vietnam pour échapper à sa famille. À l'occasion d'un retour dans son village natal des Pyrénées, trouvera-t-il la force de s'extirper définitivement des limbes de son enfance ? C'est le récit de cette difficile libération que nous livre l'auteur dans son émouvant roman.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2012
Nombre de lectures 13
EAN13 9782296512047
Langue Français
Poids de l'ouvrage 16 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Bernard Mandon
L’EXIL À SAIGON
« … Je recommence à vivre, je dois m’en convaincre.
La rivière est calme à cet endroit. Je trempe mes mains
entières dans l’eau fraîche et me tamponne les tempes. La
surface se ride ; je vais retrouver H ằng. Je sais déjà que
je ne résisterai pas à son sourire. Si loin de Jeanne. Je n’ai
que ça en tête. Je m’asperge encore une fois le visage et
l’enfouis au creux de mes mains jointes… »
Un jeune homme s’est exilé dans les brumes fascinantes L’EXIL À SAIGON
du Vietnam pour échapper à sa famille.
A l’occasion d’un retour dans son village natal des Roman
Pyrénées, trouvera-t-il la force de s’extirper définitivement
des limbes de son enfance ?
C’est le récit de cette difficile libération que nous livre
l’auteur dans son émouvant roman.
Bernard Mandon partage son temps entre son Angoumois natal et
les Pyrénées. Il a vécu au Vietnam de 2000 à 2005. L’exil à Saigon
est son troisième roman.
ISBN : 978-2-336-29068-3
Prix : 20 €
L’EXIL À SAIGON Bernard Mandon
































© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-336-29068-3
EAN : 9782336290683





L’exil à Saigon



Du même auteur


aux éditions L’Harmattan, collection Écritures :
Le Testament d’Ardengost, Paris 2008
Le brouillard se lève, Paris 2011


Bernard Mandon


L’exil à Saigon

Roman






L’Harmattan




1



Quand les roues de l’avion ont touché la piste, j’ai été
pris de panique. Je m’agitais sur mon siège au point que
la jeune femme assise près de moi a pressé sa main contre
mon bras et a appelé l’hôtesse. Malgré les soubresauts et
les vibrations de l’avion pendant le freinage, cette
dernière s’est précipitée vers moi en se cramponnant avec
force aux accoudoirs et aux têtières. Complètement
désorienté, je lui ai fait signe que tout allait bien et j’ai
tourné la tête vers le hublot en essuyant mon visage couvert
de sueur et de larmes. Au loin une ligne de peupliers
bordait un labour de terre grasse et des corbeaux
tournoyaient dans le ciel. Comment lui expliquer la raison de
mon trouble ? Il y a moins de douze heures, j’étais encore
sous les cocotiers à siroter un jus de mangue sur la
terrasse d’un bistrot près de l’aéroport de Saigon en
ruminant les terribles paroles qui m’étaient parvenues la
veille. Jeanne est morte avait dit maman au téléphone,
d’une voix plus grave que dans mes souvenirs.

Écoute-moi, c’est si vite arrivé… Je ne sais pas
comment te le dire…

Mais j’avais compris dès la première phrase. Jeanne était
gravement malade depuis plus de six mois et, malgré ses
lettres, cartes postales ou courriels pleins de projets, en
7
dépit de l’espoir qui se maintient dans notre esprit
jusqu’au bout contre l’évidence d’un tel diagnostic,
j’attendais avec effroi d’un jour à l’autre la nouvelle
définitive.

Elle avait quatorze ans et crânait au milieu de ses copines
quand elle me croisait dans l’escalier qui montait à sa
chambre. Mon grand frère, lançait-elle, pendant que les
bouches juste pubères gloussaient, que les regards en
coin me dévoraient avec curiosité. C’est un étudiant en
Histoire des Arts, ajoutait-elle, prenant bien soin
d’accentuer les voyelles, entre admiration et moquerie,
accompagnant ses paroles de gestes minaudiers. Ces
images sont les plus récentes, celles du dernier été avant
mon départ, il y a bientôt huit ans. J’abordais l’âge adulte
avec l’insolence que procurent les illusions. Je quittai la
maison natale sans le moindre remords, jouissant avec
hargne de la rupture que je créais, laissant ma mère se
noyer dans la mélancolie, pendant que mon père,
rugissant ses derniers reproches avant de tourner les talons,
m’adressa un regard si puissant qu’il accompagne encore
la plupart de mes cauchemars.

