Le Voisin
212 pages
Français

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Le Voisin , livre ebook

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Description

Un soir d'août, très tard. Un train entre en gare dans une ville inconnue. Un jeune homme en descend. Qui est-il ? Pourquoi le retrouve-t-on mort, quelques mois plus tard, dans les décombres calcinés de la Villa des Roses ? Deux personnes tentent de mener l'enquête : le commissaire Paul Durrandeau, et Hélène, une jeune femme qu'Etienne Dallerayes a rencontrée peu avant sa mort.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2009
Nombre de lectures 260
EAN13 9782296677067
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Le Voisin
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-08957-0
EAN : 9782296089570

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Florent Trocquenet


Le Voisin


Roman


L’Harmattan
À Dianon
Première partie
1
E tienne Dallerayes arrive un dimanche soir d’août. Le quai de la gare est désert quand il descend du train. De loin en loin, un néon éclaire un panonceau bleu.
Le nom de la Ville.
Personne ne l’attend, il n’attend personne. Ses pas résonnent dans la nuit. Il marche difficilement, à cause de ses deux grosses valises en cuir.
Tout ce qu’il possède.
Il a, probablement, pris un taxi.
On perd sa trace.
On le retrouve quelques heures plus tard, sur le registre d’un hôtel borgne de la vieille ville, l’Hôtel des Lauzes, rue des Lauzes. Il a réglé le montant de sa nuit. On lui a proposé de l’aide pour monter ses valises : il a refusé. Sa chambre est au deuxième étage, une chambre simple, avec douche et WC. L’endroit sent l’humidité et le tabac froid. Une lampe blanche et faible au-dessus du lit éclaire toute la pièce. Il doit faire, ce soir-là, une chaleur à crever. De violents orages dévastent la région. Un transformateur EDF sera frappé par la foudre, plongeant une partie de la Ville dans l’obscurité totale pendant quatre heures. Laisse-t-il sa fenêtre ouverte pour entendre tomber la pluie ? Les rues se transforment en torrents.
Le temps est tropical depuis le début de l’été. Toute la journée monte une chaleur humide, lourde. Le mercure atteint facilement les trente-neuf degrés sous abri au cœur de l’après-midi. De gros nuages s’accumulent dans le ciel ; les orages éclatent tard dans la soirée ou au milieu de la nuit.
De mémoire d’homme, on n’a jamais vu un été pareil dans la Ville.
Etienne Dallerayes est dans l’obscurité nauséabonde de sa chambre d’hôtel, sans avenir, seul. Au pied de son lit, toutes ses affaires. Dans une valise, quelques chemises, des sous-vêtements, un vieux chandail de grosses mailles bleu marine, et deux costumes, un noir et un gris. Au collège, il alternait, un jour l’un, un jour l’autre. Il portait ses chemises blanches toujours impeccables, le col ouvert au deuxième bouton. Cette touche de débraillé dans sa tenue a frappé beaucoup de ses collègues, et peut-être aussi ses élèves. Dans l’autre valise, des livres et des dossiers de cours, tous rédigés à la main, d’une écriture incroyablement régulière.
2
I l est près d’onze heures du soir, ce dimanche-là. Hélène est appuyée contre la rambarde de sa fenêtre, et regarde au fond de la cour de son immeuble. Elle entend des rires et des tintements de vaisselle dans un appartement en face, où les fenêtres brillent d’une lumière vive. Il fait lourd. Quelques instants auparavant, il y a eu un grondement de tonnerre.
Au fond de la cour, à la lumière orangée du réverbère, Hélène voit les poubelles, alignées contre le mur, un peu de guingois à cause des pavés inégaux. Une verte et une jaune. Pleines. Cela fait deux semaines que les poubelles ne sont plus sorties régulièrement. L’événement de ce mois d’août : les commères de l’immeuble ne parlent que de ça. Elles ont même essayé d’en toucher mot à Hélène (« la petite du cinquième »). Mais sans succès.
Oui, on a l’air de bien s’amuser, en face.
Peut-être n’est-ce qu’une impression, après tout. Peut-être qu’il y a à cette table une célibataire mélancolique qui se demande pourquoi elle a accepté ce dîner.
Hélène, elle, se demande pourquoi elle a décliné l’invitation de Paul et Sylvie. Elle n’avait pas envie de voir les Bouchard. Des prétentieux. Drôles, pourtant, très drôles, prodigieusement cultivés, curieux de tout, et même attentifs aux gens. Non, ce n’est pas de la jalousie.
Antoine Bouchard a été classé devant Hélène pour l’obtention d’un poste de maître de conférence à Rouen.
