MUE ROMAN
195 pages
Français
195 pages
Français

Description

Albert se confie à Marianne, sa fille. Les lettres de Marianne tracent d'elles-mêmes un portrait éclaté et fluctuant. Anaïs, quinze ans, consigne au jour le jour tous les événements de la famille, petits et grands. Trois voix se font entendre, qui alternent, trois points de vue, trois tons, trois manières radicalement différentes de rendre compte de la Mue qui s'opère en chacun d'eux cet été-là.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2011
Nombre de lectures 105
EAN13 9782296465961
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-55269-2 EAN : 9782296552692
Mue
Anne-Karen Sailly
Mue
Roman
L’Harmattan
APAPAGUYet à tous ceux qui ont nourri ce livre et qui le peuplent Pour leurs encouragements et conseils, lectures et relectures, merci particulièrement à : Emmanuel, Zoé, François et Gaspard de Tournemire ; Ingrid Hugon de Scœux ; Annie Brossard-Dufourd ; Dominique Meyer et Sandrine Wymann ; Julie Gavras ; Gilles Bizouerne ; Chloé Demey ; Caroll Lemarié et Gilles Gourbin ; Emmanuèle Sandron ; Pernilla Linder ; Isabelle Jourdan ; Estelle Gravé ; Eric Fottorino ; Daniel Cohen. Merci encore à ma grand-mère, Micheline Sailly, de m’avoir confié la correspondance de mon père et à Roland Singerle de m’avoir reçue chez luipour évoquerla guerre d’Algérie.
 Je veux bien partir et être très mort  Mais mes souvenirs seront-ils en vain  Comme au fond des mers les galions pleins d'or  Dormant dans le noir de l'eau sans chemins
Claude ROY, «Ça m’est égal»,Mourir.
Albert
1
arianne ?... Salut, ma grande ! Comment va ? Ça fait M longtemps que tu es là ? Moi ? Ça va, ça va. Faut pas se plaindre...L’engin,là ? C'est la pompe à morphine. Ça mesoulage bien quand je jongle. J’appuie sur le bouton et hop ! Une dose dejajadirect dans le sang, ça lambine pas !
C’est couillon que tu sois pas venue un poil plus tôt. T'as raté quelque chose ! Ou plutôt quelqu'un. Y avait Jean-Louis Foulquier dans ma chambre tout à l’heure…Jean-Louis Foulquier, tu connais ?Pollen, surFrance In-ter?Les copains d’abord, lesFrancofolies! Ça te dit quelque chose, hein ?Je l’aime bien, Jean-Louis. Ta mère aussi. Tiens, tu pourras lui dire qu’il est venu me voir, lui… Il était là, dans ma chambre, avec son équipe, les caméras, les micros, et tout le bordel. Tu parles d’une ménagerie! Il était là, je te dis, je l’ai vu comme je te vois, il m’a parlé, je
8MUElui ai répondu. On a causé, quoi. Ça vient juste d'arriver ! Je te jure que c'est vrai.
