Métissages
206 pages
Français
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Français

Description

Synonyme de mélanges des races au XIXe siècle, le "métissage" désigne maintenant un mélange non plus seulement des êtres humains mais aussi des arts, des pensées, des savoirs et des cultures. Dans cet ouvrage, qui reprend des contributions du colloque international "Métissages", aucune frontière que ce soit géographique ou temporelle n'est posée.

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Date de parution 01 juin 2011
Nombre de lectures 112
EAN13 9782296461000
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

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Extrait

Métissages
Collection Racisme et eugénisme dirigée par Michel Prum
La collection « Racisme et eugénisme » se propose d’éditer des textes étudiant les discours et les pratiques d’exclusion, de ségrégation et de domination dont le corps humain est le point d’ancrage. Cette problématique du corps fédère les travaux sur le racisme et l’eugénisme, mais aussi sur les enjeux bioéthiques de la génétique. Elle s’intéresse à toutes les tentatives qui visent à biologiser les rapports humains à des fins de hiérarchisation et d’oppression. La collection entend aussi comparer ces phénomènes et ces rhétoriques biologisantes dans diverses aires culturelles, en particulier l’aire anglophone et l’aire francophone. Tout en mettant l’accent sur le contemporain, elle n’exclut pas de remonter aux sources de la pensée raciste ou de l’eugénisme. Elle peut enfin inclure des ouvrages qui, sans relever véritablement de l’étude du racisme, analysent les relations entre les différents groupes d’une société du point de vue de l’ethnicité.
Parmi les trente et un ouvrages déjà publiés dans la collection :
Georges Letissier et Michel Prum (dir.),L’héritage de Charles Darwin dans les cultures européennes(2011) Amélie Robitaille-Froidure,La Liberté d’expression face au racisme(2011) Florence Binard, Bénédicte Deschamps, Lucienne Germain, Didier Lassalle et Michel Prum (dir.),Identités et cultures minoritaires dans l’aire anglophone(2010) Claude Carpentier et Émile-Henri Riard (dir.),Vivre ensemble et éducation dans les sociétés multiculturelles (2010) Cécile Perrot, Michel Prum et Thierry Vircoulon,L’Afrique du Sud à l’heure de Jacob Zuma(2009) Michel Prum (dir.),La Place de l’autre(2010) Michel Prum (dir.) :Ethnicité et Eugénisme(2009) Michel Prum (dir.) :Race et corps dans l’aire anglophone(2008) Michel Prum (dir.) :La Fabrique de la « race »(2007) Catherine Ukelo,Les Prémices du génocide rwandais(2010)
Sous la direction de Ludmila Ommundsen Pessoa, Michel Prum et Thierry Vircoulon Groupe de recherche sur l’eugénisme et le racisme
Métissages
Ouvrage publié avec le concours de l’Université Paris Diderot
© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-54732-2 EAN : 9782296547322
Introduction
Ludmila Ommundsen Pessoa et Thierry Vircoulon
Après son accession au pouvoir en1994, le gouvernement sud-africain de l’ANC s’est donné pour mission de déconstruire une culture et les institutions de la discrimination raciale. Si la déconstruction du racisme institutionnel s’est effectuée sans trop de peine, en revanche la culture de discrimination, fondée sur plusieurs siècles de méconnaissance de la dignité humaine et de mépris des droits fondamentaux de la personne, est plus résiliente et des années plus tard « la société sud-africaine ressemble plus à uncôte à côte —fait d’indifférence, voire de méfiance — qu’à une 1 nation soudée par un vouloir-vivre ensemble » . Constat troublant qui s’oppose à la valorisation du métissage qui a semblé émerger lors du démantèlement de l’apartheid pour culminer en 2002 à Hankey. Dans cette petite ville de l’Eastern Capes’est déroulée une « grande cérémonie civique de communion de la nation », cérémonie d’inhumation des restes réclamés à la France de Saartji Baartman, jeune femme dont l’appartenance khoesan en faisait « une ‘ancêtre’ idéale pour les nouveaux Sud-Africains » dans un pays placé alors « sous le signe des origines », selon Fauvelle-2 Aymar .
D'origine ibérique, le mot « métis » réfère d’abord aux mélanges de populations chrétiennes, musulmanes et juives dans la Péninsule. Le terme « métissage » est l’« Entre-Lieux » de représentations dont les valeurs se transforment et s’articulent 1 Thierry Vircoulon (2004), “ La nouvelle Afrique du Sud. Une transformation à géométrie variable”,Études, vol. 6, pp. 585-600, 2004, pp. 596-598. 2  F.X. Fauvelle-Aymar (2006),Histoire de l’Afrique du Sud, Paris, Le Seuil, pp. 415-416.
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selon les époques, les territoires et les approches disciplinaires. Le terme «Mestizo» n'a pas d'équivalent en anglais ; dans le contexte sud-africain, la définition de «Coloured» a subi de nombreuses e variations. Synonyme de mélange des races au XIX siècle, le « métissage » désigne maintenant un mélange non plus seulement des êtres humains mais aussi un mélange des arts, des pensées, des savoirs et des cultures. Mais, comme le montre au quotidien l’Afrique du Sud, ce mélange n’est pas nécessairement harmonieux. Les tensions entre africanisme et multiracialisme, tradition et modernité, pragmatisme et idéologie sont encore particulièrement présentes dans la ville du Cap. Deux romans remarquables ancrés dans son site enchanteur témoignent de la difficulté de sortir d’un gravé de signes, codes et messages:Disgrace(1999) du prix Nobel de littérature John Maxwell Coetzee aborde la problématique du pouvoir dans la déchéance de David Lurie, professeur d’université contraint de démissionner à la suite d’une accusation de viol, tandis quePlaying in the Lightde Zoe Wicomb, met en scène (2006) Marion, jeune femme d’affaires d’origine