Le cri du fleuve
173 pages
Français

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Le cri du fleuve , livre ebook

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173 pages
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Description

En reportage pour le compte de CNN, Célia plonge au coeur de l'affrontement des milices qui ont mis à feu et à sang tout un pays. Vitrine ouverte sur les enfants enrôlés dans le ventre des groupements armés, les familles éclatées et les nombreux déplacés, son voyage en Afrique lui permet d'approcher l'une des réalités contemporaines du continent africain. Célia porte ainsi son regard troublé sur un pays d'Afrique Centrale qui, à l'instar des autres pays du continent, tente malgré ses plaies de se reconstruire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2010
Nombre de lectures 255
EAN13 9782336281087
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Encres Noires
Collection dirigée par Maguy Albet et Emmanuelle Moysan
Dernières parutions
N°336, Hilaire SIKOUNMO, Au poteau , 2010.
N°335, Léonard MESSI, Minta, 2010.
N°334, Lottin WEKAPE, Je ne sifflerai pas deux fois, 2010.
N°333, Aboubacar Eros SISSOKO, Suicide collectif. Roman, 2010.
N°332, Aristote KAVUNGU, Une petite saison au Congo, 2009.
N°33l, François BINGONO BINGONO, Evu sorcier. Nouvelles, 2009.
N°330, Sa‘ah François GUIMATSIA, Maghegha’a Temi ou le tourbillon sans fin, 2009.
N°329, Georges MAVOUBA-SOKATE, De la bouche de ma mère, 2009.
N°328, Sadjina NADJIADOUM Athanase, Djass, le destin unique, 2009.
N°327, Brice Patrick NGABELLET, Le totem du roi , 2009.
N°326, Myriam TADESSÉ, L’instant d’un regard, 2009.
N°325, Masegabio NZANZU, Le jour de l’éternel. Chants et méditations, 2009.
N°324, Marcel NOUAGO NJEUKAM, Poto-poto phénix, 2009.
N°323, Abdi Ismaïl ABDI, Vents et semelles de sang, 2009.
N°322, Marcel MANGWANDA, Le porte-parole du président, 2009.
N°321, Matondo KUBU Turé, Vous êtes bien de ce pays. Un conte fou, 2009.
N°320, Oumou Cathy BEYE, Dakar des insurgés, 2009.
N°319, Kolyang Dina TAÏWE, Wanré le ressuscité, 2008.
N°318, Auguy MAKEY, Gabao news. Nouvelles, 2008.
N°317, Aurore COSTA, Perles de verre et cauris brisés, 2008.
N°316, Ouaga-Ballé DANAÏ, Pour qui souffle le Moutouki, 2008.
N°315, Rachid HACHI, La couronne de Négus, 2008.
N°314 Daniel MENGARA, Le chant des chimpanzés, 2008.
N°313 Chehem WATTA, Amours nomades. Bruxelles, Brumes et Brouillards, 2008.
N°312 Gabriel DANZI, Le bal des vampires, 2008.
N°311, AHOMF, Les impostures, 2008.
N°31O, Issiaka DIAKITE-KABA, Sisyphe... l Africain, 2008.
N°309, S.-P. MOUSSOUNDA, L’Ombre des tropiques, 2008.
N°308, Loro MAZONO, Massa Djembéfola ou le dictateur et le djembé, 2008.
N°307, Massamba DIADHIOU, Œdipe, le bâtard des deux mondes, 2008.
Le cri du fleuve

Katia Mounthault
© L’HARMATTAN, 2010
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296120303
EAN: 9782296120303
Sommaire
Encres Noires Page de titre Page de Copyright Dedicace Epigraphe 1 2 3 4 5 6 7 8 9 10 11 12 13 14 15 16 17 18 19 20 21 22 23 24 25 26 27
A Lolo et tonton Gaston qui ne me liront pas.
A Tonton R. B. F. : ta voix rayonne sur Poto-Poto.
A mes parents.
A Fanfan.
A Marcel.
I saw the best minds of my generation destroyed by madness.
Allen Ginsberg, Howl .
1
Mon pays ressemble à un homme court sur pattes, le dos appuyé contre un mur invisible. Sa large tête se dresse avec une altesse royale. Son nez pointe comme un bras tendu, son torse se bombe, et ses petits pieds baignent dans la mer. Moi, je viens des pieds : là où le vent lèche l’océan.

