La déraison
262 pages
Français

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La déraison , livre ebook

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Description

Qui était cette ancienne comédienne dont la voix magnifique envoûtait ses patients : une analyste, un apprenti sorcier ou une manipulatrice ? Vers quel univers fantasmatique entraîna-t-elle une jeune femme sans trouble psychologique sérieux à l'origine ? Retraçant le face-à-face entre une psychothérapeute et sa patiente à peine sortie de l'adolescence, La Déraison visite la face sombre d'une psychothérapie tournant au drame.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 novembre 2008
Nombre de lectures 205
EAN13 9782336264073
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2008
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296054745
EAN : 9782296054745
Sommaire
Page de Copyright Page de titre Dedicace Remerciements Épilogue Écritures
La déraison
Dérive d'une psychanalyse

Valérie Fonta
« Mais moi je puis pénétrer jusqu’à l’âme, car la parole Répond dans la pensée des autres, comme quand je joue je sais ce que l’autre répondra, il ne peut pas faire autrement. Car les voix, c’est comme les couleurs Et comme entre les voix il y a réponse Entre les âmes qu’elles se haïssent ou s’aiment. »
Paul Claudel
L’échange
C’était hier, La nuit des temps... Ma frêle silhouette me colle à la peau Avec ses états d’âme. Je me retourne sur elle, sur mon passé Au risque de devenir statue de sel. Le vent soufflera sur mes cendres un jour Mais les mots se souviendront. Cette amertume au lointain souvenir Se charge de mes pensées au lieu de mes poussières. Elles investissent la moindre particule.
L’homme politique existe par élection. L’acteur par l’admiration et les applaudissements. Elle parce que je venais la voir et que je parle d’elle aujourd ’ hui .
À la mémoire de Pierre D.
Remerciements à Fernande Chambon, Anne Lapiz, Virginie Noubissié, Anne-Sophie et Philippe Schmitt-Kummerlee
à Pierre-Yves, aussi, mon époux
L ongtemps, le réveil fut un frisson d’effroi, un rappel au vacarme et au gâchis, un sursaut, parce que la crainte était devenue réalité. Lancinantes images du passé. Écoute de fous rires et de larmes. Les yeux s’ouvraient dans des domiciles nouveaux. Et dans ce vide résonnait, telle une sentence, le mot “fixation”, vexdict d’un psychiatre. C’est vrai, je n’avais qu’une idée : la revoir, comprendre. La volonté de ce jour me raccrochait à l’infime. La situation avait été arrêtée par des murs. Nécessité de choisir embarrassante... pour celui qui s’agite face à l’injustice. Les murs de l’hôpital psychiatrique ou ceux du commissariat de police ? Sur moi, des mains fermement. Conduite à la résignation du corps, en regard d’une volonté de révéler comme du béton. Se dire en cetinstant que de lutter est inutile. On m’emmène. Je ne reviendrai pas. Je le sais. Elle venait de le crier : « C ’ est frni ! »
Soudain, le regard s’aveugle de ces années... Chemin à la renverse. En face de moi, ma silhouette cherchant le bouton d’électricité pour éclairer le jardin de la résidence , un soir de janvier. Les chevilles se tordent sur les interstices du tracé de pierres plates.
L a personne qui m’ouvre la porte ne me regarde pas, ne regarde jamais l’autre.
Avec un geste qui souligne la précaution envers un premier instant, elle la referme très doucement derrière moi. Elle m’invite à entrer dans le salon et à venir m’asseoir près de la baie vitrée puis s’assied en face de moi. Son regard se dirige vers la vitre.
Elle me demande ce que je souhaite.
Je ne sais pas... Je réfléchis... Je réponds :
« Je ne me sens pas du tout adulte. »
Elle me demande mon âge, les études que j’ai suivies, si je travaille.
J’ai 24 ans. J’ai suivi des études en architecture. Je travaille comme dessinatrice dans un ministère.
Son regard n’a pas quitté la vitre.
Elle s’étonne de la couleur de mes cheveux, qu’elle trouve beaux.
Un silence...
Elle s’étonne aussi de la ressemblance “étrange” avec mon père.
Un silence...
Elle me demande de lui parler de mes parents qu’elle dit connaître et aimer tous les deux.
Je préfère ma mère. Je la trouve plus belle, plus pure.
« Plus pure ? » cette réflexion semble l’indigner.
Elle pense que tout un raffinement se cachait “sous la trogne d’alcoolique” de mon père :
« Je suis sûre qu’il avait dans sa jeunesse un petit visage frais comme le vôtre. »
Elle m’avait aperçue à ses obsèques :
Mes cheveux étaient très blonds. Un foulard de soie claire était noué autour de mon cou. Je portais une robe bleu foncé et me tenais très droite, les jambes serrées.
Elle s’était demandé si j’étais sa fille ou bien sa maîtresse.
Un long silence. Je revois cet après-midi, l’église de Saint-Thomas-d’ Aquin, le cimetière du Père-Lachaise, la foule. Affaiblie par les larmes, je pleurais. Pourtant, je ne l’aimais pas.
Elle me demande d’où venaient toutes ces larmes.
Je ressens la chaleur de ce printemps 1976. Dans mon dos le radiateur brûle. Le feu monte au visage. Les mains deviennent moites. Je voudrais fuir. Il est trop tard.
« C’était quelqu’un votre père... Un grand peintre ! Il était non seulement connu mais reconnu. »
Je sais son talent mais lui en veux. Il ne s’est jamais occupé de nous.
Elle me demande de lui parler de moi.
Ma vie est faite d’éloignement et de séparation. J’ai peur de l’abandon... Peur de la mort... Peur de m’évanouir en pleine rue.
J’habite le cœur de Paris, tout près de la Seine et des Tuileries, dans un grand appartement, chez ma grand-mère. Là, vivent aussi ma mère, mon frère...
Des questions encore.
Des réponses.
Des silences.
Des questions sans réponse.
Des propos sans importance.
Des paroles effacées dans le temps.
Plus tard, je me lève avec la détermination de ne rien poursuivre.
Mais elle me fait un prix :
« Quatre-vingt-dix francs. »
Car elle souhaite me voir venir, aussi, le samedi matin, pour faire de la relaxation. Elle désigne la natte de paille.
Je voudrais refuser, dire :
« Je suis venue seulement ce soir, pour des conseils. »
Et dans une succession de maladresses tombent mon mainteau, que je relève, mon écharpe, mes gants l’un après l’autre.
Elle se baisse aussi pour les ramasser, m’aide à revêtir mon manteau :
« Cela va aller un petit peu mieux à présent. »
Puis elle me raccompagne vers la porte et me serre la main, très fort :
« À samedi ! »

