Le karma de Setsuko Kobayashi
199 pages
Français

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Le karma de Setsuko Kobayashi , livre ebook

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199 pages
Français

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Description

A travers les yeux d'une adolescente Setsuko, Sophie Tagel, rédactrice pour un blog féminin, nous transporte au coeur du Japon d'après-guerre dans un monde où les femmes ont peu de places et où les apparences supplantent l'individualité. La fière Setsuko découvre l'inégalité homme-femme et la vie sociale compliquée parmi les élèves, mais aussi l'Amour et l'Amitié.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2010
Nombre de lectures 286
EAN13 9782296703414
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Karma de Setsuko Kobayashi
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-12405-9
EAN : 9782296124059

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Sophie Tagel


Le Karma de Setsuko Kobayashi

Roman


L’Harmattan
A ma petite famille adorée,
L’Honneur des KOBAYASHI
Je poussai mon premier cri neuf mois après la grande défaite, le grand déshonneur japonais. Le 15 août 1945, il fallut « accepter l’inacceptable » : le Japon, orgueilleux et autrefois puissant, fut humilié. Mes parents, comme des millions de japonais, durent se résigner la mort dans l’âme à notre échec : le Japon était vaincu. Des années durant, l’image de la bombe nucléaire, immense champignon mortel, resta gravée dans nos mémoires.
Après avoir ancré sa domination sur tous les pays de l’Asie du sud est, le Japon doit s’incliner devant l’étranger américain. Ce fut la première fois dans toute l’histoire qu’un pays fût frappé par la bombe nucléaire. Le peuple japonais dut se préparer à recevoir l’occupant étranger malgré le sentiment de haine répandu dans tout le pays envers le Président Truman, responsable de tant d’atrocités. De nombreuses questions hantaient tous les esprits. « Allions-nous nous adapter face à ces diables d’américains ? Serions-nous réduits à l’état d’esclaves ou torturés ? » De la même façon, dans les rues, les grondements populaires se faisaient menaçants : « N’y avaient-ils pas d’autres solutions que de passer par la destruction de ce que nous avons mis des siècles à bâtir ? »… « Malgré les souffrances et les humiliations, nous devons subir l’invasion de nos assassins »… Par chance, notre empereur ne périt pas sous les mains du Général Mac Arthur. Pour sauver son peuple, notre empereur dut se plier aux exigences intolérables de l’occupant. Le traité de paix signé, les pays alliés s’accordèrent aux partages de nos colonies ou des pays comme la Corée, annexée militairement depuis 1910. La gestion militaire de la Corée fut attribuée aux Etats-Unis, une humiliation de plus. Le territoire divisé en deux selon leur régime politique, laissa place à une guerre qui dura jusqu’en 1953. Sur le continent, par peur du potentiel guerrier de la nation et malgré les recommandations pacifistes de notre empereur, les occupants décidèrent d’éliminer toutes les institutions pouvant développer des capacités militaires. Les arts martiaux si chers à nos ancêtres furent interdits. Les soldats américains occupèrent, peu à peu Tokyo et les régions limitrophes et ce, pour les années qui suivirent, s’amusant avec les femmes de petites vertus dans les bars créés à leurs attentions et sifflant les jeunes lycéennes. Nous estimions qu’ils ne seraient que des barbares occupant le sol japonais si durement acquis par nos ancêtres. Comment pouvaient-ils avoir une peau si rose comme les cochons et un nez si long ? « Des porcs ! Rien que des porcs ! » S’exclamèrent quelques passants, en japonais, afin de ne pas être compris et en crachant dans leur direction. Mes grands-parents comme les autres changeaient de trottoir afin de ne pas les croiser sur leur passage.