Le ronronnement des moteurs me surprit. A l’intérieur de la cabine, les passagers avaient l’ air engourdi. Certains se remettaient avec difficulté de leur long sommeil tandis que d’autres se mouvaient péniblement, étirant avec lenteur leurs muscles fatigués. Deux hommes s’étaient levés et faisaient de petits exercices de stretch dans l’étroit couloir pour se débarrasser des crampes du voyage.
Je les observai d’un air distrait. Mes paupières, lourdes, pesaient comme des sacs de plomb. Je fis un mouvement en avant, comme pour me lever, en arrière, calai mon dos entre deux coussins, puis essayai péniblement de garder les yeux ouverts. Toute résistance était vaine. Je refermai d’un mouvement sec le dossier de presse posé sur mes genoux. Je n’avais plus la force de le relire, de regarder avec des haut-le-cœur toutes ces photos d’une génération troquée : les child killers ; les enfants enrôlés dans les milices, les enfants sacrifiés d’un continent à l’ agonie. Je détournai le regard en rangeant l’épais dossier dans mon sac, puis recalai mon dos contre le siège.
Mes yeux fixaient l’étendue du ciel à travers le hublot dans une dernière tentative pour me garder éveillée, tandis que l’avion amorçait sa lente descente.
A l’extérieur, l’énorme engin flottait avec agilité sur les coussinets moelleux des nuages. Lorsqu’il perça les flocons nuageux, des taches noires parsemées révélèrent la géographie de la capitale, de plus en plus nette. J’aperçus la chevelure épaisse de la forêt et les collines envahissantes. Ces dernières, par leurs formes arrondies, ressemblaient à des millions de femmes nues allongées sur le dos se prélassant au milieu de l’éclatante verdure. Au sein de leurs courbes voluptueuses se nichaient de petites cases éparses.
La piste apparut. Avec elle, des maisonnées en bois en longeaient les abords. Des hommes et des femmes vaquaient à leurs occupations matinales, sans paraître perturbés par le grognement des moteurs, tandis que des enfants couraient tels des fous dans les cours non clôturées. Trois d’entre eux s’approchèrent de la piste ; ils firent un pas sur le tarmac, comme s’ils défiaient l’énorme bœing qui approchait.
Vu d’en haut, tout semblait paisible.
La descente sur Brazzaville fut rapide. Dès qu’ils posèrent l’appareil au sol en souplesse, les pilotes qui ne se doutaient de rien, déclenchèrent une pluie d’applaudissements dans la cabine passagers. « Mesdames et messieurs, nous venons d’atterrir à l’aéroport de Maya-Maya où la température au sol est de 22°C », annonça une voix lasse au discours décousu à cause de la mauvaise retransmission.
Les voyageurs s’animaient. Ils étaient rassurés d’être sur la terre ferme et heureux de leur arrivée au pays.
« Ah ! Mon pays », s’esclaffa un homme dégoulinant de sueur ; il en dessinait les contours à travers le hublot, lui tendant deux mains hésitantes comme l’on dévisage l’être cher retrouvé après des années de séparation.
A son arrêt, le Boeing se réveillait dans un brusque tintamarre. La touffeur nous enveloppa. Des enfants pleurnichaient tandis que des hommes remettaient les plis impeccables de leurs costumes d’un coup sec de la main, rafraîchissaient leur visage à l’aide de petites serviettes parfumées, puis recentraient leur nœud de cravate comme devant un miroir. Les femmes réajustaient leurs coiffures et ravivaient les couleurs étincelantes de leur maquillage ; elles commentaient les dernières rumeurs d’un assaut réussi de l’armée nationale dans l’arrière-pays tout en arrachant leurs lourds paquets des compartiments à bagages. Tout se précipita.
Comme si l’air devenait empesté, un immense tohu-bohu de passagers et de valises se bouscula dans les allées. Je m’y lançai à mon tour, et me frayai une échappée vers la sortie. Brian me suivait, son appareil photo dansait autour de son cou.
L’air était figé quand nous descendîmes la passerelle. Les nuages paraissaient grossis de pluie, ils pesaient au-dessus de nos têtes au fur et à mesure que nous avancions sur le tarmac.
Je suivis le flot de passagers qui déboulait sur le gravier, le regard inquiet. Le sol sous mes pieds ne m’était pas inconnu, pourtant j’eus une étrange sensation. Je fus prise de doutes et voulus rebrousser chemin en direction de l’avion qu’on apprêtait pour un nouveau départ. En avançant vers la salle de débarquement, je reconnus au loin des silhouettes familières et me sentis rassurée. Ma marche s’accéléra. Les palpitations de mon cœur qui semblaient s’être calmées reprirent de plus belle, à mesure que la distance nous rapprochait.
Un petit garçon déambulait à mes côtés, il tenait la main de son père qui le précipitait vers la salle de débarquement. Il donnait son visage en offrande au ciel, comme pour en recevoir l’onction des premières gouttes de pluie. Il ne remarqua pas l’étrange machinerie qui nous guettait en plusieurs points de la piste, ni les badauds en uniformes nous dévisageant sous leur béret rouge, une main impatiente posée sur un long fusil.
2
Mma Léa était venue m’accueillir à l’aéroport. Mon oncle Malonga, se tenait nerveux à ses côtés. En avançant à leur rencontre, ce fut comme autrefois, une sensation de bien-être m’envahit tout à coup. J’eus l’impression de me dédoubler.
Je vis s’éloigner devant moi une petite fille qui débarquait

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