Le rêve des momies
200 pages
Français

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Le rêve des momies , livre ebook

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200 pages
Français

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Description

Leurs insurrections ont tourné court. Les plus téméraires ont été noyés dans le sang. Toute velléité de résistance, toute pensée subversive est détectée à l'état d'embryon et étouffée dans l'oeuf. Frustrés des visions libératrices, ils ont transporté leurs révoltes dans le monde du phantasme menant journellement des batailles virtuelles contre des chimères aux troncs visqueux, des monstres fabuleux à l'haleine putride qui alimentent le peur qui les habite, les terrorise, les paralyse.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2011
Nombre de lectures 86
EAN13 9782296716070
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le rêve des momies
Lettres du monde arabe

Collection dirigée par Maguy Albet
et Emmanuelle Moysan

Nadia BEDOREH FAR, Les aléas de ma destinée , 2010.
Sami Al Nasrawi, L’autre rive , 2010.
Lahsen BOUGDAL, La petite bonne de Casablanca , 2010.
El Hassane AÏT MOH, Le Captif de Mabrouka, 2010.
Wajih RAYYAN, De Jordanie en Flandre. Ombres et lumières d’une vie ailleurs , 2010.
Mustapha KHARMOUDI, La Saison des Figues , 2010.
Haytam ANDALOUSSY, Le pain de l’amertume , 2010.
Halima BEN HADDOU, L’Orgueil du père , 2010.
Amir TAGELSIR, Le Parfum français , 2010.
Ahmed ISMAÏLI, Dialogue au bout de la nuit , 2010.
Mohamed BOUKACI, Le Transfuge , 2009.
Hocéïn FARAJ, Les dauphins jouent et gagnent , 2009.
Mohammed TALBI, Rêves brûlés , 2009.
Karim JAAFAR, Le calame et l’esprit , 2009.
Mustapha KHARMOUDI, Ô Besançon. Une jeunesse 70 , 2009.
Abubaker BAGADER, Par-delà les dunes , 2009.
Mounir FERRAM, Les Racines de l’espoir , 2009.


Dernières parutions dans la collection écritures arabes


N° 232 El Hassane AÏT MOH, Le thé n’a plus la même saveur , 2009.
N° 231 Falih Mahdi, Embrasser les fleurs de l’enfer , 2008.
N° 230 Bouthaïna AZAMI, Fiction d’un deuil , 2008.
N° 229 Mohamed LAZGHAB, Le Bâton de Moïse , 2008.
N° 228 Walik RAOUF, Le prophète muet , 2008.
N° 227 Yanna DIMANE, La vallée des braves , 2008.
N° 226 Dahri HAMDAOUI, Si mon pays m’était conté , 2008.
N° 225 Falih MAHDI, Exode de lumière , 2007.
N° 224 Antonio ABAD, Quebdani , 2007.
N° 223 Raja SAKKA, La réunion de Famille , 2007.
Rachid OULEBSIR


Le rêve des momies

Roman
Du même auteur


L’olivier en Kabylie entre mythes et réalités,
L’Harmattan, 2008.

Les derniers kabyles,
Tira Edition, Bejaia (Algérie), 2009.


© L’HARMATTAN, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-13853-7
EAN : 9782296138537