Puis, peu à peu, sans s’en rendre compte, les Japonais se surprirent à les considérer comme faisant partie du paysage japonais malgré leur manque de délicatesse et de raffinement. Nous les appelâmes les « gaïjins » Pire, leur présence agrémentait le quotidien économique difficile des commerçants en amenant le dollar dans le pays. Il était bien entendu qu’aucune femme n’avait l’autorisation de se marier avec ces gens-là. D’ailleurs, ils importèrent des femmes blanches chargées de leur donner du plaisir en échange d’un peu d’argent. Bien sûr, elles étaient plus chères que les prostituées japonaises et moins délicates aussi, même si, d’après les récits de ma tante, certaines prostituées « compatriotes » se mirent à adopter la même attitude vulgaire. Peu à peu, certains japonais se surprirent à s’encanailler avec des femmes blanches et retrouver le soir leurs petites familles conciliantes. Nous haïssions les Américains et leur vulgarité mais, nous avions besoin d’eux après une guerre aussi dévastatrice. La guerre nous avait tout pris. Même nos maris. Beaucoup de familles attendirent, des années après l’annonce de notre défaite, le retour des prisonniers parmi eux. Comment la nation pouvait-elle tolérer une captivité prolongée 10 ans après la fin des hostilités ? Un sentiment anti-américain céda la place à un sentiment nationaliste japonais agressif voire xénophobe chez certains. Nous étions haineux car, lessivés, sans espoir et voir les soldats américains s’amusant à Tokyo ou à Kyoto nous était intolérable.
Au mois de septembre 1951, redevenue une nation libre et pour que les prochaines générations n’oublient pas les horreurs de la guerre, les Japonais construisirent un grand édifice en pierre de la forme d’un champignon, symbolisant la vision de la bombe s’écrasant sur Hiroshima et sur Nagasaki. Il nous défiera dix ans, nous forçant à nous souvenir des épreuves terribles subies par nos parents et nos grands-parents et des effets de la bombe sur la population : morts, maladie, orphelins, victimes aux membres arrachés, personnes irradiées (les Hibakushas), maisons et édifices détruits…
Longtemps, mes parents traversèrent les rues dans un brouillard de cendres et de désolation, croisant les regards vitreux des malheureux perdus. Les villes furent ravagées, les maisons voilées de cendre et déchiquetées par les tirs mortels. Nos ennemis quittèrent notre territoire sans oublier de modifier profondément certaines de nos valeurs surtout aux yeux des jeunes générations, important leur culture et leurs habitudes. Beaucoup pensèrent que la mode américaine, le cinéma, les stars ainsi que leur musique disparaîtraient lors de leur départ mais, il en fut autrement. Nous, Japonais traditionalistes, conservâmes les bars et pubs américains et la jeunesse commença à adopter le look des stars américaines et à apprécier leur musique.
L’annonce radiodiffusée de notre défaite du 15 août 1945 avait plongé de nombreux japonais dans un immense désarroi et même pour certains vers le suicide. En plus des morts dus à la guerre et à ses effets, nous perdîmes des millions d’hommes, de femmes et d’enfants. L’empereur Hirohito invita son peuple à reconstruire le pays et à faire des enfants. L’empereur était un dieu pour nous et pour cela nous lui devions obéissance. Mes parents, en bons japonais, s’exécutèrent immédiatement. Pour parfaire ce schéma de famille unie, de nombreux japonais accueillirent leurs grands-parents chez eux. Les revenus des deux familles étaient malgré tout à peine suffisants pour s’en sortir. Cela ne fut pas nécessaire chez les Kobayashi.
Ma Tante me raconta que la décision de construire chacun de son côté sa maison avait été prise par mes grands-parents maternels. Mon père se proposa d’aider la famille avec l’héritage de ses parents morts pendant la grande guerre. L’argent issu de la vente des meubles familiaux, même si la somme récoltée fut bien inférieure au montant attendu, serait utilisé comme bon leur semblerait par chacun des membres de la famille. Ma tante comme mes parents reconstruisirent leur habitation (le toit détruit ou usé par le souffle de la bombe nucléaire, le rachat de meubles ou de bijoux vendus pendant les périodes de disettes, la constitution des trousseaux des enfants ou les économies pour l’éducation des enfants) Mon grand-père paternel refusa cette somme et suggéra de la donner au temple pour les nécessiteux. Ma mère fit mine d’accepter mais, garda ce pécule, refusant de l’offrir à des pauvres incapables de s’en sortir seuls.
Le shamisen de ma grand – mère Obaasan couvrait les cris de douleur de ma mère, expulsant le nouveau-né de son ventre. Sa sœur aînée était restée à ses côtés. La coutume voulait qu’une japonaise au milieu du vingtième siècle accouche chez elle, assistée d’une sage femme mais, en silence. Nous manquions de sage femme en 1946. Sa souffrance était si bruyante que ma grand-mère eut l’idée de jouer de cet instrument tradition

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