Nouvelles du Como et de nulle part
236 pages
Français

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Nouvelles du Como et de nulle part , livre ebook

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236 pages
Français

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Description

Connaissez-vous Libreville ? Connaissez-vous vraiment Libreville ? Il s'y trame des choses étranges à l'heure où chante le hibou des grandes forêts, quand le tam-tam des ombres fait entendre sa voix creuse et macabre. Celui qui sait craint les nuits librevilloises. Si vous habitez Libreville et ne ressentez aucune frayeur en lisant Nouvelles du Como et de nulle part, c'est que vous êtes déjà mort.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2007
Nombre de lectures 272
EAN13 9782296643659
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Nouvelles du Como

et de nulle part
© L’HARMATTAN, 2007
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris


http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr


ISBN : 978-2-296-04029-8
EAN : 9782296040298

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Jean-Juste NGOMO


Nouvelles du Como
et de nulle part


Préface de Chris Alien


L’Harmattan
Préface

Jean-Juste NGOMO est un cas qui ne laisse pas de susciter la perplexité de son entourage. Et ce, depuis son plus jeune âge, ainsi qu’il sied aux âmes bien nées.

Certains le rêvèrent en séminariste contrit pavant la route qui mène à Rome d’une érudition toute biblique. D’autres, au fait de ses ascendants, le tenaient pour la supernova d’un Mvett assumant enfin sa dimension intergalactique. En leur temps, les gens de cinéma et de télévision – qu’il pratiqua outrageusement – lui firent les yeux doux : on lui trouvait toutes les vertus pour développer un Bollywood version afro.

Protéiforme, le voici qui hante les amphithéâtres et les sombres salles de dissection de l’école de médecine. Entretemps, il aura – avec la complicité suspecte d’un obscur acolyte resté dans les annales sous le pseudonyme aberrant de « 8 ème passager » (??!) – défrayé la chronique radiophonique en dynamitant les canons (!) du format généralement admis pour les émissions destinées à la jeunesse. Celle-ci se prit au jeu, qui lui envoyait régulièrement un courrier enthousiaste encensant le style Métal Hurlant du hit-parade le plus pourri de la côte ouest-africaine, voire du monde. Il sévira ainsi un temps sur les ondes de Radio 2, avant d’être à nouveau happé par l’appel du devoir.

Devoir social : le voici notable, maître de la parole qu’on écoute, enthousiaste ou tremblotant selon le rivage du clivage sociétal où l’on se tourne. Devoir marital : on se souvient encore de ses noces où bombance et ripaille nous ont tenus éméchés pour la plupart, éveillés pour tous les autres, jusqu’à la fin de la nuit.

Pour beaucoup, convoler en justes noces sonne le glas de moult projets. Personnellement, je confesse qu’une telle éventualité m’a tenu loin du faramineux programme où il s’agissait d’étudier d’un point de vue phénoménologique l’érotomanie des fausses maigres. Chez NGOMO, au contraire, l’épanouissement conjugal s’accompagne de l’affermissement d’un talent détecté, selon les meilleurs archéologues de la chose, il y a plusieurs décennies. Talent qui s’exprime avec une limpidité mozarcissique dans les joyaux ici offerts aux gourmets amateurs de shorts stories mâtinées de frissons caramélisés et d’angoisse croustillante. À ces ingrédients d’import fort prisés, mais un peu chers au cours actuel de la monnaie locale, NGOMO a eu l’inspiration machiavélique d’ajouter des épices de son cru, sévèrement sélectionnés et savamment mixées. Poivrées, salées, pimentées, les nouvelles ici présentées pétillent de bulles du jus d’okoumé {1} dégusté à la lueur trouble des bougies.

Bougies ? Oui, cher lecteur, au gré des relectures de ces nouvelles, tu jugeras bon de retrouver la main de Fatima et le vieux candélabre dont tu avais perdu l’usage ! Malgré ces apprêtements, le mystère demeure et l’on referme ce recueil avec quelques interrogations qui stimulent notre sagacité. Parmi les plus transcendantes, j’ai relevé celle-ci : quelle est la couleur de la chaussette de Bibangoye ?
Salud !
Chris Alien
Cour assidue
Pour la troisième fois, Bibangoye composa le 38.94.85. Il tomba à nouveau sur le répondeur.

Agacé, il coupa la communication et glissa dans la poche intérieure de sa veste le petit portable Samsung à double écran.

