Nouvelles indiscrètes d un médecin généraliste
67 pages
Français

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Nouvelles indiscrètes d'un médecin généraliste , livre ebook

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Description

Le docteur Courois est un médecin généraliste comme il en existe tant, à l'écoute de ceux qu'il rencontre ou qu'il soigne. Protagoniste ou simple témoin, il pénètre dans l'intimité des existences, celles des autres, la sienne également. Il recueille des confidences qui nous parlent de l'enfance et de la vieillesse, de l'amour et de l'amitié, de la folie et du rêve, de la mort et de la vie. Une plongée émouvante au coeur de la condition humaine.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2008
Nombre de lectures 143
EAN13 9782336273792
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DU MEME AUTEUR
Pointillés (La Pensée Universelle, 1982)
Taches de terre (Editinter, 2002)
La quête de l’innocence (La Bartavelle, 2002)
Les contes d’un médecin généraliste ordinaire (L’Harmattan, 2002)
Le temps, le désert, le ciel (Editinter, 2002)
Fragments, éclats et bribes des jours (Sol’Air, 2005)
EN RECUEILS COLLECTIFS:
Florilège des Poésiades (Guilde des Lettres, 1997)
Les nouvelles lettres de mon moulin (Coprur, 1997)
Le livre des nouvelles d’avant 2000 (CLEF, 1999)
Anthologie poétique an 2000 (Arts et Lettres de France, 1999)
Voyages au bout du conte (Sol’Air, 2000)
Les clients du psy (CLEF, 2000)
Les marionnettes du psy (CLEF, 2001)
Les gens de Logendo (CLEF, 2001)
Un tissu de mensonges (A la Carte, 2002)
Nouvelles indiscrètes d'un médecin généraliste

Jean-Paul Schneck
© L’Harmattan, 2008
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296057562
EAN : 9782296057562
Sommaire
DU MEME AUTEUR Page de titre Page de Copyright Epigraphe Dedicace LA LAMPE A HUILE BEBERT, EN CE PARADIS DIALOGUE DE L’AUBE ET DU CREPUSCULE IN MEMORIAM L’HEURE DE GLOIRE L’ORPHELIN DE LA LUNE JESUS PSYCHASTHENIQUE LA RECREATION LA TACHE LE MIGRANT MALGRE LUI LE FOSSE LE MONDE NE SERA PAS ASSEZ GRAND LES FEUX ET LE SOLEIL EN MEMOIRE DE SAMUEL NUIT BLANCHE VENEZIALAND
« On fait beaucoup de choses, toute sa vie, pour le regard de ceux qui nous ont engendrés. »
Pascal Quignard
Je dédie ce livre à ma mère et à mon père, pour qui sans doute j’écris depuis toujours sans le savoir ces histoires qui ne font qu’une histoire, celle d’une maison couverte de vigne vierge et d’un jardin aux cachettes innombrables maintenant disparus, celle d’une enfance que j’ai toujours au fond du cœur.
LA LAMPE A HUILE
Il traversa flammes et froid Se frotta aux angles Se heurta aux impasses Affronta murs et nuits...
Andrée Chedid

Le temps est un drôle de petit bonhomme qui sautille de seconde en seconde. Il nous donne l’impression que l’avenir est sans limite. Jusqu’au jour où ses pas deviennent plus lourds.

Je connaissais Omar depuis longtemps. Des années. Malgré notre différence d’âge, nous étions en quelque sorte devenus amis. Il avait quatre-vingt-trois ans et moi quarante-trois. Une traversée du désert nous sépare, m’avait-il dit un jour.
Né au Caire, il parlait un français très pur et chantant où les “r” se transformaient en petits cailloux sonores en tombant dans le ruisseau de sa bouche. Il aimait raconter. Il aimait évoquer. Il disait à sa femme : laisse-moi seul avec mon ami le docteur Courois, nous avons à parler.
De quoi parlions-nous ? Un peu de sa santé. Mais elle n’était plus très brillante. Son cœur tant de fois mis à l’épreuve commençait à le lâcher. Fumeur invétéré, il avait consciencieusement bouché ses artères coronaires au fil des ans. Malgré un triple pontage, l’avenir s’annonçait sombre. Et pourtant, si l’expression “avoir du cœur” a un sens, elle a puisé ses racines dans la vie d’Omar.
Je m’asseyais au bord de son lit. Il entrouvrait les yeux. Des yeux d’un bleu presque transparent, comme l’eau d’un lagon. Maria refermait doucement la porte de la chambre. Je lui demandais : comment allez-vous aujourd’hui ? Le souffle court, la voix lasse, il répondait : ça va, comme d’habitude.
Je l’examinais. Tout en l’auscultant, j’admirais son visage à la dérobée. Il avait un beau visage, amaigri, anguleux, creusé de rides profondes, buriné, les joues enneigées par une barbe de trois jours, les cheveux épais et immaculés coiffés en arrière. Je me disais souvent qu’il aurait pu être acteur.
Je contemplais ses mains décharnées, aux doigts longs et aux veines saillantes et l’alliance d’or qui flottait. Des mains qui avaient travaillé, lutté, saigné, caressé, aimé. Les dernières années, elles avaient surtout servi à lancer des boules. Jouer à la pétanque avec ses amis avait été la principale occupation de ses vieux jours.
De temps à autre, il balayait l’espace devant moi d’un geste imprécis de la main. Il y avait une mouche sur votre bras, docteur. Je ne voyais pas de mouche. Sa cataracte devait lui jouer des tours. Mais il rassemblait ses forces pour que les mouches ne me dérangent pas. Je me demandais comment il me voyait. Sans doute étais-je devenu une silhouette floue pour lui, sur laquelle il superposait une ancienne image de moi qu’il gardait en mémoire.

