Le Héros obligatoire
126 pages
Français

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Le Héros obligatoire , livre ebook

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Description

A Agranta, Andrea, ingénieur dans une usine de produits électroniques dirigée par un général, était en train d'organiser un système politique semblable au système italien : un soi-disant compromis "historique" entre catholiques et communistes, en s'associant à un groupe d'ouvriers presque révolutionnaires. La série d'aventures -le pseudo- amour d'Andréa pour Hélène, son amitié ambiguë pour le général- réunit l'attachement du héros du roman à l'Auteur et l'attachement de ce dernier à la France où il avait vécu pendant plus de dix ans, en apprenant à connaître et à aimer la liberté.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2009
Nombre de lectures 39
EAN13 9782296671935
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE HÉROS OBLIGATOIRE
Giovanni Ruggiero


LE HÉROS OBLIGATOIRE


avec la collaboration de Abir Sondes Elabed


L’Harmattan
© L’H ARMATTAN, 2009
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-08049-2
EAN : 9782296080492

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Dans certaines pages le lecteur pourra être induit à confondre Agranta avec le Brésil. La ressemblance est casuelle, même si je connais bien ce pays que j’ai visité maintes fois pour des raisons inhérentes à mon travail de médecin. J’y ai toujours été accueilli avec libéralité et sympathie pour lesquelles je renouvelle ma gratitude.


G.R.
I LA TOUR MALADE
L’histoire commença ainsi, à la cantine, observant la tour par la fenêtre, Pietro dit :
« Cela fait des jours qu’elle ne fonctionne pas : qu’est-ce qu’elle a ? »
« La tour ? » répondit Andrea en souriant, « Qu’est-ce que tu veux qu’elle ait ? Elle est peut-être malade, il faut la soigner. Il est bizarre que ma section n’ait pas été informée officiellement. »
Ils continuèrent à en parler après le repas.
« Je veux m’en occuper personnellement ; je vais même y monter tout de suite. »
« Fais attention, » dit Pietro. « Il paraît qu’à la direction il y a un ordre écrit provenant directement d’Estela : ne pas agir jusqu’à l’arrivée des techniciens de Stockholm. » Puis il ajouta, soudainement inquiet : « Tu ne peux rien faire sans autorisation. »
« Je sais ; mais qu’en savent-ils à Estela de la tour ? Nos machines, c’est nous qui les connaissons, nous sommes leur cerveau. Je vais quand même donner un coup d’œil en haut et demain je téléphone à Santi. »
L’heure de fermeture était passée depuis longtemps lorsque Andrea se décida à descendre de la tour. Pietro l’attendait à l’entrée du grand bar en face des grilles de l’usine ; dès qu’il le vit, il alla à sa rencontre. Andrea semblait satisfait.
« Le problème, c’est de trouver les trous d’infiltration. »
« Ecoute, Andrea, j’ai téléphoné à Santi. Il paraît que la chose est directement gérée par le général. A ce point il vaut mieux que tu demandes d’être reçu immédiatement. »
« D’accord, mais avant allons boire quelque chose. »
Le bar était bondé d’ouvriers et d’autres employés. Pietro et Andrea réussirent cependant à s’approcher du comptoir. Pietro revint sur l’argument.
« Fais attention. »
« Mais tu plaisantes ou quoi ? Je suis ingénieur dans cette usine, oui ou non ? J’ai donc le droit, le devoir même, de m’occuper de la tour. L’autorisation viendra après. Du reste le général même a dit plusieurs fois que ces bureaucrates extrémistes lui faisaient horreur. »
Un jeune militaire, assis sur un tabouret près du leur, intervint légèrement mielleux.
« Vous en êtes vraiment sûr, ingénieur ? Le général vous a dit personnellement ces choses-là ? »
Andrea le dévisagea pendant quelques secondes : très maigre, impeccable, les cheveux blonds coupés en brosse ; il portait des lunettes de soleil encerclées d’or. Il lui répondit sans gentillesse :
« De quoi vous mêlez-vous ? Je ne vous connais même pas. »
Pietro paya, serra le bras de Andrea et l’entraîna vers la sortie.
« Fais attention. Le monde est plein de personnes malveillantes. »
Andrea remonta sur la tour le lendemain, il y retourna ensuite chaque jour, y travaillant comme un forcené, même le dimanche et souvent jusqu’à des heures tardives. En un peu moins d’un mois, les causes de la panne avaient été découvertes et la machine fonctionnait déjà, même si c’était à un rythme réduit. Andrea commença à préparer un projet pour la réparation définitive. Il invita Pietro et d’autres collègues au bar et fit déboucher une bouteille de mousseux.
« J’y suis arrivé. Maintenant je suis prêt à recevoir les fleurs du général. »
Mais c’est une amende qui lui arriva, accompagnée par une précise demande d’excuses pour son comportement inconvenant tenu aux égards de la Direction de l’usine. Sans aucun doute un beau cadeau de la part de ce maudit petit officier rencontré dans le bar. Andrea écrit une lettre de proteste au général et téléphona au directeur Santi en lui communiquant qu’il n’avait aucune intention de s’excuser. Santi avait éclaté de rire.
« Mais qu’est-ce que c’est que cette histoire ? Allez, sois tranquille : je m’en occupe ! »
Cependant, après un mois, suivit une sommation : s’il ne s’excusait pas avant dix jours, il serait suspendu de ses fonctions. Il la reçut un matin au petit déjeuner.
« Ça doit être une blague. Est-il possible que personne ne parle de mon travail pour la tour et que ce soit du domaine public ? »
Maria se leva, se pencha sur lui en parlant sur un ton persuasif.
« Ne serait-il pas mieux que tu l’écrives cette lettre ? Tu comprends bien qu’ils se moquent de la machine ceux-là, seul leur prestige les intéresse. »
Andrea répondit sèchement :
« C’est absurde. Absurde et injuste. C’est pour ça que je ne veux pas m’excuser. »
Il y alla au contraire et se dirigea immédiatement vers la tour. Un soleil oblique amoncelait à la cime de la machine une clarté opaque, de gros oiseaux voltigeaient, semblaient glisser sur sa peau exsangue jusqu’au jour précédent ; aujourd’hui son cœur recommençait à battre, la vie animait ses mécanismes.
Andrea s’attarda au bureau pour téléphoner à Santi. Le numéro était occupé. La pensée de Santi l’attendrissait presque. Il l’avait rencontré juste une semaine auparavant, lui avait offert une eau-de-vie.
« Elle m’est arrivée hier d’Italie. »
« Ah ! bon ? ».
« J’ai de la famille là-bas ; je suis Italien d’origine. »
Andrea subissait le charme du directeur technique. Son regard le séduisait, paradoxalement direct et fuyant, qui mettait comme en garde contre une intelligence mélangée à de l’affection. Dans l’esprit de Santi, compliqué, allusif, craintif vis à vis du pouvoir, la gemme du bon sens était cependant presque toujours présente pour qui savait la chercher. Comme une honnêteté involontaire. En fin de compte, Santi s’intéressait à la juste cause, il savait évaluer la qualité du travail. Il avait ri aussi de la sommation.
« Mais Santi, c’est un ultimatum. Ils m’ont donné juste dix jours de temps. »
« Mais, tu dois t’en foutre ! »