Je m’enfuis en courant, avec un sentiment de peur étrange, peur de l’inconnu, prescience d’un malheur. Impression indéfinissable d’avoir déjà vécu ces instants.
Ce soir-là, dans l’attente de l’autobus, face à l’Hôpital Saint-Antoine pouvais-je prévoir que je serais précipitée en ces murs ? Pouvais-je prévoir toute cette violence ?

Années de doute et de certitude, de partage entre la tristesse et la joie. Ses mots résonnaient durs, tendres . Années d’espoir mêlé de désespoir. L’esprit se vide de toutes ses impressions. Les moments où l’on donnerait tout. Ceux où l’on se culpabilise. Passage du soulagement à l’appréhension Toujours.
C’était à une époque où tout, pour moi, n’allait plus très bien. L’enfance s’en était allée. Le passage de l’adolescence à l’âge adulte, des études au monde du travail, me rendait morose. TI y avait eu la mort de mon père. Je travaillais depuis peu dans un ministère et ne m’y plaisais pas. J’avais eu beaucoup d’amis, de petites aventures amoureuses. Il y avait eu l’exposition “Elles”de Lautrec au musée Marmottan. Intime rencontre, un soir, d’une peinture incantatoire. Puis je m’étais isolée dans la fumée du tabac, inhalant gitane sur gitane. Volutes bleues ! Je voulais écrire et avais commencé un roman ; mais au milieu des lignes, je me sentais plus seule encore, à rechercher je ne sais quoi d’impossible. Sans doute l’âme sœur. Et cet hiver, je vins échouer là... Auprès d’un être qui devait troubler ma jeunesse et bouleverser mon existence.

« Ma fille aurait besoin d’avoir des échanges », lui avait dit ma mère, pensant qu’elle lui conseillerait pour moi quelqu’un de bien.
« Qu’elle m’appelle ! »

Au début, je riais. Ma grand-mère soupirait : « Pas toi Valérie ! » Elle se moquait : Elle voulait bien m’écouter et ce serait moins cher.
Ma mère me rapporta ces mots :
« Vous ne m’aviez pas dit que vous aviez une fille comme cela ! Votre fille, c’est une fleur ! 

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