Les contes du Dahu-Garou
214 pages
Français

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Les contes du Dahu-Garou , livre ebook

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Français

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Description

Toute une galerie de personnages loufoques et truculents peuplent ces contes, où l'anthropomorphisme et le fantastique se font réels et côtoient l'humour. D'une humble goutte d'eau jusqu'à Dieu signant son oeuvre, les règnes minéraux, végétaux, animaux et les gens du passé trouvent leur place au côté des êtres humains d'aujourd'hui, d'ici, d'ailleurs. Des affrontements imprévus se déclenchent, des métamorphoses improbables se produisent, des dialogues étonnants se nouent. En contrepoint, quelques anecdotes présentent des personnages ordinaires...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2010
Nombre de lectures 99
EAN13 9782296246027
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES CONTES DU DAHU-GAROU
Jean-Baptiste BING


LES CONTES DU DAHU-GAROU


Récits


L’Harmattan
© L’HARMATTAN, 2009
5-7, me de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-10828-8
EAN: 9782296108288

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
À Maman et Papa,
À Anne-Cécile, Marc-Olivier et Pierre-Yves,
À Ruli.
Nous sommes des créatures qui racontent des histoires,
et l’on aurait dû nous appeler Homo narrator […]
plutôt qu’ Homo sapiens, qui souvent ne convient pas.
S.J Gould
Les bons contes font bronzer la mie
Ma boulangère
C omme il est d’usage, je précise que toute ressemblance avec des personnes ayant existé, existant ou existerant {1} ne serait qu’amusante coïncidence due à un hasard tieux. Si cela arrivait, je promets que je ne recommencerai plus ― ou plutôt j’espère que cela ne tombera pas toujours sur les mêmes.
Plus sérieusement, quand une institution réelle est mentionnée dans un texte, je n’en utilise le nom que pour la vraisemblance du récit (vous remarquerez vous-même le réalisme criant de ces histoires). Leurs modèles ne sont aucunement impliqués dans les faits ici contés
La Belge roulante
Prologue : Jeudi 12, jour de Toussaint
I l était une fois une charmante petite bourgade, traversée par une limpide rivière au doux murmure clapotant : Paris, France. Parmi les autochtones, une jeune femme qui, suivant une coutume locale, monte dans sa voiture. Elle se joint à une fort parisienne procession, sacrée autant que quotidienne : l’embouteillage dans les rues saturées de véhicules, au son des cantiques traditionnels : « Bouge ta caisse de là, eh, banlieusard ! Tu vois bien qu’il est vert, patate ! » ― quel mysticisme, quelle poésie ! Avançant de feu rouge (qui bloque la circulation) en camion-poubelle (qui bloque la rue), et quoique ses pneus soient sous gonflés, elle roule pourtant vers son destin…
En effet, alors que les cloches de Notre-Dame sonnent les huit coups marquant le début du JT de 20 h, se produit un fait d’ampleur cosmique tel qu’il n’en arrive qu’un tous les dix mille ans : ce mercredi 2 novembre, jour des morts, devient un vendredi 13. Nul ne s’en aperçoit. Chacun vaque à ses banales occupations. Pourtant, ça devrait donner à penser : la dernière fois qu’un vendredi 13 avait eu lieu le 2 novembre, il s’était passé bien des choses… On ne sait plus précisément quoi, d’ailleurs : les vieux chamanes locaux expliquent cet oubli par une expression typiquement parisienne : « ça r’monte à y’a un bail » ― et les scientifiques du CNRS approuvent. Dernière hypothèse : à l’époque déjà, personne ne s’en serait avisé {2} . Quoi qu’il en soit, ce jour noir fut marqué d’une pierre blanche, ce qui prouve une intervention sinon surnaturelle, du moins mystérieuse. La couleur ébène du chat qui pêche dans la rue du même nom confirme les pires prédictions, d’autant plus que la nuit tous les chats sont censés être gris.
Mais là, je m’égare (de l’Est ?), alors résumons-nous. Une jeune femme dans sa voiture qui quitte Paris malgré la nuit, le brouillard givrant, les embouteillages et un super-bon film à la télé. Un jour des morts qui ne se contente pas de sa date tant catholique que républicaine du 2 novembre et qui se transmue en un vendredi 13. Ajoutons qu’à quelques kilomètres de là, en forêt de Montmorency, un sanglier s’ébat dans un bain de boue revigorant pour le corps et lustrant pour le poil. Tous les éléments du drame sont en place…
1 : Carola Wanderer
