Les heures incertaines
68 pages
Français

Les heures incertaines , livre ebook

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68 pages
Français

Description

Ce recueil évoque la manière dont la crise économique, avec toute sa violence, a été vécue de l'intérieur par les gens au Cameroun. C'est un témoignage de l'influence des femmes qui dirigent souvent les événements importants de la vie, bien que l'importance de leur place soit souvent occultée dans la société africaine.

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Informations

Publié par
Date de parution 02 octobre 2011
Nombre de lectures 29
EAN13 9782296469556
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0424€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Les heures incertaines
Anastasie Idolé Mékoundé
Les heures incertaines
Nouvelles
© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-56519-7 EAN : 9782296565197
1. JOSEPH SERA LIBERE
Il était seize heures. Sur le grand lit en bois rouge, la femme bougea, repoussa les draps roses et s'assit, fixant la chambre d'un regard étrangement absent. Le soleil filtrant par les rideaux de dentelle blanche répandait partout une lumière dorée révélant l'ameublement sobre de la pièce : un grand lit bas assorti d'une armoire de chevet, une penderie entrouverte où pendaient des habits accrochés à des cintres et, tout près de la porte, une petite table en contreplaqué blanc avec une chaise de la même couleur.
La femme prit l'oreiller sur lequel elle reposait plus tôt, le posa contre le mur derrière elle et s'y adossa ; son regard erra distraitement sur les divers objets éparpillés çà et là sur le sol de gerflex blanc et noir ; puis elle contempla longuement les escarpins gris à talons hauts négligemment jetés devant la porte largement ouverte de la salle de bains carrelée de faïence bleu ciel. Elle avança le bras pour prendre le paquet de cigarettes Marlboro sur l'armoire de chevet, et, en l'atteignant, elle plaqua un sourire de commande sur ses lèvres : elle avait toujours cette réaction lorsqu'elle constatait que l'homme étendu près d'elle l'observait, ce qu'il faisait en ce moment même entre ses cils mi-clos ; cela se passait souvent au lit car il se réveillait silencieusement et rien dans son attitude ne lui signalait qu'il ne dormait plus. Et comme son sommeil à elle était toujours léger et perturbé auprès de lui, elle se sentait épiée et souriait automatiquement comme prise en
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faute quand elle se rendait compte qu'il la regardait sans qu'elle en ait conscience. L'homme ne répondit d'ailleurs pas à ce simulacre de sourire, prit le briquet vert en plastique sur le drap et alluma la cigarette que la femme tenait entre ses doigts. Puis, il rejeta les draps d'un coup et entra dans la salle de bains. Il était tout nu et le soleil de l'après-midi allumait des lueurs bistre sur son corps brun, faisant ressortir les veines bleues sous la peau très claire pour un noir. Une fois de plus, la femme compara le long corps mince et musclé de son amant à celui de son mari qu'elle ne reverrait peut-être plus de si tôt. Auprès de ce dernier, elle dormait toujours profondément, blottie contre sa bedaine rondouillarde et bercée par ses ronflements sonores. Il se réveillait en s'étirant, bâillait et se grattait légèrement les côtes, striant son corps noir de traces blanchâtres ; puis il se mettait à grogner, il était rarement de bonne humeur le matin. L'homme rentra dans la chambre, s'habilla et déclara qu'il allait faire un tour et qu'il espérait qu'elle serait prête à son retour. Puis il la fixa quelques instants, haussa les épaules et sortit : il était irrité. Il avait amené cette femme à être sa maîtresse en la faisant subtilement chanter. Elle n'était pas la première et ne serait probablement pas la dernière : elle faisait partie d'une longue liste de clientes qui avaient besoin de ses services et à qui il faisait croire qu'il était plus aisé pour elles de le payer en nature ; c'étaient des proies d'autant plus faciles qu'elles étaient totalement ignorantes de la chose judiciaire ; il prenait ce qu'elles apportaient comme argent et les gardaient comme concubines jusqu'à ce qu'il se lasse d'elles. Les affaires qu'elles apportaient aboutissaient parfois, et il s'en servait pour asseoir sa réputation d'avocat ; celles qui échouaient, étaient tout simplement classées et, son plaisir assouvi, il
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