Le clan des femmes
139 pages
Français

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Le clan des femmes , livre ebook

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139 pages
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Description

Sarah est née dans un village au coeur de la savane, miraculeusement préservé des changements qui bouleversent l'Afrique en ce début de XXe siècle. A sa petite fille qui l'interroge, elle raconte sa vie : mariée à neuf ans à un ami de son grand-père, Sarah est enceinte à peine pubère et grandit en tant qu'épouse dans un foyer polygame. Au fil des pages, on découvre Sarah confrontée aux limites que la société lui impose, aux prises avec l'amour, obsédée par son désir d'enfants. Une femme d'hier et d'aujourd'hui, une femme qui avance,tout simplement.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2010
Nombre de lectures 153
EAN13 9782336280134
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le clan des femmes

Hemley Boum
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296128477
EAN : 9782296128477
À Albert et Adi, lecteurs de la première heure, des premières lignes et de toutes celles qui ont suivi
À Mat et Raphi mes chevaliers noirs de la table ronde
A Nyedi
A Pap’ Tsoh
REMERCIEMENTS
Je remercie infiniment tous ceux qui ont participé à cette belle aventure.
Albert Boum, mon mari, qui y croyait bien plus que moi et qui excelle dans son rôle d’agent littéraire auto-proclamé. Mes sœurs, Anne-Stéphanie Mattivi et Nancy Kofana qui ont ajouté leurs souvenirs aux miens pour faire revivre Sarah. Pierre Kamé Bouopda, définitivement tombé amoureux de Première Épouse ; il faudra que je songe à lui rappeler qu’il s’agit seulement d’un personnage de roman.
À mes chères amies, les filles du Tcheb qui se reconnaîtront.
Et tous les autres, naturellement. Je ne peux pas tous vous citer, mais vous êtes dans mon cœur.
Merci encore.
Hemley Boum
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Dedicace REMERCIEMENTS Epigraphe NOTE DE L’AUTEUR LE MARIAGE PREMIERE ÉPOUSE LA SUCCESSION FILS AÎNÉ LE RETOUR DU FILS PRODIGUE LA RIVIERE JOUR DE DEUIL L’ENFANT QUI NE VIENT PAS LA GUERISSEUSE PYGMEE LA CROISEE DES CHEMINS TOUT EST BIEN
Quand les feuilles tremblent, ce n’est pas l’affaire des racines.
Wole Soyinka
NOTE DE L’AUTEUR
Pour les besoins de l’histoire, j’ai choisi d’appeler ma grand-mère Sarah. C’est un prénom qui lui ressemble. Sarah était la mère de mon père. Elle est née dans ce que nous appellerons un petit village africain, vers 1905 je crois ; elle avait environ 102 ans lorsqu’elle est décédée en 2007.
Je dis qu’elle est née « vers » et qu’elle avait « environ », parce qu’il est difficile d’être plus précis. A cette époque, il fallait attendre les grandes campagnes de recensement pour que les enfants soient inscrits sur le registre de l’état civil. Le préposé aux inscriptions évaluait l’âge de l’enfant en fonction des déclarations des parents et l’inscrivait. Plus souvent encore, il inscrivait simplement la date du jour. On pouvait avoir déjà cinq ans au moment de l’inscription, ou n’être qu’un nouveau-né. Dans l’acte de naissance, il était marqué : « Née vers... »
On ne parle pas beaucoup dans ma famille, les liens sont tellement divers et multiformes qu’il est difficile de déterminer le degré précis de parenté qui nous lie les uns aux autres. Qu’importe le fil par lequel on décide de tirer, l’écheveau se tient par la fraternité. Nous sommes frères si nous sommes de la même génération, ceux d’avant sont tous nos pères et nos mères et plus loin, nos grands-parents.
La parenté n’est pas seulement une affaire de sang, disait ma grand-mère , elle est aussi affaire de cœur et d’intérêt. La parenté n’est jamais linéaire et sûre, elle est sinueuse comme un fleuve, elle a ses secrets et ses zones d’ombre.
J’avais besoin de connaître Sarah, au-delà de la vieille dame, au-delà de la grand-mère qui fut mon alliée et ma complice. J’avais besoin de rencontrer la femme, la petite fille qu’elle était pour construire ma propre identité. Je n’ai trouvé aucune trace écrite de l’histoire des femmes de ma famille, sur cette période, aucune lettre échangée, aucune photo jaunie par le temps et précieusement conservée.
Lors des cérémonies rituelles, fêtes ou obsèques qui sont l’occasion de se raconter, reviennent sans arrêt des histoires d’hommes, des guerres gagnées, des parties de chasses héroïques, des actes marquants de la famille, mais des femmes, rien. Rien, hormis des souvenirs d’une vieille dame. Cette histoire est la sienne.
