Les sentiers parallèles
141 pages
Français

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Les sentiers parallèles , livre ebook

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Description

Les sentiers Parallèles associent l'imaginaire et le réel dans la peinture de certains aspects de la société haïtienne sur laquelle l'auteur pose un regard lucide. Les croyances vaudou et chrétiennes s'y côtoient ; l'histoire récente de ce peuple y trouve aussi sa place. De la multitude de personnages issus de milieux différents, Dieudonné Lysius se détache. Enigmatique et noblement solitaire, il s'engage dans une quête infructueuse d'amour, d'amitié et de solidarité.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2008
Nombre de lectures 55
EAN13 9782296917859
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES SENTIERS
PARALLÈLES
D U MÊME AUTEUR
L A V EILLÉE , préface du Dr Pradel Pompilus, Port-au-Prince, imp.
Serge Gaston, 196
T ÉMOIN O CULAIRE , Port-au-Prince, imp. Serge Gaston, 1970
A U GRÉ DES HEURES , Presses Nationales d’Haïti, 1972
L ES S ABOTS DE LA NUIT , Québec, Gasparo, 1974
A LLIAGE , Sherbrook, Ed. Naaman, 1979
L IBATIONS POUR LE S OLEIL , Sherbrooke, Ed. Naaman, 1985
S ÉMIOLOGIE ET PERSONNAGE ROMANESQUE CHEZ J ACQUES
S. A LEXIS , Montréal, Ed. Balzac, 1993
P OLYPHONIE , Ottawa, Ed. du Vermillon, 1996
L A MÉMOIRE À FLEUR DE PEAU , Ottawa, Ed. David, 2002
I NVENTEURS ET SAVANTS NOIRS , Paris, Ed. L’Harmattan, 1998 ; 2004


Sauf à des fins de citation, toute reproduction, par quelque procédé que ce soit, est interdite sans l’autorisation écrite de l’éditeur.

© L’HARMATTAN, 2008
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-04698-6
EAN : 9782296046986

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Y VES A NTOINE


LES SENTIERS
PARALLÈLES


ROMAN


L’Harmattan
Lettres des Caraïbes
Collection dirigée par Maguy Albet
Déjà parus
Raphaël CADDY, Les trois tanbou du vieux coolie, 2007.
Ernest BAVARIN, Les nègres ont la peau dure, 2007.
Jacqueline Q. LOUISON, Le crocodile assassiné, 2006.
Claude Michel PRIVAT, La mort du colibri Madère, 2006.
Danielle GOBARDHAN VALLENET, Dumanoir, l’incroyable destinée, 2006.
Max DIOMAR, Flânerie guadeloupéenne, 2006.
Le Vaillant Barthélemy ADOLPHE, Le papillon noir, 2006.
Christian PAVIOT, Les fugitifs, 2006.
Danielle GOBARDHAN VALLENET, Les enfants du rhu-mier, 2005.
Philippe Daniel ROGER, La Soulimoune, 2005.
Camille MOUTOUSSAMY, J’ai rêvé de Kos-City, 2005.
Sylvain Jean ZEBUS, Les gens de Matador. Chronique, 2005.
Marguerite FLORENTIN, Écriture de Griot, 2005.
Patrick SELBONNE, Cœur d’Acomat-Boucan , 2004.
Danielle GOBARDHAN VALLENET, Le secret du Maître rhumier, 2004.
Marie-Flore PELAGE, Le temps des alizés, 2004.
Pierre LIMA de JOINVILLE, Fetnat et le pistolet qui ne tue pas , 2004.
Christian PAVIOT, Les Amants de Saint-Pierre, 2004.
Henri MELON, Thélucia, 2004.
Max JEANNE, Un taxi pour Miss Butterfly, 2003
Eric PEZO, Passeurs de rives, 2003.
Jean-Pierre BALLANDRY, La vie à l’envers , 2003.
Jean-Claude JOSEPH, Rosie Moussa, esclave libre de Saint-Domingue, 2003.
I
F ONTAMARA . Ce mot résonnait en moi comme une musique. Je le répétais à plusieurs reprises. Fontamara avait la douceur d’un fruit que je savourais. Ce mot évoquait vaguement un nom de femme dont le souvenir se serait estompé dans le brouillard du temps. Je m’amusais à lui chercher une filiation étymologique : tamarin, tamarinier. Cet exercice qui ne me conduisit nulle part me procura un immense plaisir. Celui d’un explorateur sans boussole ; celui d’un aventurier riche de ses illusions. Aux yeux des habitants de la capitale, Fontamara passait pour un havre de fraîcheur où à l’ombre d’un arbre, l’on pouvait se mettre à l’abri des rayons implacables du soleil caraïbe. Et avec un peu de chance contempler la mer dont la brise vous donne une délicieuse sensation qui vous accompagne jusqu’à la fin de vos jours. Le soir, à Fontamara, jasmins et ilangs-ilangs rivalisaient pour embaumer ce quartier planté de manguiers, d’avocatiers, de cocotiers, de corossoliers. Contrairement à d’autres secteurs de la capitale, l’eau ne manquait jamais à Fontamara. Ou du moins aux familles aisées. On dit que là où grandit un mapou (ceiba pentendra) jaillit toujours une source. Presque au bout de la rue qu’on appelle Route du Sable car elle mène en effet à une carrière de sable se dressait majestueux un mapou dont les branches s’étendaient pareilles aux tentacules d’une multitude de pieuvres géantes. Ce mapou éveillait la crainte et le respect. Son tronc (on n’a jamais osé le mesurer) était tellement large que les bras mis bout à bout de cinq hommes vaillants n’arriveraient pas à l’entourer. On racontait que tous les vendredis, à minuit tapant, il s’ouvrait pour accueillir des sociétés parallèles qui tranchaient des questions de haute importance : injustice, exploitation, peine de mort. Parfois il se transformait en un somptueux palais où les convives vêtus de leurs costumes d’apparat faisaient bombance jusqu’à une heure avancée de la nuit où seuls les aboiements des chiens squelettiques troublaient un silence sépulcral. Le mapou a enfoncé ses racines dans nombre de proverbes créoles. Mapou tonbe, kabrit manje fèy li. (Un petit peut triompher d’un grand ou encore les grands ne sont pas invincibles.)
Ti mapou pa grandi anba gro mapou. (Pour devenir grand, il faut éviter la domination des grands.) Cet arbre, parait-il, symbolisait le lien entre Haïti et l’Afrique. Ne parle-t-on pas de mapou Ginen ? Entendez Guinée.