Pietro prit dans sa poche une feuille froissée et la tendit à Andrea :
« C’est Cestis qui l’a fait. J’ai réussi à me procurer une copie de sa lettre de dénonciation. »
« Je ne comprendrais jamais pourquoi Santi s’en sert. »
« Mais si, c’est lui qui a tout organisé ! La lettre, c’est lui qui l’a dictée à Cestis, on reconnaît son style. Quelle canaille ! il l’a fait envoyer directement par Cestis au général, sans qu’elle passe par lui selon la voie hiérarchique. Ainsi, il a évité d’être impliqué. Je t’ai toujours dit que tu avais tort de te fier de Santi. Il reste toujours du côté du pouvoir. »
Andrea lui rendit la feuille.
« Mais non. Il l’a fait par paresse, » dit-il péniblement. « Santi fait tout par paresse ou mieux encore, ne fait rien. »
Puis tout à coup il se leva pour lui téléphoner. A travers la porte vitrée de la cabine, il fit signe à Pietro de le rejoindre. Il lui passa le récepteur.
« Excuse-toi, » disait Santi joyeusement. « Ne t’en fais pas, je vais arranger tout ça. Mais quels cons ! »
Andrea raccrocha pensif avec la sensation désagréable d’avoir perdu son temps, d’avoir contraint inutilement Santi à mentir. Au fond, les lettres, les coups de téléphone, les colloques : quelle perte d’énergie ! Aucune décision de la bureaucratie, pour absurde ou criminelle quelle soit, ne sera jamais révocable. Le pouvoir est

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