LA MORT DES DIEUX RECIT DES TEMPS AZTEQUES 1325 1521
287 pages
Français

LA MORT DES DIEUX RECIT DES TEMPS AZTEQUES 1325 1521 , livre ebook

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287 pages
Français

Description

Ce récit évoque la vie d'une famille à travers l'épopée tragique de la civilisation aztèque. Depuis la fondation de Mexico (1325) jusqu'à l'apocalypse de la conquête espagnole (1521), cette famille de guerriers, de prêtres, de juges, connaît une évolution contrastée, faite de réussites et d'échecs, de gloire et d'oubli, de périodes de faveur et d'éclatantes disgrâces. Son évolution suit les transformations de la tribu errante et misérable des Aztèques, en un peuple maître d'un brillant empire bâti pour l'éternnité. Mais soudain, un danger mortel menace cette civilisation étrange, si raffinée et si sombre ...

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Informations

Publié par
Date de parution 02 septembre 2011
Nombre de lectures 18
EAN13 9782296465763
Langue Français
Poids de l'ouvrage 5 Mo

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Extrait

La mort des dieux
Du même auteur : Le Lion de la tribu de Juda, ou Un destin de femme dans l’Ethiopie ancienne, L’Harmattan 2008 L’Eunuque, récit de la Perse ancienne au XVIIIème siècle, L’Harmattan 2008 Une esclave songhaï, ou Gao l’empire perdu, L’Harmattan 2009 Sous le regard d’AmonRé, récit de l’Egypte pharaonique, L’Harmattan 2009 L’hommeoiseau de l’île de Pâques, L’Harmattan 2010 Le Mage, ou Dans la Perse des Achéménides, L’Harmattan 2010 Le Prêtre Jean, ou Le royaume oublié, L’Harmattan 2011 © L’Harmattan, 2011 57, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 9782296552456 EAN : 9782296552456
Tristan Chalon
La mort des dieux
Récit des temps aztèques (13251521)
L’Harmattan
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I Aux origines Chapitre 1. Une naissance C’était aux temps héroïques et légendaires de la fondation de 1 Mexico-Tenochtitlan, capitale des Mexica . C’était au cœur d’un hiver de froid et de famine. C’était par une journée de vent, de pluie, de faim. Des volcans et des montagnes, une bise d’« obsidienne », aigre et coupante, descendait sur la vallée, ordinairement tiède et fleurie, aujourd’hui glacée. Ce vent froid rendait plus pénible la pluie. Sous le ciel bas, sous cette pluie monotone, par cette bise, le village de Mexico-Tenochtitlan, installé sur un îlot de roc et de sable au milieu des marais, paraissait d’autant plus faible et misérable. Secouées par les rafales, ruisselantes de pluie, les huttes de roseaux étaient dispersées en désordre autour des deux temples. L’un de ces sanctuaires, peint en rouge et blanc, était dédié au dieu tribal Huitzilopochtli, dieu de la guerre et de la 2 chasse . L’autre, peint en bleu et blanc, célébrait le très ancien dieu Tlaloc, dieu de la pluie et de l’eau. Ces édifices modestes de pisé, de roseau et de chaume marquaient, près d’une caverne et d’une source, l’endroit où jadis les dieux s’étaient manifestés par un message. C’était là, en l’an 2 Maison 1325, au cours de la cinquième « ligature d’années », qu’un aigle à l’envergure puissante était apparu, perché sur un nopal. Le rapace tenait dans ses serres un serpent et il le dévorait. Les fruits du cactus avaient la forme et la couleur des cœurs humains que l’on offrait aux dieux. Cette scène répondait à la vision que les dieux tutélaires avaient envoyée à l’un de leurs prêtres. Les dieux avaient aussi rappelé que le cœur de Copil, l’ennemi des Mexica, avait été jeté à l’emplacement même où le figuier s’était développé. Depuis lors, cet archipel de roc et de sable qui se confondait avec le marais était devenu, par un ordre divin, la résidence fixe des Mexica. Une aire dédiée aux dieux avait été tracée. Les prêtres y avaient déposé les « paquets sacrés » dont ils se réservaient jalousement le portage. Ces bagages contenaient l’effigie du
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dieu, les costumes liturgiques, les ustensiles du culte, les encensoirs et brasiers à encens, le couteau sacrificiel d’obsidienne, les récipients et vases en pierre verte où l’on recueillait les cœurs et l’« eau précieuse ». Mais l’îlot, de faible étendue, était inhospitalier, morne et désolé, exposé à la fois à l’inondation et à la sécheresse. Le sol était stérile, la végétation pauvre, le gibier réduit aux oiseaux aquatiques. Au milieu du marais saumâtre, l’eau douce était rare. Les matériaux, la pierre, le silex, le bois manquaient. Et les peuples voisins toléraient plus qu’ils n’acceptaient la présence d’une tribu crainte et détestée pour sa férocité, sa soif de sacrifices humains, sa pratique du rapt des femmes. La tempête maintenant se déchaînait, ébranlait les cabanes, froissait le chaume des toits. Les rares arbres, saules et sapins, frissonnaient au souffle glacé. Les cactus s’accrochaient à la pierraille et souffraient. De