Le ciel des oubliés
349 pages
Français

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Le ciel des oubliés , livre ebook

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349 pages
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Description

Comment aimer ces hommes, anciens pilotes de chasse, encore jeunes mais déjà usés, finis ? Par quel miracle, des femmes d'exception, tentées pourtant par d'autres horizons, semblent-elles y parvenir ? Eux, en tout cas, se haïssent. Descendus de leurs machines, ils y ont laissé leur noblesse d'âme. En une ultime tentative pour la retrouver, ils décident de former une patrouille acrobatique. Voici leur histoire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2010
Nombre de lectures 107
EAN13 9782296256996
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1400€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le ciel des oubliés
 
 
Du même auteur
 
 
Roman
 
La ballade de Rivière Eternité, Editions Bonne anse, 2010
 
Dominique Bugat
 
 
Le ciel des oubliés
 
 
Roman
 
 
L’Harmattan
 
 
L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
 
ISBN : 978-2-296-11919-2
EAN : 9782296119192
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
Aux obstinés
 
 
Avertissement : Si j’ai effectivement appartenu à une patrouille acrobatique, elle n’est pas celle dont l’histoire est ici contée. De même, je ne suis pas Tardy, le narrateur, et je ne vois pas pourquoi je lui ressemblerais. Donc, toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé et des événements réels serait purement fortuite.
 
25 avril.
 
 
Ils sont arrivés à l’aube, sous la pluie. Un vrai déluge. Un café, quelques hésitations endormies puis il a fallu s’assurer que, sur les cinq avions, le plus petit boulon et la moindre goupille sont en place et sécurisés.
Réunis ensuite dans le bureau niché en un angle du hangar, mal assis sur des chaises centenaires, autour du poêle qui s’obstine à produire de la fumée, autour d’un autre café, ils ont attendu.
Un pilote doit savoir attendre.
Quelques phrases sans intérêt réel, puis les esprits se sont engourdis, les gestes se sont fait rares.
Plus tard, bien plus tard, l’un d’eux s’est levé. Un à un, en râlant, ils ont alors quitté la chaleur du poêle pour retrouver le hangar, en ouvrir les lourdes portes avant de rester là, à l’abri, près des cinq biplans, petites merveilles racées, surpuissantes. Bijoux d’un blanc immaculé. Immaculé parce que les mécanos s’en occupent parfaitement.
 
 
10 heures 40.
 
 
La couche de nuages glisse sur les tôles du toit en une interminable caresse que les cinq hommes n’entendent pas. Le fracas de l’averse qui frappe la ferraille. Ils n’entendent que ça. S’il dure, d’ailleurs, ce boucan va finir par les rendre fous. Ou sourds.
Une cigarette à demi consumée est jetée puis écrasée d’un coup de talon sur le sol en ciment, sur la couche de peinture verte qui, par endroits, subsiste encore. Quelque part, le claquement d’une gouverne sur ses butées, plus loin une main couverte d’un épais gant de cuir glisse sur la toile d’un fuselage. Une voix rauque de café froid et de tabac :
Fais monter tes nuages, bon Dieu !
Une canette de bière qu’on décapsule, le cliquetis de la capsule brune sur le vert du ciment, une gorgée bruyante, un rot, un rire bref :
On dit : Faites monter vos nuages, s’il vous plaît, Seigneur.
 
 
11 heures 15.
 
 
Maintenant, sur les tôles du hangar, la pluie devenue raisonnable joue un air plus léger, la lumière change, les nuages sont plus haut, leurs barbules ne caressent plus rien. Un signe de tête et chacun s’approche de son avion pour le pousser, dehors, vers le rectangle de bitume défoncé qui jouxte le hangar.
L’un d’entre eux hésite.
C’est lui sans doute qui va mourir. A moins que…
A moins que tout cela n’ait rien à voir, que la mort ne choisisse le plus décidé d’entre eux.
 
1
 
Sept mois plus tôt. Septembre.
 
