Liliana, ailleurs, encore...
210 pages
Français

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Liliana, ailleurs, encore... , livre ebook

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210 pages
Français

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Description

Ce récit invite le lecteur à suivre, à travers ses carnets intimes, les séances de psychanalyse de Liliana, sa démarche, pour se libérer et aller vers une autre vie...ŠD'origine suisse allemande, Liliana va vouer une aspiration pour le monde juif. Pour percer un secret de famille, elle va se convertir au judaïsme. Malheureusement, elle découvrira qu'elle ne peut plus enfanter, son mari va lui faire vivre un enfer. En lui affligeant notamment une relation sadomasochiste, d'où elle s'efforcera de sortir progressivement...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2012
Nombre de lectures 22
EAN13 9782296486423
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Liliana,
ailleurs, encore…
Marcel C HETRIT


Liliana,

ailleurs, encore…


Roman
© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-56580-7
EAN : 9782296565807

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Je ne sais plus combien de fois j’ai remonté la rue Marcus. En haut la jolie place ronde entourée de belles maisons de pierres roses, l’Ambassade de Hollande avec ses grands palmiers bien taillés et en redescendant au-delà des grands arbres, la vue sur les quartiers sud, les collines de Guilo et de Beit Jalla. Il fait chaud, si chaud. Ce n’est pas encore l’été, mais le charav, ce vent chaud du sud, chargé des poussières du Sinaï, nous a surpris en ce début de printemps. D’un coup, la nature a explosé, un vrai festival de couleurs. Les bougainvilliers débordent des murets, les arbres de Judée rouge violet colorent les rues redonnant un air de fête à la ville si morte en hiver. Ma robe très légère colle au dos. J’ai choisi cette robe ce matin à cause de la chaleur, non en vérité pas seulement à cause de la chaleur, j’ai pris la plus belle pour avoir l’air… je me trouvais si moche dans la glace, si moche, si amochée, amochée par cette vie, j’ai aimé la vie, enfin par moments, à présent c’est un enfer. Mais j’aime les robes légères, d’ailleurs je n’ai que des robes et des jupes légères, elles sont moins chères. La sueur glisse sur mes bras et sur mon visage. Cette brûlure dans le bas du dos, ça m’est égal, j’aime cette sensation sur mon corps. Avec la chaleur, chaque geste est plus lourd, plus là. C’est un sentiment qui me quitte en hiver et revient au printemps. Je le redécouvre comme si je l’avais oublié, mis de côté, sous mon manteau et mes couvertures. Là, il revient en force, s’impose dans toute la vigueur du printemps. J’ai envie de rire et de pleurer à la fois. Non, je dois me retenir, il me faut être présentable. Je vais faire une nouvelle tentative. Cette fois je vais prendre mon courage à deux mains, voilà j’ai sonné. Cette porte en bois me rappelle quelque chose. Ce vert qu’on retrouve sur les portes et les volets de Nahlahot, mais ici c’est Réhavia, Talbiéh, les quartiers riches, je ne sais pas comment ça va se passer et pour l’argent, il m’a dit, on en parlera, c’est vite dit, mais après je vais avoir l’air idiote si je ne peux rien payer, au dispensaire c’était gratuit, ou presque, mais personne ne parle le français ou l’allemand. Je me serais peut-être décidée pour l’allemand, non je préfère le français, c’est Barbara qui me l’a recommandé, il est sûrement bien. La peinture verte est écaillée, il y a du rouge en dessous, elle était sûrement rouge avant, mais quand, du temps des Turcs, la maison est sûrement turque avec ces céramiques bleu et vert au-dessus des fenêtres. J’ai bien sonné, là c’est son nom, il n’y a qu’un seul nom Haïm H., Psychiatre-Psychanalyste. Ça m’amuse ce nom, ça fait HHPP, c’est comme une institution, bon, je dis n’importe quoi, c’est les nerfs, il fait si chaud, il a bien dû entendre la sonnerie, je vais sonner encore une fois, non, m’enfuir, je peux encore partir, une lumière par la petite fenêtre entr’ouverte, il y a un escalier. Un déclic, la porte s’ouvre, il est là, il sourit, il me fait signe de la main de monter l’escalier. Je monte les marches, incertaine, tremblante, il me suit. Là, je m’efforce de respirer lentement, ne pas être essoufflée en entrant chez lui. Je sens sa présence derrière moi, c’est bizarre, j’aurais préféré qu’il passe devant, qu’il me montre le chemin. Là, dit-il, la porte de droite sur le palier, s’il vous plaît. J’hésite, j’ai une telle envie, ça me bloque le ventre, j’ai bu trop d’eau, je n’ose pas demander, je ne sais comment, je m’entends dire, I am sorry but I need… il a dû comprendre, il me montre le chemin, derrière un paravent dans le couloir. Je risque un coup d’œil, au fond du couloir une porte entr’ouverte donne sur une grande pièce, un salon, avec une grande fenêtre. Les plafonds sont très hauts, oui, c’est ça qui m’a frappée tout de suite, les boiseries et les plafonds hauts. Vite, il me faut retourner, entrer dans la clinique. Au bout du couloir, une autre pièce, c’est sûrement la salle d’attente. Il y a là un grand fauteuil de cuir brun et un divan en tissu ocre qui me semble plus accueillant. Il fait bon, presque frais. Les livres bien rangés dans la bibliothèque attirent mon regard. Il y en a de toutes les langues mais surtout en allemand et en anglais. Des huiles de paysages et quelques portraits ornent les murs. Par-delà la fenêtre j’aperçois la masse éléphantine du théâtre de Jérusalem. Il est là, sur le pas de la porte. J’ai l’impression qu’il m’a observée un instant ou tout simplement il attendait que je me tourne vers lui pour m’inviter à entrer dans son cabinet. Je me suis levée précipitamment, un peu gênée. De la main il me fait signe de m’asseoir dans un grand fauteuil de cuir noir. Un instant j’ai l’impression de disparaître, d’être engloutie dans une grande feuille noire, puis les ressorts du siège me remontent à la surface. Je me sens rougir. Je serre désespérément mon sac sur ma poitrine comme pour me protéger d’une agression. Il est là, me faisant face, assis lui aussi dans un grand fauteuil de cuir noir. Il me sourit, me regardant droit dans les yeux. Un peu gênée, je regarde mes pieds dans mes sandales. Zut, mes ongles, j’ai encore oublié de mettre du vernis, je l’observe à la dérobée. Il est bel homme, la soixantaine, ses cheveux blancs très doux lui cachent en partie le front. Ses yeux bleus me troublent. C’est ce côté germanique qui rappelle mon père. Dans la famille on a tous les yeux bleus sauf moi, je ne sais pas de qui je tiens. J’ai horreur des yeux bleus, c’est froid, dur, enfin pas toujours, Hans lui aussi, il est si mignon lorsqu’il sourit, ses yeux pleins de soleil… mais chez lui le regard est plus doux, un peu triste même. Malgré la chaleur il porte une veste avec une belle cravate bleu sombre sur une chemise blanche. Là e une grande bibliothèque orne le mur. Un tableau attire mon attention. On y voit une jeune fille se regardant dans un miroir que dévoile une pièce avec une fenêtre donnant sur un ciel bleu azur. La jeune fille peinte de dos a une longue tresse brune qui coule entre ses omoplates dénudées. Son regard est empreint de nostalgie, d’une certaine tristesse, comme si elle attendait quelque chose, un signe d’amitié, une main tendue…
Un petit raclement de gorge me tire brutalement de ma rêverie. Au fond de la pièce un divan recouvert de tapis. Il doit penser que pour l’instant il est préférable d’être face à face, de faire connaissance, dans le fond je ne suis pas mécontente. S’allonger comme ça, tout de suite, ne pas le voir, être seule…