petites vagues coléreuses parcouraient le lac. Les massifs de roseaux qui hérissaient les bancs de sable ployaient et bruissaient au vent. Le lac, les marécages, le décor montagneux qui enserrait la vallée disparaissaient dans le brouillard. Mais, dans une de ces pauvres cabanes, la joie éclatait et saluait la naissance d’un enfant. L’épouse du guerrier Xomoc, chef du clan des Aigles, venait de mettre au monde un garçon, son sixième enfant, mais le premier qui fût né à Mexico. De cet endroit prédestiné, les Mexica domineraient l’univers, les dieux l’avaient promis. La sage-femme, qui était une voisine, souhaita la bienvenue au nouveau-né, lui adressa l’homélie de rigueur, complimenta les vieillards de la famille. Des cadeaux, de peu de valeur, furent échangés : un couteau de silex, deux ou trois épis de maïs, un panier d’osier, un bracelet de cuir. Le père rempli d’espérance et d’orgueil courut consulter le devin qui habitait une tanière près du temple. La hutte basse où sous le toit de roseaux nichait une chouette était plongée dans la pénombre. Elle ne contenait qu’une natte, un mortier et un pilon, de la poterie grossière, le coffre en osier où le devin rangeait ses manuscrits. Les tisons du foyer luisaient.
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Enveloppé dans une peau teinte en violet, le mage à la longue chevelure poissée de sang tira du coffre le livre des destins et le calendrier divinatoire. Il s’éclairait à la petite flamme d’une mèche trempant dans un godet rempli d’huile. Il déplia avec soin les pages en accordéon faites de papier d’écorce et 3 couvertes de glyphes et de peintures . Pour répondre à son visiteur, il consulta les enseignements de ses maîtres qui s’étaient gravés dans sa mémoire, il se remémora les règles qu’il avait jadis étudiées et apprises par cœur. Il examina le signe du jour, son nombre, la « série » à laquelle il appartenait, il identifia la divinité influente ainsi que le « seigneur du jour » 4 et le « seigneur de la nuit », il prit en compte l’année solaire , il soupesa chacun de ces éléments. Oui, conclut le devin, ce jour était très favorable, il y lisait un destin glorieux. L’âme que les dieux primordiaux avaient insufflée au moment de la naissance reliait le nouveau-né à l’univers céleste et solaire. L’enfant accomplirait les promesses des dieux. Le devin termina par des paroles prophétiques. - Par ce fils, déclara-t-il avec exaltation, tu feras souche d’une lignée ininterrompue de grand-maîtres de l’ordre des Aigles. Ce fils, ses descendants de génération en génération œuvreront à la gloire du peuple aztèque. Tous périront d’une mort héroïque. Mais leur âme sera admise pour l’éternité dans le cortège du soleil et leur nom figurera à jamais dans les annales des Mexica. Xomoc remercia le mage d’un présent : une anguille, un beau silex brut, un petit fagot. - N’oublie-pas les dieux, lui dit le devin. Ils ont soif, ils sont fatigués, ils combattent sans épargner leurs forces pour sauver l’univers menacé : donne-leur de ton sang. Tu iras au temple te frotter contre le buisson hérissé d’épines, de dards et de poinçons. - Je serai prodigue de mon sang. Mais je ferai mieux : pour remercier les dieux je capturerai un guerrier ennemi et je l’offrirai à Huitzilopochtli.
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- Ta piété sera récompensée. Cette nuit, durant mon bain rituel dans l’eau glacée de la lagune, j’appellerai sur ton fils la bénédiction des divinités. Tandis que les femmes, parentes et voisines, se mettaient en peine de préparer un repas – tâche presqu’impossible en cet hiver de famine – la sage-femme procéda au rite du « baptême » : elle déposa quelques gouttes d’eau sur les lèvres de l’enfant, sur sa poitrine, sur sa tête, elle le lava, puis elle le présenta aux cieux et elle implora les dieux : qu’il devienne un valeureux guerrier comme son père ! Et le nom de l’enfant fut proclamé : Tlacateotl (« Homme divin »). Le choix de ce nom s’imposait : l’enfant était né au jour anniversaire de l’apparition divine et de la fondation de Mexico. Le soir, un banquet, symbolique en ces temps de détresse, clôtura l’événement. Par cet hiver de froid, de faim, de privations, le repas ne pouvait être que très modeste ainsi que s’en excusa l’aïeul qui présidait la cérémonie. On servit des poissons sans sel ni condiment et quelques oiseaux rôtis, pauvre gibier de corneilles et poules d’eau. Par extraordinaire, les vieilles gens eurent droit à une coupelle de pulque. Dans l’âtre délimité par trois grosses pierres noircies, un maigre feu qui enfumait l’intérieur de la hutte se consumait sans apporter beaucoup de chaleur et les convives dans leurs vêtements de peaux grelottaient de froid. C’est que le bois faisait défaut comme les vivres. Cependant, dans le sanctuaire du dieu tribal Huitzilopochtli, les anciens réunis célébraient la prière du soir. Le temple était installé dans un site inhospitalier mais marqué d’un sceau divin. Par ces temps difficiles de pénurie, les offrandes aux dieux étaient modestes. Le grand-prêtre qui appartenait au clan des Jaguars supplia les dieux de s’en contenter. D’ailleurs lui-même, les prêtres du collège, les devins, les novices, tous s’étaient infligés de cruelles blessures, avaient versé leur sang en l’honneur des divinités : ils espéraient que leur piété désarme le courroux du ciel.
