LE ROMAN DES IMMIGRES
178 pages
Français

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LE ROMAN DES IMMIGRES , livre ebook

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178 pages
Français

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Description

Un Reporter sans frontières arrive au pays du général Charles de Gaulle où il enquête aussi bien sur l'immigration que sur les immigrés. Il parcourt les rues de Paris et sa banlieue en recensant et en collectant des récits et des histoires qu'il juge utiles. De l'histoire de Geneviève à celle de Vidal, il fait une véritable autopsie de la société française...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2012
Nombre de lectures 22
EAN13 9782296492578
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le roman des immigrés
Écrire l’Afrique
Collection dirigée par Denis Pryen

Romans, récits, témoignages littéraires et sociologiques, cette collection reflète les multiples aspects du quotidien des Africains.

Dernières parutions

Paul-Evariste OKOURI, Prison à vie, 2012.
Michèle ASSAMOUA, Le défi. Couples mixtes en Côte d’Ivoire, 2 e édition revue et corrigée, 2012 Angeline Solange BONONO, Marie-France l’Orpailleuse, 2012.
Jules C. AGBOTON, Ma belle-sœur (et quatre autres nouvelles), 2012.
Joseph NGATCHOU-WANDJI, Le Vent du Printemps, 2012.
Faustin KEOUA LETURMY, Dans le couloir du campus , 2012.
Abdou DIAGNE, Les Larmes d’une martyre , 2012.
René GRAUWET, Au service du Katanga. Mémoires, 2012.
Antoine MANSON VIGOU, Journal d’un demandeur d’asile, 2012.
Brigitte KEHRER, Poudre d’Afrique, 2012.
Patrick Serge Boutsindi, Bal des Sapeurs à Bacongo, 2011.
Alice Toulaye SOW, Une illusion généreuse, 2011
Kapashika DIKUYI, Le Camouflet, 2011.
André-Hubert ONANA MFEGE, Le cimetière des immigrants subsahariens, 2011.
José MAMBWINI KIVUILA KIAKU, Le Combat d’un Congolais en exil, 2011.
Aboubacar Eros SISSOKO, Mais qui a tué Sambala ?, 2011.
Gilbert GBESSAYA, La danse du changer-changer au pays des pieds déformés, 2011.
Blommaert KEMPS, Confidences d’un mari désabusé, 2011.
Nacrita LEP-BIBOM, Tourbillons d’émotions, 2011.
Eric DIBAS-FRANCK, Destins maudits, 2011.
Zounga BONGOLO, L’arbre aux mille feuilles, 2011.
Otitié KIRI, Comme il était au commencement, 2011.
Mamadou SY TOUNKARA, Trouble à l’ordre public, 2011.
ITOUA-NDINGA


LE ROMAN DES IMMIGRÉS

Roman


L’Harmattan
© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-99117-0
EAN : 9782296991170

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
A
Albert Fabrice NDONGO-ITOUA
(in memoriam)