Afrikaner qui découvre son métissage dans le sillage de la Commission Vérité et Réconciliation, à l’issue d’un parcours initiatique dans la mémoire familiale. Plus récemment, la polémique raciale s’est de nouveau invitée dans le débat public à travers les propos jugés malsains du porte-parole du gouvernement sud-africain Jimmy Manyi estimant que les Métis sont en « surnombre » dans la province du Cap occidental (où ils sont majoritaires). Ainsi, l’organisation d’un colloque sur le thème des métissages au Cap,ville-mèred’Afrique du Sud où se sont rencontrés des peuples venus d’Europe, d’Afrique et d’Asie, nous est venue tout naturellement à l’esprit. Le métissage résonne de complexité et paradoxe : « Faut-il y voir l’amorce d’une uniformisation du monde qui fondrait irréversiblement en un tout sans âme la diversité des existences et des modes de vie ? Est-il le ferment d’un perpétuel enrichissement et d’une constante ouverture sur les autres ? Il est exclu en tout cas 3 que le métissage soit jamais neutre », déclare Gruzinski .
3 S. Gruzinski,Planète Métisse, Musée du Quai Branly, Actes Sud, 2008, p. 20. 8
Le cortège des rencontres plus ou moins douloureuses entre les peuples, les jeux du choc des mondes et des greffes politiques, culturelles et sociales, constitue un terrain privilégié d’observation et d’analyse du métissage en acte. En enjambant les siècles et les continents, plusieurs auteurs nous montrent à quel point l’histoire est métisse.Anne Vial-Logeay, Maître de conférences à l’Université de Haute Normandie (ERIAC), affirme que, si le terme « métis » n’existe pas dans la Rome antique, les récits des origines mettent l’accent sur la constitution de la ville par fusion des peuples. Le Romain porte donc l’étranger en soi. Largement propagée, parfois de manière provocante et en particulier à la fin de la République romaine et sous le Principat, où l’on assiste à une refondation politico-intellectuelle du modèle romain, cette valorisation du mélange ethnique nourrit un discours d’ouverture sur l’autre au moment où Rome prend les dimensions d’un empire mondial. Entre discours de la fusion des races, pensée de l’évolution et reconnaissance de la dévaluation de certains peuples et de la nécessité d’un apport étranger, les contours de l’altérité à Rome s’avèrent nuancés. De fait, selon elle, « le seul lien qui puisse permettre un «métissage» véritable, à tout le moins une fusion véritable, c’est le lien du droit gardé par le serment : entre les peuples, entre les hommes, entre homme et femme enfin, avec la mention de future ville de Lavinium… Reste en tout cas que, pour un Romain, le véritable mélange ne saurait consister en une pure et simple assimilation ».
Pour sa part, Anna Caiozzo,Maître de conférences à e l’Université Paris-Diderot, nous plonge dans l’Iran des XIV et e XV siècles pour considérer l’art visuel comme témoignage du métissage culturel dans le monde timouride. Ainsi, des corpus entiers de miniatures, relevant tant de la littérature d’agrément que de la littérature épique ou historique, reflètent bien la réalité de leur temps : un syncrétisme culturel, signe de l’acculturation d’une famille mongole « turquisée », qui s’étend à tous les domaines de la vie sociale, privée et publique. Les Timourides étaient turco-mongols et fiers de leurs traditions, musulmans convaincus et « iraniens » par leurs valeurs aristocratiques. Dans un passage sur l’idéologie du pouvoir, Caiozzo montre comment la culture
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guerrière des Mongols se teinte des mythes de l’Iran ancien pour mettre en place de « nouveaux » symboles du pouvoir.
David do Paço, Assistant temporaire d'enseignement et de recherche (ATER) à l’Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne, se penche sur la sociabilité et la culture politique austro-ottomane à e Vienne au XVIII siècle pour mieux poser la question d’un métissage sans conscience de lui-même. À cette époque, l’influence culturelle ottomane était perçue par la dérision de la « turquerie » ; or la société viennoise était bien une société métisse, dit-il, même si ce métissage culturel n’était pas pensé comme tel. Il se fondait à la fois sur une tradition cosmopolite de la ville et sa relation économique, politique et culturelle particulière à l’Orient. Par le biais des traités internationaux, le droit fut l’une des premières portes d’entrée de la culture ottomane dans la société viennoise en imposant à celle-ci les règles juridiques relatives aux ressortissants du Sultan. Ce métissage juridique posait les bases d’un métissage social qui, d’après lui, surprend plus l’historien que les contemporains du fait.
Exposer le métissage, c’est avant tout donner à voir la complexité de sociétés humaines qui ne subsistent et ne se reproduisent qu’à travers l’échange, la juxtaposition et la création 4 de formes et d’idées nouvelles .Darwis Khudori,architecte et historien à l’Université du Havre,étudie le phénomène de modernisation du monde musulman dans un domaine qui échappe jusqu’ici à la conscience de la société musulmane : l’habitat, pris au sens large, qui se manifeste à plusieurs échelles, de la maison à la ville. À travers l’étude de la ville d’Ismaïliad’origine ville coloniale fondée en 1862 et gérée par la Compagnie du Canal de Suez jusqu’à sa nationalisation en 1956 pour être gérée à son tour par le gouvernement égyptien jusqu’à nos jours, il montre et explique les motifs qui font que, dans l’évolution architecturale des bâtiments dans cette ville, il existe plusieurs variantes d’éclectisme, mais un seul produit de métissage, l’habitation en langage typique du Canal de variante égyptienne, un langage architectural qui se
4 S. Gruzinski,ibid., p. 21.
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