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Chapitre I Délivrance
N ous chantions. Nous dansions. Nous jubilions. Nous fêtions fiévreusement notre délivrance. Nous vivions nos premiers jours d’indépendance. Nous portions haut les couleurs de l’euphorie, glorifiant les martyrs de la victoire ! Les femmes longtemps frustrées se retiraient subrepticement pour goûter aux guerriers de retour. Le plaisir mûrissait dans les regards, courrait sur la peau en frissons écarlates. Leurs amples jupons chauds avalaient goulûment les hommes aux treillis sales, aux mines revêches mal rasées. Nous avions rouvert les mausolées empoussiérés, réchauffé les foyers attristés et rallumé les chandelles éteintes. Les rires démêlaient l’écheveau des pleurs. Les larmes fleurissaient les sanglots. Des milliers de papillons amoureux voltigeaient couronnant nos têtes de diamant et de cristal. Les pigeons flirtaient sur les toits aux tuiles romaines plus rouges que jamais. La joie extirpait miraculeusement les vieilles épines d’entre l’ongle et la chair. Les souvenirs trottaient, les cauchemars galopaient devant nos pupilles endolories comme des chevaux fantasques aux naseaux fumants pour chasser de nos mémoires tatouées les mutilés, les amputés, les morts, les disparus. Leurs âmes errantes tendaient mille bras flottants pour déposer de longs rires flamboyants sur l’écume fantasmatique de nos bouches ouvertes.
Nous chantions gaiement pour les sommets conquis. Nous dansions les rythmes de folies. Nous évacuions les lourdes souffrances insondables les douleurs impénétrables. Des guerriers lumineux nous contaient, nous racontaient les épreuves indicibles. Nous écoutions, éblouis, leurs pas légers fendre le maquis. Nous touchions leurs épaules porteuses de soleils. Nous désignions, frileux, la peau arrachée, les prunelles brûlées, la chair torturée. Processions frémissantes de soleils ardents, nous nous jouions de la mort vaincue. Nous fêtions nos premiers jours d’indépendance. Nous avions terrassé la bête immonde et émergé péniblement de l’abîme colonial. Nous ouvrions de nouveau les portes des étoiles. Nous valsions dans l’oubli la langueur du bonheur et le retour irréversible de l’amour.
Ailleurs des bouchers, des maquignons lugubres qui fourbissaient leurs armes dans l’attente comme des hyènes lubriques, se ruèrent en vainqueurs attitrés sur les grandes villes. Chacun s’accapara ce qu’il avait longuement sublimé, rêvé, désiré. Ils ne tardèrent pas à prendre la place du colonisateur vaincu. Nous, nous chantions l’impatience des jours futurs. Nous dansions pour l’enfantement douloureux de l’aube. Nous frémissions aux appels de la vie qui revenait. Nous parlions. Nous bavardions, nous jasions, nous usions de la parole retrouvée ! Le Poète, notre guide, notre égérie inspirée qui nous nourrissait de mots vivants, déclamait, criait, hurlait, la voix rauque, les yeux rougis :
Demain ! O terre arrosée de notre sang
Mer d’argile dans laquelle nos cœurs amarrent
Demain ! Dans nos rêves bleus, tu reverdiras.
Les troupeaux paîtront sans entrave sur la langue.
Les récoltes seront abondantes.
Les silos déborderont.
Les épis de notre sueur chaude guériront
Toutes nos anciennes blessures.
Nous buvions fiévreusement les paroles fleuries du poète. Nous avions faim, nous avions soif de promesses vivantes. Nous l’écoutions psalmodier ses panaches de prophéties et une pluie sucrée arrosait notre éveil. Nous étions debout, foule solidaire, vérité immédiate, dans les yeux un rêve flottant, majestueux, un projet en marche, entre les dents un long souffle incendiaire, une parole libératrice.
De nos mains flamboyantes, nous tenions les fines clés du monde. Plus aucun portail n’avait de serrures. Nos lourdes portes enfin déverrouillées donnaient toutes sur la rue de la liberté. C’était en pleine canicule, un juillet si chaud que la sueur embuait les regards. Nous prenions le vrai pour le faux. Aucun de nous ne savait plus son âge. Nous fêtions à l’aube prometteuse, nos tous premiers jours d’indépendance. Maladroits, nous réapprenions à marcher. Des bosquets éveillés fleurissaient à notre passage pour nous encourager, les arbres nous tendaient généreusement leurs fruits mûrs, les animaux avancèrent leur saison de rut. Nous chantions des hymnes brûlantes. Nous dansions le pas de la victoire. Nous exultions. Nous débordions de joie, vieilles cruches d’argile emplies d’espoir, de convictions, de certitudes. Le Poète scandait : « Demain nous serons libres, forts et beaux comme des dieux ! »
Depuis le jour de cette lumineuse prophétie, nous n’avions connu que des années à trois saisons. Il n’y eut jamais plus de printemps. La saison des fleurs et de l’amour fut chaque année reportée ! Les enfants endurcis avaient perdu le goût du jeu. Les adultes refusaient le travail. Les femmes se prostituaient. Les crues boueuses dévastatrices avaient repris leurs lits coutumiers. Les oueds fantasques s’étaient capricieusement asséchés. Le soleil pris de panique s’enveloppa de ténébreux cumulus. Les roses pourrissaient. L’horizon s’hérissa de fils barbelés. Le compte à rebours fut accéléré et rapidement achevé. La métamorphose attendue ne put avoir lieu. Le champ resta en jachère. La laine partit en lambeaux. L’antique poutre branlante s’effrita vermoulue. Quelques décibels de plus et le frêle édifice s’écroulait.
Nous avions arrosé la terre de notre sueur, de notre sang, irrigué la certitude de voir un jour de ses entrailles sortir des troncs vigoureux, des branches souples habitées d’une sève fluide et forte, de solides rameaux tentaculaires, des feuilles verdoyantes éclatantes de santé. L’aube le disait en présage. Le Poète l’avait affirmé. La prophétie ne s’est pas réalisée. L’aède s’était trompé. Les sauterelles dévorèrent le tronc, les branches et les feuilles et finirent par pénétrer en profondeur les boîtes crâniennes pour ronger les croyances établies, les jeunes pousses et les idées à venir. Les lèvres du poète avaient séché. Le doux sein nourricier avait tari. La fête, notre rite salvateur des corps et des âmes, tourna court. Une terrible frayeur s’insinua dans nos cœurs refroidis. Nous vivions derrière nos barricades, couvrant nos racines de pierres tombales. Nos murailles sentaient le brûlé. Le dernier bœuf dressé, libéré du joug colonial, se rendit de lui même à l’abattoir. Les femmes fades accouchaient d’astres handicapés, grêlés de cratères plus téné

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