Fontamara. 1977. La liberté était encore sous séquestre et la parole bâillonnée. Les habitants rentrèrent leurs sourires habituels. Dieudonné qui vécut plus de la moitié de sa vie en Outaouais, région du sud-ouest du Québec, avait caressé le rêve de retourner définitivement un jour au pays natal. Il voyait dans la neige et le froid des entraves à son désir de maintenir un contact direct et permanent avec la nature : les arbres, le soleil, le plein air, l’eau. Il avait visité la plupart des grandes villes du monde, regardé vivre des hommes et des femmes et avait la ferme conviction qu’aucun homme, quel qu’il soit, n’a le droit d’humilier un autre homme. Dieudonné s’était obstiné à vouloir rattraper le temps. Il eut le sentiment d’avoir cessé d’exister ou de mourir à petit feu en dehors de son pays d’origine. Pour combler le vide imaginaire ou réel qui l’habitait, il fit construire une magnifique maison couleur corail. Elle bordait la Route du Sable. Une modeste maison de blocs de ciment. Sans étage. Offrant tout le confort désiré ou presque. Cour spacieuse garnie de plantes florales splendides. Dieudonné ignorait les noms de la plupart d’entre elles. Enfant, il ne les avait pas étudiées à l’école. Ses maîtres, se pliant au programme officiel, attachèrent peu d’intérêt à l’exploration de la flore de son environnement malgré sa richesse et sa beauté exceptionnelle.
D’ailleurs, on le surnomma la Perle des Antilles. Devant ce paysage, Christophe Colomb s’était exclamé : ¡ Qué maravilla ! (Quelle merveille !) Des lauriers roses, des poinsettias pendaient joliment sur la clôture de sa maison que Dieudonné considérait comme un nid, son nid. Il martelait à qui voulait l’entendre, surtout à ses proches : un jour, je reviendrai. Les fissures qui s’installent entre mes souvenirs et le présent, je tenterai de les colmater. Ce sera ma revanche sur le temps. Là où l’on vit, on s’enracine tant bien que mal. On ne commence jamais une nouvelle vie. On continue à vivre.
Ces idées aidèrent Dieudonné à affronter la neige, le froid et les êtres. Sa maison fut élégamment décorée et meublée. Esprit organisé, il gardait à chacune des pièces sa fonction particulière. Bien qu’insulaire, il adorait les grands espaces. Il s’y promenait à loisir, se parlait à lui-même et laissait vagabonder son imagination. La place de la table de salon restait vide : il rêvait d’en avoir une faite du bois de l’acajou qu’il avait planté dans sa cour. Au mur de chaque pièce était accroché un tableau de peintre haïtien. Celui qui le fascinait le plus, c’était une œuvre de Dubreuil, intitulée Tête de paysan. Par la technique raffinée de l’artiste, ce tableau s’inspirait des impressionnistes, notamment de Claude Monet dans Les Nymphéas. Heureux mariage de couleurs tendres. Pouvoir suggestif. Expression d’un sentiment de paix. Coiffé d’un chapeau de paille cabossé, le paysan fumait une pipe. Sur son visage flétri et émacié se lisait la misère de sa condition. En revanche, il esquissait un beau sourire plein de sérénité qui forçait l’admiration et s’apparentait presque à un triomphe sur le destin. La contemplation de Tête de paysan m’incitait à partager l’enthousiasme des amateurs et critiques d’art de la peinture haïtienne. À ce sujet, André Malraux écrivait : « L’Afrique a trouvé son génie de la couleur dans la chétive Haïti, dans elle seule ». Selden Rodman a publié en 1974 un livre au titre très significatif et élogieux : The Miracle of Haitian Art.
Aujourd’hui, les tableaux de Dieudonné ont disparu. Pourquoi ? Et comment ? Personne n’en sait rien. Pas même Dieudonné. J’avais environ dix-sept ans quand un ébéniste d&

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