 
J ’étais alors pilote de chasse et si le monde tournait comme il le devrait, c'est-à-dire à peu près rond, je n’aurais pas dû me trouver dans ce couloir, assis sur ce banc de bois, occupant mon temps à observer le bleu du ciel, le bleu des yeux d’Helena et le blanc. Le blanc des murs, le blanc des hommes et des femmes qui circulaient en silence, le blanc qui tapissait mon cerveau.
Si le monde tournait rond, je n’aurais pas dû entendre la voix perdue d’Helena qui disait :
Tardy, j’ai peur.
Les poings serrés sur sa jupe, elle posait enfin les yeux sur moi, détaillait avec un intérêt que je ne saisissais pas mes cheveux en bordel, mes pupilles sans doute très sombres qui cherchaient en elle une raison de ne pas désespérer. Quelle idée… dans cet endroit… Son regard glissa ensuite sur mon pull gris et sur mon jean qui soudain me semblèrent l’un trop large, l’autre trop vieux. Elle tentait maintenant de prendre mes doigts qui se dérobaient. Sa main retomba alors sur quatre plis de sa jupe, ses yeux m’abandonnèrent. Puis elle désigna du menton ces hommes et ces femmes qui circulaient en silence dans ces couloirs sans âme.
Je n’ai pas peur de ces gens-là. J’ai peur des autres. Parce qu’ils sont revenus.
Je ne posai pas de question, je connaissais ces autres . De vieux amis d’Helena, des espions disait-elle. En tout cas, des types qu’elle n’avait jamais vus mais qui, de temps à autre, communiquaient entre eux dans les prises électriques de notre salon ou de notre salle de bains. Tout ce cinéma pour se confier des secrets qu’Helena ne pouvait saisir puisqu’elle ne comprenait pas leur langue. A sa décharge, elle pensait que celle-ci s’apparentait fortement au russe, ce qui ne m’étonnait pas car l’imagination d’Helena devait quand même avoir des limites et il semblait que nous les avions, avec tout ce tralala, atteintes. Auquel cas, un espion, alors, ne pouvait être que Russe.
Donc, depuis qu’elle avait entendu, à cinq heures du matin, ces conversations obscures dans une prise du salon, nous étions là, tous les deux, côte à côte sur le banc de bois, comme à l’église le jour de notre mariage, dans ce couloir trop grand pour nous.
Tardy… on est chez les fous ?
Oui.
J’avais eu envie de répondre non, envie de répondre que fou n’était pas le terme exact puisque je ne voyais pas d’entonnoir au-dessus des visages mornes qui parfois se montraient, j’avais eu envie de répondre que ces patients étaient juste comme elle, bizarres. Mais, finalement, j’avais opté pour la vraisemblance jugeant qu’après tout ce n’était pas à moi de décider si ma femme était folle ou seulement bizarre. Celui qui décidait de tout cela, justement, s’avançait. Tablier blanc, badge, stéthoscope, stylos rouge, noir et bleu dans la poche de poitrine, sans un mot il se penchait sur Helena avec un sourire pour, finalement, enlever cette femme aux yeux si bleus.
En vieil habitué des lieux, je n’avais pas, moi non plus, prononcé une seule parole. On ne sait jamais.
Je me suis éloigné, j’ai retrouvé le bleu du ciel, j’étais de nouveau seul.
Enfin, presque seul.
 
 
Deux heures plus tard, sur le tarmac lumineux, je marchais vers mon avion, traversais le jet chaud d’un Mirage 2000 au roulage, respirais l’odeur du kérosène brûlé. Le sifflement puissant du réacteur faisait vibrer le sol sous mes pieds, l’air tremblant, surchauffé, déformait le monde.
Loin du banc de bois, du couloir crasseux, j’étais là dans mon univers, à ma place. Un recoin si brûlant, si assourdissant que je pouvais oublier la femme aux yeux bleus et ses oreilles qui traînaient là où il ne fallait pas.
Des oreilles qui traînaient… il s’agit d’une image bien sûr car les oreilles d’Helena étaient charmantes, en particulier lorsqu’elles rougissaient pour souligner le bleu des yeux qui se mettaient à pétiller. Pour tout vous dire cela était arrivé une fois. Et une seule. Le soir de notre premier rendez-vous derrière les vestiaires du stade de foot, à la lumière d’un réverbère déglingué, tandis que je tenais cette jolie fille de dix-neuf ans dans mes bras, j’avais vu rougir les lobes arrondis, pétiller les pupilles agrandies.
Bref, revenons à nos moutons. J’étais donc là, sur ce tarmac, dans mon univers mais cet univers était mal en point. Et moi j’étais, en termes choisis, trop usé, trop las, trop vieux.
En termes moins choisis, mon dos était cassé, ma vue s’attachait désormais à apprendre par cœur les petites lettres des premières lignes des tests de vision, mes oreilles ne décibêlaient que dans les fréquences les plus faciles à attraper, mon sang s’était gorgé de triglycérides, mon cerveau mélangeait allégrement les schémas des circuits hydrauliques et électriques de mon avion, mes mains enfin se mettaient à trembler au cinquième whisky quand elles tenaient sans émotion particulière le dixième, un an plus tôt.
Mon univers était donc mal en point, au bord de l’implosion et j’ignorais à quoi laisserait place cette catastrophe. Un désert sans doute, un désert immense, privé d’horizon.
Mon avion, lui, é

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