Bon, il a changé, oui, il a peut-être un peu grossi. Il ressemble de plus en plus à mon ex-beau-frère Michel, tiens, tu te souviens de tonton Michel, avec ses gros sourcils noirs et sa casquette? Mais je l’ai quand même tout desuite reconnu.C'était bien lui. J’ai dit: « Salut, Jean-Louis, ça me fait bien plaisir de te voir ici, tu peux pas savoir. » Et lui il a dit : « Salut, Albert, je te dérange pas ? » « Bien sûr que non, » j'ai dit. « Jamais de la vie ! Si tu savais comme je m'ennuie ici. Je suis cerné par les râleurs et les rabat-joie. » Bon dieu ce que ça me faisait plaisir de voir Jean-Louis Foulquier dans ma chambre! Mais l’infirmière, tiens, la petite jeune à queue de cheval, elle était pas enchantée. Elle a dit comme ça qu’il fallait que je reste tranquille, que je devais me reposer, pas me fatiguer… Etpia pia pia... Etna na na... Ah, excuse-moi Marianne, mais les bonnes femmes, je te jure! J’étais pas plus agité qu’elle qui braillait comme un goret: j’étais content! J’ai plus le droit d’être content, maintenant ? J'aime autant te dire que je lui ai rabattu le caquet. Ça m'a échappé. Elle m’en voulait après, tu peux pas savoir… J’ai dit «Ta gueule, connasse », parce que j’avais peur que Jean-Louis s’en aille à cause d’elle. Elle voulait tout gâcher ou quoi ? Bon, tout de suite après, je me suis excusé bien sûr. Je lui ai expliqué : « Pardon, made-moiselle, je regrette, vous êtes pasune connasse, j’ai dit ça parce que j’étais énervé,maintenant laissez-nous tranquilles, s’il vous plaît, je voudraisprofiter peinard de la venue de Jean-Louis Foulquier, lui et moi on voudrait
MUE9discuter. » Mais rien à faire, elle a rien pigé, elle a pris tout son temps pour changer ma poche de pisse. Et elle a continué à faire le museau, à croire que ça lui plaît de garder son sourire à l'envers toute la sainte journée. Pétasse! Je préfère l’autre, tu sais, t'as dû la croiser dans le couloir, la grosse noire, Linda. Elle, elle connaît Jean-Louis Foulquier, faut pas déconner
Il venait pour une campagne publicitaire de préven-tion, je crois. Je sais plus très bien. Il m’a expliqué, mais j’ai oublié. J’oublie tout, tu sais. Un film. Il est fortiche comme acteur. Linda l’a vu à la télé, hier ou avant-hier, tiens, dans une série, avec des policiers. Et c’est pas tout, il fait aussi de la peinture. Un sacré bonhomme, pas vrai ? Un Rochelais, comme nous. C’est des bons, les Rochelais. Il m’a demandé si çame dérangeait pas qu’ils tournent dans ma chambre. J’ai dit non, tupenses. Alors on a encore un peu causé tous les deux pendant que ses gars installaient le matériel. Véritablement super sympa. J’aurais bien bu un coup avec lui, tu vois, j’avais la goule toute sèche, en charpie, comme si j'avais sucé des orties. Pis tout à coup le voilà qui s'en va et moi,après ça, je me suis endormi. Ou l’inverse. En tout cas, quand je me suis réveillé, il était parti. Il voulait pas me déranger, c’est ça qu’il répétait sans arrêt. Il est vraiment gentil, Jean-Louis Foulquier. Qu'est-ce que t'en dis ?
Et toi alors, ça y est, t'es là ! Tu vas revenir demain ? Tous les jours ? T'es pas obligée, hein ? Il fait beau, faut que lesminotsprofitent de la plage...
10MUENon, Marianne, c’était pas le docteur Lagrimace! Tu crois pas que j'ai vu Jean-Louis Foulquier, peut-être ? Vous avez failli vous croiser je te dis ! J'ai à peine dormi une minute. Tu vas pas t’y mettre, toi aussi? ! Je suis peut-être impotent, mais pas encore gâteux, nom de dieu ?! T’es comme l’autre petite couette, là, tu mecrois pas, c’est ça? Si c’est comme ça, je vais te dire, j’ai même plus envie de te parler, Marianne. Si tu crois plus ton père, où on va ?! T’es jalouse, ou quoi ? ! Jean-Louis Foulquier, ma petite fille, il est comme toi et moi, il est pas fier, il la ramène pas. Je pourrai te le présenter, maintenant qu’il sait où me trouver, mais je te préviens, ce sera au moment que moi je choisirai. J’en ai marre qu’on décide à ma place!
Pauvredadin! Je vois bien que tu te fous de ma goule, va. T’as pas honte?Tu m’as apporté ce que je t’avais demandé au moins ? Tout ce qui était sur la liste ? Kleenex, coupe-poil, lime à ongles, brosse à dents, dentifrice, ciseaux…? Pas la peine de m'aider à me couper les ongles! L’infirmière le fera mieux que toi. Elle medoit bien ça. Si ça se trouve, c’est quand même à cause d’elle que Jean-Louis est parti. T'as mes Tic-tac blancs ? Et ça c'est quoi ? Des babouches ! Jaunes ? Avec des semelles super-solides en pneu d'avion... ! Ben dis donc ! Et ça ? Des dessins des garçons, un poème d'Anaïs :c’est qu’ils l'ont pas oublié, le vieux qui croupit sur son lit d'hôpital ! Sacrés petits drôles !
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