Rouen, une heure de train de Paris, un train toutes les heures… Au lieu de cela, elle fait les allers et retours entre Caen et Paris, plus de deux heures, le dernier train de la journée partant à huit heures du soir. Hélène l’a souvent raté. Elle doit alors passer la nuit à l’hôtel.
C’est à ce moment qu’elle l’a entendue.
Quelques accords plaqués, d’abord, très timides.
Puis la mélodie lentement s’est mise en place, et a empli la cour de ses notes frêles et décidées.
Exactement comme la petite Amandine. Frêle et décidée. Avec son air buté, ses boucles blondes qui tombent en cascade sur le col en dentelle de sa robe de velours rouge.
Son air de ne regarder personne, de n’écouter qu’elle-même, et d’être perdue quelque part, très loin, dans un monde à elle.
Ces notes ont l’air d’en venir.
Frêles et décidées.
Le lendemain soir, Hélène dîne avec Paul, Sylvie, et Charles. Ils vont parler de leur projet de semaine à la neige, à Noël.
Malgré la touffeur, Hélène a un frisson.
3
L a musique, rythmée, ébranle la haute cage d’escalier. En bas, il fait totalement noir, mais on voit de la lumière tout en haut, d’où vient la musique.
De la musique électronique.
De temps à autre, ce sont des gémissements de plaisir. Puis, relayant les gémissements féminins, des cris rauques qui, eux, ne proviennent pas du téléviseur.
Il y a une odeur infecte. Un mélange de refoulement d’égout, de vieux bois, de moisi, de tabac blond et d’essence.
Les gémissements augmentent en intensité ; les cris rauques aussi, comme en écho.
La main glisse le long du membre turgescent, en le pressant de plus en plus fort. Les veines saillent, la peau du prépuce couvre et découvre le gland rouge vif. La fine gourmette en argent tinte au poignet.
La petite main blanche aux ongles arrachés agrippe un des barreaux de bois. Le pied nu que l’on ne distingue pas dans l’obscurité se pose sans bruit sur la marche de ciment. Deux yeux brillent dans la nuit.
Pourquoi est-ce que la dame crie comme ça ? Elle ne crie jamais, elle. Il ne faut pas crier. De toute façon, il n’y a personne.
Le barreau de bois vibre à chaque coup de la musique. Les cris rauques se prolongent, deviennent un rugissement continu.
Elle s’assied. La petite main aux ongles arrachés pose Séraphin sur la marche. Il faut le tenir, parce qu’il s’affaisse sur le côté.
Elle commence à chantonner. Une petite comptine. L’air seulement ; depuis le temps, elle a oublié les paroles.
C’est une comptine qu’elle a apprise avec Mlle Lépine.
4
L’ annonce est ainsi libellée :
Cité des Fleurs. Villa. Rdc avec salon, salle à manger, cuisine, 1 chambre. A l’étage : 3 chambres, salle de bain, WC. Garage, jardin 400m 2 . Libre de suite. 850 € /mois. Contact : M. et Mme Vallette. Tél. : 05 72 22 18 34.
Le journal est déplié sur le faux marbre de la table, il y a une tache de café sur le mot « Contact ».
Madame Vallette ?
Oui.
Je téléphone au sujet de l’annonce immobilière du Rapporteur …
Oui.
Je suis intéressé… Votre maison correspond à ce que je cherche… Me serait-il possible de visiter ? Disons, aujourd’hui ?
Ce matin, ce n’est pas possible, non. Cet après-midi, à quinze heures, vous pouvez ?
Absolument. Pouvez-vous me donner l’adresse exacte ? Je suppose que vous préférez que nous nous retrouvions devant la villa ?…
Naturellement. C’est au 26 de la rue des Roses.
C’est noté. Je vous remercie, madame. À tout à l’heure.
Au revoir, monsieur.
Le contrat de location, avec un bail de trois ans, a été signé le 27 août. On lit, au bas de la dernière page du document, d’une toute petite écriture en pattes de mouche, les mots « lu et approuvé », suivis de deux paraphes, un tout petit, de la même écriture, et un beaucoup plus gros, enfantin : les signatures de M. et Mme Vallette. À côté, la mention « lu et approuvé » d’une écriture incroyablement régulière, et, au bas, un paraphe ample et ferme, où l’on déchiffre un D majuscule, peut-être un A, et une sorte de Z qui barre l’ensemble du paraphe. Comme si son auteur voulait se rayer d’un trait de plume après avoir signé.
Huit heures du soir, les rues de la Cité des Fleurs sont absolument silencieuses. Etienne marche, à pas lents. Ses chaussures anglaises font claquer leurs semelles dans le crépuscule. Fin août, les jours ont déjà bien raccourci depuis le début de l’été. La touffeur est insupportable. Etienne est en nage. Il marche comme un automate.

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