Cela faisait trois mois que ça durait. Et Bibangoye commençait à perdre patience. La course de fond n’était pas son fort. Quand il regardait à la télé la retransmission des jeux olympiques, le marathon le laissait de marbre. Sa préférence allait au 100 m masculin. La question y était généralement réglée en l’espace de 10 secondes. On pouvait ensuite passer à autre chose.

Passer à autre chose, il allait y venir, sûr et certain. Mais avant cela, il allait conclure, capitaliser le temps perdu, et comment !

Là-bas, derrière le comptoir, la serveuse lui fit un grand sourire. Bibangoye lui adressa un petit signe amical de la main, complété par le geste habituel signifiant qu’il voulait l’addition. La fille hocha la tête et se dirigea vers la caisse.

En attendant la note, Bibangoye regarda autour de lui. Toutes les tables étaient occupées. Dès qu’un client avait fini, il était aussitôt remplacé par un nouvel arrivant. Le va-et-vient était incessant. Et c’était ainsi toutes les matinées de la semaine.

À n’en pas douter, Pélisson avait le vent en poupe. L’établissement devenait à l’évidence le point de ralliement de la classe moyenne librevilloise autour d’un petit-déjeuner de qualité.

Bibangoye connaissait la plupart des habitués du lieu, généralement des cadres de l’administration : directeurs, directeurs généraux, conseillers. Lui-même était conseiller au ministère des Finances.

On avait beau dire qu’il n’y avait plus d’argent dans le pays, il semblait qu’il y en eût encore suffisamment pour une certaine catégorie de citoyens. Un petit-déjeuner standard à Pélisson, ça allait quand même chercher dans les deux mille francs CFA, l’équivalent de seize pains.

Seize pains, au quartier, ça pouvait nourrir une famille de quatre personnes pendant huit jours. Plus même, en tenant compte du fait qu’à Cocotiers, Kinguélé, Atsibe-Ntsos, Avéa et autres quartiers populaires, de plus en plus de foyers ne mangeaient plus qu’un jour sur deux ou trois. Beaucoup en étaient réduits à fouiller les poubelles pour trouver leur subsistance.

Le phénomène avait commencé à Mindoubé, et s’étendait maintenant à l’ensemble de la capitale. Il devenait banal d’apercevoir des gens, parfois déguisés en fous, piochant dans les bacs à ordures, et récupérant ce que les plus nantis avaient négligé de consommer.

Dur, dur.

Bibangoye n’aimait pas trop évoquer cet aspect des choses du pays. Ça mettait un goût de fiel dans son jus d’orange.

Après tout, ce n’était pas sa faute à lui si les aînés avaient lamentablement échoué à faire du Gabon ce pays béni des dieux qu’on pressentait dans les années soixante. Argent pour tous, nourriture pour tous, logement pour tous, santé pour tous, éducation pour tous, voitures pour tous. An de grâce 60. On voyait grand.

On avait vu trop grand.

Le garçon arriva en flèche et déposa la note sur sa table. Bibangoye saisit le petit bout de papier, vérifia rapidement le compte, et sortit un billet de cinq mille francs.

Après que le garçon lui eut rendu la monnaie, le conseiller se leva en laissant deux cents francs de pourboire, et gagna la sortie. Il croisa au passage et salua le conseiller Lendoye (que l’on surnommait le Sénateur à cause de son embonpoint et de son goût immodéré pour le champagne), pensa d’abord faire un tour à son bureau, puis changea d’avis.

Le travail pouvait attendre. Il y avait pour l’heure plus urgent.

Il y avait cette sacrée Natacha qui jouait les anguilles.

* *
*

On était vendredi. Il était treize heures trente, et il faisait chaud.

Natacha Bayina, dix-huit ans, en classe de terminale au lycée national Léon Mba, marchait lentement vers la sortie de l’établissement, la mine sombre et fermée.

Elle trouvait la vie de plus en plus désespérante.

D’abord, il y avait eu l’histoire avec Anne Tsinga, leur camarade de classe. Elle était décédée au CHL des suites d’une tentative d’avortement. On ne l’avait pas vue au lycée durant une semaine. Inquiètes de son absence prolongée, des collègues qui connaissaient sa maison lui avaient rendu visite un soir. Natacha en faisait partie. Elles avaient trouvé Anne dans un état si inquiétant qu’elle

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