A pprochons-nous de la voiture, arrêtons momentanément la course du temps, et faisons connaissance avec la conductrice (quoique… en fait, point n’est besoin, pour cette présentation, de suspendre ladite course : coincée boulevard Sébastopol comme l’est cette automobiliste, nous pourrions étudier en détail non seulement sa biographie, mais aussi celle de son chien et celles de tous leurs ancêtres sur vingt générations).
Carola Wanderer, vingt-sept ans aux dernières mûres, aimait écouter Jacques Brel et les chansons traditionnelles auvergnates, le ska-punk et l’ Ode à la joie (paroles Friedrich Von Schiller, musique Ludwig Van Beethoven, interprétation bagad de Penhoët). Cet éclectisme du meilleur goût laisse deviner une esthète. Son loisir favori, qui consistait à chanter à tue-tête près de tourbières désertes les perles du répertoire traditionnel irlandais tout en en sirotant des pintes de bière écossaise, dénote d’ailleurs une rare aptitude à l’appréciation de la beauté des choses et de la grandeur des actes.
L’anglais utilisé lors de ces récitals, marqué d’un fort accent, ne laisse place à aucun doute quant aux origines belges de Carola Wanderer. Née à Oulan-Bator par le plus grand des hasards, elle passa son enfance dans les solitudes glacées de l’Ardenne-Eifel. Sis dans les provinces de Luxembourg et de Liège, ce massif abrite de vastes forêts et quelques villes aux tavernes sympas reliant les sauvages contrées d’Allemagne et de France. Dans ces régions la Wallonie, loin de se comporter en plat pays comme la Flandre, atteint des altitudes vertigineuses : 694 mètres à Signal de Botrange (Hautes-Fagnes). On comprend aisément à quel point cet environnement rude peut forger des caractères puissants tels celui de Carola.
Son père, Hans Wanderer, élevé à la soupe aux pois dans la ville de Malmédy, avait rencontré lors d’un séjour à Bruxelles la jolie Maria-Magdalena Pinelli dont la famille, restée fidèle à ses ancêtres génois, pratiquait le culte du spaghetti al pesto. Quelques années plus tard débarquait la petite Carola, pour la plus grande joie des heureux parents (auxquels nous présentons nos plus sincères félicitations).
Dès son plus jeune âge, l’enfant se fit remarquer par son goût pour les coïncidences chansonnières. À trois ans, une heure après une visite au zoo de Liège, elle entendit Gare au gorille. Qu’un monsieur habitant dans un pays lointain même pas sur les cartes (l’impasse Florimond), chantât une chanson parlant du gros singe qu’elle venait d’admirer la plongea dans une fascination béate et un bonheur hilare. Elle en conçut une affection jamais démentie depuis pour le XIV ème arrondissement, les gorilles et les moustachus.
À six ans, lors d’un cours de poésie, alors que ses petits camarades ânonnaient en chœur un poème quelque peu insipide à ses yeux, elle se lança dans une dissertation à propos du rôle joué par la brasserie de la Grand-Place bruxelloise Le Prince d’Espagne dans les aventures de « Jean-François de Nantes / Gabier sur la Fringante / [qui] débarque en fin d’campagne / Fier comme un roi d’Espagne oh mes boué ». Après deux heures d’analyse littéraire appliquée à la chanson à hisser, son institutrice obtint un arrêt-maladie pour dépression nerveuse. La petite fille en conclut que certaines grandes personnes manquent de l’humour et de la curiosité nécessaires pour goûter les facéties de la vie quotidienne.
À seize ans, Carola connut le Grand Amour {3} : six mois de bonheur partagé et d’anorexie solitaire (elle s’était mis en tête d’appliquer le programme, maintes fois promis et jamais tenu, de vivre d’amour et d’eau fraîche), qui finirent en catastrophe quand son soupirant déclara que « he Cercle des poètes disparus , c’est pas mal, mais un peu chiant ». Une paire de baffes plus tard, Carola quittait en larmes la cantine scolaire (lieu propice aux drames humains de ce type). Brisée l’idylle, cassé le cœur de Carola (ou le contraire, au choix), l’après-midi se déroula, morne, triste, tandis que le ragot faisait le tour de la cour de récré, et que fusil laser {4} .
Résolue à mettre fin à ses jours, mais d’une manière lente afin de pouvoir revenir sur cette décision (peut-être un peu rapide) quand l’envie l’en prendrait, Carola décida de prendre la deuxième cuite de sa vie, selon un adage tiré d’ On a marché sur la Lune : « l’alcool est un poison qui tue lentement ». Son premier rointage remontait à ses huit ans : l’écoute de Jef avait déclenché une consommation abusive de « moules et puis des frites, des frites et puis des moules et du vin de M

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