Quel temps fait-il ? Un temps à ne pas mettre un bouliste dehors. Il ouvrait grand les yeux et contemplait le plafond. Peut-être y voyait-il défiler le film de ses interminables parties de boules ? La cigarette au coin des lèvres. Les palabres sans fin pour un lancer approximatif. Les discussions animées pour un point immérité. Les voix qui s’élèvent, se coupent, se chamaillent puis finalement qui rient à l’unisson avant de retomber, le silence, les poignées de main, l’amitié.
Peut-être voyait-il au-delà les jeux de son enfance ? Le Caire, le soleil. Il avait dû avoir beaucoup de copains. Il avait dû être rieur, espiègle, gentil, partageur, aimé. Je l’imaginais enfant, courant dans les ruelles, racontant ses exploits, écoutant le soir les contes sans fin coulant de la bouche de sa mère avec des yeux émerveillés. Je l’imaginais le nez dans les nuages et rêvant de voyages. Peut-être voyait-il au plafond tous les rêves de son enfance ?
En partant, je jetais chaque fois un coup d’oeil amical à la petite lampe à huile. C’était un flacon conique en verre épais placé dans une niche du couloir d’entrée. La flamme minuscule toujours vivante, toujours entretenue par Maria, dégageait une discrète odeur d’oranger.

L’homme est curieux. Pour le moindre bruit, il se lève, il va voir, ou il guette derrière les rideaux. D’où vient le bruit ? De quelle nature est-il ? Est-ce une menace ou une fête ? L’homme est curieux parce qu’il est inquiet. Moi je ne me lève plus. Je n’en ai plus la force. Et je ne suis plus inquiet. Je ne suis plus curieux. Je crois que je sais maintenant reconnaître les bruits. Mais cela ne m’intéresse plus. Seules les voix me retiennent encore. La voix de Maria. La voix de mes enfants, de mes petits-enfants. Votre voix, docteur. Et puis toutes celles qui se sont tues et qui résonnent encore en moi. Savez-vous, chaque soir, avant de m’endormir, je me dis que c’est le dernier soir. Je pense que c’est le dernier sommeil. Mais avant de sombrer, avant d’emprunter à la mort quelques heures d’avance, j’entends toujours cette même berceuse chantée par ma mère. Je l’entends monter de l’enfance. Je l’entends m’appeler avec tant de douceur. Je sais que c’est la voix d’un ange.
Maria m’attendait derrière la porte. Elle guettait. Vous prendrez bien un café, docteur ? Les yeux rouges. Jamais il ne m’a dit cela. Il ne voulait pas me faire pleurer sans doute. Votre café est très bon, Maria. Comme tout ce que vous faites. Comme tout ce que vous avez fait en ce monde. Elle souriait, confuse. Elle avait tant fait. Quatre-vingts ans de labeur laissaient sur son visage les plus belles rides. Ses mains tordues de rhumatismes n’avaient jamais pris de repos. Je lui fais les plats qu’il aime, avec les olives, les poissons, les légumes. Mais il n’a plus de goût à rien. Il mâche et remâche sans avaler. Voyez comme il maigrit. Il a ses caprices comme un enfant. Croyez-vous que l’on redevienne un enfant ? Lui, c’est un peu cela. Mais je lui passe tout. Parfois, à son réveil, il m’appelle maman. Cela me fait sourire. Je lui caresse la joue et, quand il ouvre les yeux, il murmure Maria. C’est mon plus beau cadeau, docteur, pouvez-vous me croire ? Lorsqu’il murmure Maria en me regardant bien doucement dans les yeux au sortir des rêves. Ah docteur ! Comment vous dire ? Je sais qu’il va bientôt partir et pourtant je ne suis pas triste. A notre âge, on s’y attend, on accepte, c’est naturel. Croyez-vous qu’il sache, lui ? Il ne dit rien, jamais, sur ce sujet. Ne lui dites rien, docteur, laissez-le espérer. Il est si petit maintenant, si fragile. Il vit de si peu de choses. Un peu comme un enfant. Je crois que seuls les souvenirs le rattachent encore au monde des vivants.
Dans le couloir, la petite flamme de la lampe à huile vacillait au moindre courant d’air et parfumait la maison de senteurs d’oranger.

J’aime parfois ces journées d’automne interminables, noyées dans la brume ou la bruine, loin de tout, loin du monde et du bruit, qui passent comme de lentes péniches et traversent nos vies sans que rien ne bouge. On les croirait calquées sur l’image d’un bonheur tranquille comme une habitude. On les croirait pétries de tendresse. Il y a quelques années, cela m’aurait donné le cafard, moi qui suis un enfant du soleil. Mais maintenant, docteur, cela m’apaise. J’ai l’impression que le ciel m’accorde un sursis, une

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