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A leur foi, se mêlaient une amertume inconsciente, un muet reproche. Car cet îlot exigu et déshérité que le décret des dieux leur avait attribué, encore fallait-il en obtenir la jouissance des puissantes cités riveraines du lac, propriétaires des eaux et des marais. Le versement d’un tribut avait été imposé aux farouches Mexica, contraints de feindre la soumission, de s’humilier, de prêter acte d’allégeance à la cité de Culhuacan. Les opulentes cités d’Azcapotzalco, de Culhuacan, de Texcoco 5 écrasaient de leur mépris les Mexica . Ces barbares du nord, disaient-elles, ces nouveaux-venus dans la vallée descendaient des sauvages Chichimèques. Jadis, ignorant l’art de l’agriculture, ils vivaient de la chasse, de la pêche, de la cueillette. Ils se nourrissaient de champignons, de racines, de figues du nopal, de fruits de l’acacia, de résines comestibles, de petit gibier, de poisson. Les aliments immondes ne leur répugnaient pas, insectes, batraciens, reptiles. Longtemps, ignorant l’art de la construction, ils avaient habité au fond des bois, dans des grottes comme les animaux. Ignorant l’art du tissage, ils étaient vêtus de peaux de bêtes. Les barbares Mexica n’avaient aucun lien avec les peuples évolués. Les orgueilleuses cités se considéraient comme seules héritières de la brillante civilisation des Toltèques. Elles seules pouvaient revendiquer les faveurs du dieu Quetzalcoatl, le bienfaiteur de l’humanité, l’inventeur de l’écriture, du calendrier, des arts et techniques. De ces trésors, elles seules étaient dépositaires. Tenoc le chef de la tribu s’indignait de ce mépris : le peuple des Mexica avait lui aussi des ascendances toltèques, lui aussi pouvait prétendre à l’héritage de Tula. Et quand on lui opposait les mythes, les traditions, les annales qui disaient le contraire, Tenoc s’écriait qu’il fallait les revoir, les réécrire, les reformuler… sans nier cependant l’obscurité des origines, les péripéties parfois peu glorieuses, les épreuves et les humiliations d’un passé proche. Les Mexica étaient-ils d’ailleurs des « nouveaux venus » ? Ils se prétendaient originaires de la mythique cité d’Aztlan la Blanche. Mais par une mystérieuse projection du présent sur le passé, c’était Aztlan qui reproduisait le modèle de Mexico, comme si de tout
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temps cet îlot avait été le berceau de la tribu, comme si la tribu s‘y réinstallait. Le souvenir des drames récents était encore vif. Au terme d’une pénible errance dans la vallée, les Mexica indésirables avaient fini par se fixer à Chapultepec, « la colline de la sauterelle ». Le lieu rocheux et boisé – bien qu’il fût considéré comme inhospitalier – offrait l’avantage de sources abondantes. Les Aztèques en avaient été chassés à deux reprises. En l’an 2 Roseau 1299, leur chef fait prisonnier avait été sacrifié aux dieux par le vainqueur, le seigneur de Culhuacan qui avait imposé aux fiers Mexica le statut humiliant de vassaux et de mercenaires. Mais, cette dure existence, cette précarité, un passé d’errances avaient forgé les corps et les esprits de la tribu. La privation des biens les plus élémentaires affectait les Mexica bien moins que d’autres peuples, installés dans l’abondance, devenus plus délicats, moins endurants. Leur capacité à braver les souffrances, à supporter la faim, le froid, l’excès de chaleur ou la soif conférait un avantage aux Mexica-Aztèques. D’ailleurs, les peuples de la vallée méprisaient les Mexica mais les redoutaient. Une réputation de férocité renforçait autour de leur « capitale » la protection naturelle que l’isolement, la ceinture des eaux, les difficultés d’accès lui assuraient. Il fallait pour s’y rendre traverser la lagune à gué ou en bateau. Telle était la dure condition du peuple aztèque lorsque Tlacateotl vint au monde. Il faillit ne pas surmonter la rigueur d’un hiver glacial marqué par une mortelle famine. Le froid avait privé les Mexica des ressources dont habituellement ils subsistaient. Ces ressources étaient tirées de la chasse et de la pêche. Mais les oiseaux avaient fui vers des contrées plus clémentes. Reptiles, batraciens, insectes dont on se nourrissait aussi avaient disparu. Le poisson devenait rare. Quant aux provisions et réserves, elles s’étaient épuisées depuis longtemps. La faim frappait donc durement, éliminant les plus faibles.
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