L’avion a pris son temps, puis s’est enfin immobilisé près
d’un satellite dont l’immense baie vitrée reflétait un soleil
mou. Autour de moi, les gens bougeaient en tous sens
malgré l’interdiction de quitter leurs places. Une femme
aux yeux alourdis de fatigue m’a supplié de l’aider à
récupérer un sac en plastique au-dessus de son siège. Elle
m’a souri et remercié quand je lui ai déposé l’objet dans
les bras. J’ai bredouillé une vague formule de politesse.
Cela me faisait un drôle d’effet d’être là après toutes ces
années. Quittant le train qui n’avait pas plus de dix
minutes de retard en gare de Lannemezan, j’ai pris le bus
8
qui aussitôt s’est engouffré dans l’étroit couloir des
gorges de la Neste. La route sinueuse me donnait le mal
de mer quand j’étais enfant. Sous les parois abruptes de
roches et de forêts, je retrouvais après chaque virage un
nouveau point de vue du paysage familier, un village
agglutiné autour de son clocher, des bergeries accrochées
aux pentes herbeuses et les longues courbes sauvages du
torrent qui louvoyait entre les bouquets de frênes.
Engourdi par la fatigue et le bruit du moteur, je somnolais,
la joue calée contre la vitre, quand le bus m’a déposé au
fond de la vallée. Pour éviter le détour des lacets, j’ai pris
au plus court et gravi à pied l’étroit sentier jusqu’à la
maison. C’était le chemin de l’école primaire, il sentait
bon les fougères brunies par l’été.

J’ai franchi la porte et aussitôt reconnu l’odeur de cire
des parquets. Maman se tenait devant l’évier. Quand elle
s’est retournée, j’étais sans voix. Elle n’a pu retenir ses
larmes. Elle passa alors une main dans ses cheveux pour
dégager son front et s’approcha pour m’embrasser. Elle
me paraissait plus petite que dans mon souvenir, mais j’ai
reconnu le parfum de sa peau, celui de l’enfance, une
odeur douceâtre de lait sucré, un souvenir qui ne meurt
jamais. Ses mains humides saisirent son tablier et le
froissèrent avec vigueur, puis se projetèrent vers moi, se
posèrent sur mes joues, glissèrent sur mes tempes jusqu’au
sommet du crâne, cramponnèrent mes cheveux par
touffes épaisses. C’était brutal et irrésistible ; j’étais
dévasté par l’émotion.
Tu es là, comme je suis contente. Pour Jeanne, tu
es venu...
Ce furent ses paroles, son visage à peine vieilli livrant un
faible sourire, ses premiers mots à mon intention depuis
notre conversation téléphonique, il y a moins de
qua9
rante-huit heures, quand elle m’apprit la nouvelle. Jeanne
était à la morgue de l’hôpital, dans la chambre froide. Je
m’égarai dans une obscurité si noire que les formes
autour de moi se fondirent en un magma chaotique et flou.
La réalité m’apparaissait dans une étrangeté absurde et
les paroles de ma mère résonnaient contre ma boîte
crânienne: "Pour Jeanne..."— elle avait insisté — un
reproche, ou plutôt un rappel discret de mon absence à la
mort de mon père.
Nous irons la voir demain, si tu veux, juste avant
les obsèques. Tu sais, il y aura toute la famille. Tu
pourras voir la tombe de papa du même coup, disait-elle avec
naturel, sans aucun tremblement dans sa voix, comme si
l’aspect pratique était à considérer en toutes
circonstances.

Tu vas t’installer dans la chambre de ta sœur.
C’est la seule de libre… Tu comprends, l’oncle Paul va
arriver d’un instant à l’autre… et depuis ton départ, nous
avons pris de nouvelles habitudes. Tu comprends… Et
ton travail, ça va ?
Oui, mais c’est sans intérêt. Je m’en sors, ça me
suffit… Je n'ai pas envie de passer la soirée là-dessus.
Maman n’a pas insisté. Ma réponse était suffisamment
rude pour clore l’interrogatoire. C’était le principal
problème entre mes parents et moi, du temps de mon père.
Heureusement, maman s’est montrée plus délicate.

La maison n’avait pas changé. J’ai parcouru le couloir
central dont le papier peint à fleurs terni &

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