Sans toi, cher aîné, ces morceaux choisis n’auraient certainement pas vu le jour.
Vous connaîtrez la vérité et la vérité vous rendra libre.
I
Au départ, cette histoire me paraissait plutôt banale. Je pensais qu’il me contait pour la seconde fois La dame aux camélias d’Alexandre Dumas fils. Bien que Gabriel, de nature affable, ne m’ait jamais conté des historiettes sans épaisseur, j’étais quand même indécis et un peu incrédule ce jour-là. Puisqu’il insistait beaucoup sur le caractère unique de cette histoire, j’avais fini par fléchir. Avec mon carnet de notes et mon crayon à bille qui marchait parfaitement bien, j’avais pris place dans un vieux fauteuil à côté duquel se trouvait un minuscule radiateur qui chauffait à peine la pièce dans laquelle nous étions. J’avais pris place et je notais. Je notais pendant que dans un coin, sur une plaque électrique noire, mijotait un plat typiquement congolais. C’était de la morue séchée trempée dans la pâte d’arachide ou Dakatine et recouverte de coco – les Brazzavillois appellent ça trois pièces –, qui imprégnait doucement la petite pièce de son odeur.
Cette pièce située au sixième étage d’un vieil immeuble des années 1900, était une chambre de bonne qui coûtait 262 euros à Gabriel. En dehors de cette exiguë chambre, Madame des Mimosas en possédait une vingtaine d’autres dans plusieurs arrondissements de Paris ; des chambrettes qu’elle louait à des prix exorbitants, exclusivement aux immigrés africains, maghrébins, chinois, malgaches, indonésiens et tutti quanti, en situation irrégulière ou traversant des moments de précarité extrême. Aux dires de Gabriel, Madame des Mimosas, sa logeuse, les premiers jours de chaque nouvelle lune, passait d’arrondissement en arrondissement récolter son argent. Tous les locataires de Madame des Mimosas savaient pertinemment que leur logeuse, pour un petit retard de deux ou trois jours, devenait aussi agressive qu’un félin : « dans ce cas, je vous invite à prendre la porte », disait-elle souvent d’un ton éraillé à ses locataires rebutés. C’est une femme sans cœur et sans âme, me dit-il avec un ton lourd de lassitude. A en croire Gabriel toujours, Madame des Mimosas n’acceptait jamais de paiement ni par virement bancaire, ni par mandat postal, encore moins par chèque bancaire. Les espèces uniquement. Aussi, Gabriel me dit avec beaucoup d’humour que sa logeuse était une fidèle assidue à la cathédrale du quatrième arrondissement de Paris. Que chaque vendredi saint et chaque dimanche matin, elle occupait la première place parmi les premiers fidèles, fléchissant son genou droit devant un Christ en métal accroché ou pendu dans un coin de la cathédrale, et souriant cérémonieusement à monsieur l’Abbé lorsque ce dernier s’approchait d’elle pour lui tendre le Corps du Christ et la Coupe remplie de son sang. Madame des Mimosas, conclut-il, n’était qu’« une glaneuse de sous, la Bible à la main, la croix gammée sur le cœur ». Cette expression de Gabriel n’a jamais cessé de m’amuser chaque fois que je revois les notes de notre entretien.
J’avais donc pris place dans la chambre de Gabriel, malgré l’odeur du moisi et la présence de l’amiante. Je n’avais pas le choix. Dans le métier de Reporter Sans frontières, il faut faire des sacrifices. Nos vies sont une offrande sur l’autel de l’humanité. J’étais malgré tout attentif à tout ce que me disait mon interlocuteur, attentif pendant que sur le feu sa marmite mijotait avec raffinement. Il me contait cette histoire avec un demi-sourire narquois. Je ne comprenais pas cette attitude non familière, attitude de gosse goguenard qui le caractérisait ce jour-là. Au fur et à mesure qu’il me la contait narquoisement, j’avais fini par réaliser que la femme au sujet de laquelle il voulait à tout prix m’entretenir, était une de nos compatriotes. C’était Geneviève, une Congolaise qui avait, dans cette France des années 2000, perdu ses repères comme toutes les femmes de nos Afriques contemporaines. Mais l’histoire de Geneviève n’avait rien à voir avec celle de La dame aux camélias , cette grande dame qui avait parcouru tous les hauts lieux de Paris, cette belle créature aux yeux de citronnelle, cette belle mondaine que le trépas avait fini par escroquer et dont les objets avaient été bazardés devant un grand public parisien à la fois triste et scrupuleux, arrogant et rieur.

« La vache noire », c’est le pseudonyme que les immigrés de Château-Rouge avaient attribué à Geneviève. Tous les immigrés de nos Afriques du dix-huitième arrondissement de Paris connaissaient dans les détails son histoire, l’histoire qu’ils contaient et racontaient dans les matanga , dans les nganda et dans d’autres lieux semblables. Geneviève aux yeux ronds, aux lèvres appétissantes, aux hanches bien faites, à la poitrine sensuelle et au ventre plat, avait cessé de fréquenter les milieux africains parce que son histoire lui collait à la peau. On ne la voyait plus à Château-Rouge, à Barbès-Rochechouart ou encore à la Gare du Nord. Elle était complètement coupée du reste du monde. Même l’ombre de sa silhouette ne pouvait plus être aperçue dans les magasins Tati, aux marchés aux puces d’Argenteuil, de Montreuil, de la Porte de Clignancourt, de Sarcelles, ou encore dans tous les fast-foods du dix-huitième arrondissement de Paris : McDonald’s, Quick, KFC et bien d’autres. Geneviève aurait fait une dépression si elle n’avait pas changé de ville, si elle n’avait pas emménagé dans le Sud-est de la France, loin des regards moqueurs de ses compatriotes. Elle était certes partie, mais laissant derrière elle des chuchotements presqu’inaudibles de femmes chiches et des soirs agrémentés de zestes de ricanements. Ces femmes maladroitement snobes et bêcheuses, ne se lassaient pas de se la raconter à la moindre occasion.

Geneviève était une Congolaise respectée dans son entourage avant qu’elle n’émigre en France. Elle travaillait au ministère des Mines et de l’Energie pour un salaire de 300 000 francs CFA par mois. Avec cet argent, elle subvenait aux besoins de ses parents retraités, de son unique fils et de son mari qui passait des journées entières à jouer au Tiercé, au Loto ou au Poker. A la différence de son paresseux et parasite de mari, Geneviève était une jeune femme travailleuse ; une femme dont l’image reflétait celle de nos pieuses, estimables et cérémonieuses femmes que l’on retrouvait jadis dans nos antiques traditions ou religions et qu’aujourd’hui, l’on retrouve de manière isolée dans certaines de nos campagnes et villes. Son assiduité au travail, le nombre de dossiers qu’elle traitait avec voracité et frénésie, sans oublier son permanent sourire malgré les co

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