Je vous ai parlé en français naturellement, est-ce que cela vous convient ? Je parle couramment l’allemand, enfin pour dire vrai le suisse allemand mais je préfère le français.
Il me fait signe de la main, ça lui est égal, bon je préfère le français.
Je suis venue chez vous à cause du français, l’hébreu est si difficile et puis l’allemand c’est seulement pour la lecture. Je déteste parler allemand ça me rappelle ma famille, mon enfance.
Je ne sais par où commencer.
Au téléphone je vous ai dit…
Ah, oui, bien sûr, mais comment dire, c’est plus facile au téléphone, je veux dire, votre voix, je vous imaginais plus jeune, je dis des bêtises…
La langue, c’est mon enfance, vous comprenez, je veux dire… non, ce n’est pas ça, bien sûr, tout a commencé là-bas, mais c’est à présent que ça ne va pas. En fait, ça n’a jamais été. Si, lorsque j’ai connu Mario… bon mais c’est une autre histoire, je m’embrouille.
Je voulais parler de mon mariage…
Oui, je suis fatiguée et cette chaleur me rend folle, je n’ai pas dormi de la nuit. J’ai eu peur, très peur.
Il me regarde avec ce regard qui me trouble, il attend que je parle mais sans forcer. Ce silence, cette attente, il faut continuer, raconter, mais c’est trop horrible ce qui m’arrive, comment dire, ça bat si fort dans ma poitrine, il faut que j’essuie mon visage

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