Je précise que si la trame et l’esprit de mon récit sont tout à fait réels, j’y mêle volontiers mes souvenirs, les confidences de ma grand-mère et ma propre imagination.
Hemley Boum
LE MARIAGE
Sarah a été mariée une première fois à mon arrière-grand-père.
Le Vieux et mon grand-père étaient amis de longue date, me raconta Sarah. Ils étaient alliés dans le commerce et les guerres entre clans. Lors d’un de ses séjours dans notre concession, il rencontra ma mère, une des épouses du fils de son ami. Elle était enceinte. - Elle est belle, dit-il à mon grand-père, si elle accouche d’une fille, je l’épouserai.
La pratique était courante et servait souvent à consolider les liens et à renforcer les alliances. Mon grand-père était heureux de cet accord. A ma naissance, il lui envoya un messager : - Ton épouse est née.
Ils vinrent les bras chargés de cadeaux, la fête dura plusieurs jours, j’étais mariée avant même d’avoir dit mon premier mot.
Elle rejoignit la concession de son mari à neuf ans.
Ce n’est pas tant qu’il était méchant le Vieux, c’est qu’il puait. Mon Dieu que cet homme pouvait sentir mauvais… Jamais un bain. En plus, il n’arrêtait pas de s’oindre de toutes sortes de décoctions moisies, soi-disant pour éloigner le mauvais sort. Je savais moi qu’il n’avait qu’une idée en tête en courant les guérisseurs et autres charlatans : retrouver sa virilité perdue. Et je peux te dire qu’il y avait du boulot ! me disait-elle dans un rire à gorge déployée, fait d’humour, d’ironie et de pudeur à la fois.
Selon la tradition, la jeune fille devait s’installer chez son mari dès qu’elle était en âge de mettre à disposition sa force de travail. Elle s’installait en général chez la première épouse qui avait pour tâche de parfaire sa formation de femme. Elle lui apprenait à tenir convenablement un foyer et s’occupait aussi de son éducation sexuelle. L’homme ne devait pas toucher la petite, avant qu’elle ne soit pubère et soit de fait considérée comme une femme. Une coutume bien peu respectée.
À cette époque, mon arrière-grand-père avait une quinzaine d’épouses. Chaque femme avait sa Case-cuisine dans la concession familiale et y vivait avec ses enfants, tandis que le mari vivait dans la case principale. Selon un calendrier très égalitaire, les femmes se relayaient afin de cuisiner pour leur mari, et s’assurer de son bien-être. Selon agenda connu de tous, une des femmes cuisinait pour lui le soir et c’est celle-là qu’il rejoignait dans sa Case-cuisine. Les femmes et les enfants appartenaient au mari, ils lui devaient respect et soumission. Il leur assurait protection et confort.
Lorsque Sarah arriva dans sa concession, mon arrière grand-père décida de la garder avec lui dans la maison principale, enfreignant ainsi tous les usages.
Le Vieux se préparait depuis un long moment me raconta Sarah. Plusieurs jours à prendre des bains de plantes et à boire des décoctions censées lui redonner force et vigueur. Il était évident pour toute la concession que la nuit de noces n’attendrait pas.
Elle l’appelait Père, comme n’importe quel enfant appelait tout homme adulte. À vrai dire, il aurait largement pu être son père et même davantage ; certains de ses fils avaient l’âge d’être les pères de Sarah.
Le Vieux aurait dû attendre comme le veut la coutume, mais même ma mère savait qu’il n’en ferait rien. - Laisse le faire me dit-elle, plus tu résisteras et plus tu auras mal.
Je savais ce que les hommes attendent des femmes évidemment. Personne ne grandit dans une concession sans entendre le rire des femmes lorsqu’elles évoquent les exploits de leurs maris, des rires moqueurs, des petits rires timides, de grands rires d’amusement. Il y avait aussi la rivière, lorsque de retour des champs les femmes s’arrêtaient pour le grand bain du soir. Les commentaires tournaient presque exclusivement autour de l’acte sexuel, avec des métaphores très imagées, mais aussi les mots les plus crus. Et pour finir, il y avait des larmes, des chuchotements désespérés, des traces de violence. Tout cela se mélangeait dans ma tête pour faire ressembler l’acte sexuel à un vaste et inquiétant territoire entre blague et tragédie. Je ne m’attendais pas cependant à ce qui se passa. Je ne m’attendais pas au corps flasque du Vieux contre le mien, à ses mains aux ongles noirs qui me fouillaient et me griffaient comme une bestiole maléfique. Je ne m’atten

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