Ou bien ?
136 pages
Français

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Ou bien ? , livre ebook

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Description

La trace de cette femme qui est partie ne s'efface pas. Ce qui est dur pour le narrateur, c'est de retrouver ces souvenirs, ces traces derrière chaque chose. "On se croisait, on se parlait. On se dissimulait. Chacun préparait la suite, sans le savoir, tout en sachant, au fond, là où il n'y a plus de rêve, qu'il faudrait partir ailleurs. Mais on ne voulait pas se l'entendre dire. On se disait même : C'est peut-être une chance, il nous faut trouver une autre manière de s'aimer. Tout était déjà dit". L'auteur de ce roman est réalisateur de films documentaires.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2007
Nombre de lectures 52
EAN13 9782296631816
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Ou bien ?
© L’HARMATTAN, 2007
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-02574-5
EAN : 9782296025745

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Laurent LUTAUD


Ou bien ?


Roman


L’Harmattan
Ecritures
Collection dirigée par Maguy Albet

Déjà parus

Michelle LABBÉ, Le bateau sous le figuier, 2006.
Giovanni RUGGIERO, Tombeau de famille, 2006.
Jacques BIOULÈS, La Petite Demoiselle & autres textes, 2006.
Pierre FRÉHA, Sahib , 2006.
Françoise CLOAREC, Désorientée, 2006.
Luigi Aldino DE POLI, Bel Golame, 2006.
Manuel PEŇA MUŇOZ (trad. de l’espagnol (Chili) par Janine PHILIPPS et Renato PAVERI), Sud magique, 2006.
Maurice RIGUET, Un fuyard ordinaire, 2006.
Eric RODRIGUEZ, Sur les chemins du Honduras et de Bora Bora , 2006.
Elaine HASCOËT, La fileuse de temps , 2006.
Serge PAOLI, L’astre dévoré, 2006.
Janine CHIRPAZ, La violence au cœur, 2006.
Lucette MOULINE, Sylvain ou le bois d’oeuvre, 2006
Paul ROBIN (†), La guerre de mouvement, 2006.
Jean-Marc GEIDEL, Le voyage inachevé, une fantaisie sur Schubert , 2006.
Léa BASILLE, La chute de Josef Shapiro, 2006.
AICHETOU, L’Hymen des sables, 2006.
Porfirio MAMANI MACEDO, Avant de dormir, 2006.
Philippe EURIN, Le silence des étoiles, 2006.
Gérard IMBERT, Deo gracias. De père en fils (trilogie), 2005.
Gérard IMBERT, Au nom du fils. De père en fils (trilogie), 2005.
Laurent BILLIA, La sorcière et le caillou , 2005.
Il y avait si longtemps !
Oui ! Enfant déjà, je rêvais de me raconter ma vie, de suivre un filet d’encre couché sur du papier. Ensuite aussi, lorsque j’étais étudiant, l’envie était encore venue. Peut-être même avais-je acheté un cahier comme celui-là ? Je ne sais plus.
Après ? Les femmes, surtout celle-là, qui vient de partir ou que j’ai mis dehors (quelle importance après tout, de savoir à cause de qui, de quoi tout cela a commencé). Oui, ces femmes ont effacé ce désir de m’écrire une histoire car elles me donnaient et me prenaient tout !
C’est revenu un peu avant qu’elle ne parte. Même que je me suis dit c’est idiot de se dire des choses comme ça : « C’est un signe… » C’était dans un grand magasin. Nous marchions chacun de notre côté, chacun dans ses étalages et l’on se croisait parfois des paquets entre les bras. Je voulais m’acheter un nouveau stylo-plume et c’est en sentant cette odeur de papier frais, cette odeur d’écolier que je me suis dite : « Tiens, si j’achetais un beau cahier en toile, comme celui sur lequel maman faisait ses comptes. » J’exagère à peine. C’était un désir plus diffus, cela traînait dans l’air comme une odeur de cigare un lendemain de fête.
Ensuite ? Tout s’est passé assez vite. Le désir de rien, l’envie de rester au fond du lit jusqu’à ce que la faim m’en extirpe. Ou bien était-ce le désir de prendre le temps de voir le chemin parcouru ? Le besoin aussi, sans doute, de savoir s’il y avait eu un véritable chemin.
Tout s’était arrêté là. J’avais acheté ce nouveau stylo, mais j’avais laissé le cahier sur le présentoir et nous avions repris le cours de notre vie, ou plutôt, chacun avait retrouvé la sienne. Car il y avait déjà deux vies.
On se croisait, on se parlait, on se faisait l’amour, entre deux voyages. On se dissimulait. Chacun préparait la suite, sans le savoir, tout en sachant, au fond, là où il n’y a plus de rêve, qu’il faudrait partir ailleurs. Mais on ne voulait pas se l’entendre dire. On se disait même parce qu’on en parlait durant ces longues nuits d’été où l’on cherchait le sommeil à défaut de l’amour on se disait même : « C’est peut-être une chance, il nous faut trouver une autre manière de s’aimer. »
Tout était déjà dit !
Depuis longtemps, nous parlions beaucoup pour dissimuler que nous nous ennuyions un peu et que nous n’étions pas tout à fait suffisants l’un à l’autre. On se fermait à l’autre ou à soi-même, je n’arrive pas à me souvenir. Cela paraît déjà si loin ! Comme je voudrais pourtant retrouver maintenant ces longues nuits sans sommeil et la douce chaleur de la tente. Mais les regrets sont inutiles.
Cela a duré encore quelque temps comme ça, sans véritables heurts ; six mois, un an peut-être. Comment savoir quand où à quel moment cela a vraiment commencé ? Est-ce que cela avait vraiment commencé ? Cette fracture n’était-elle pas présente dès le premier jour, la première nuit ? Est-ce que tout n’était pas déjà dit dans ce premier regard, dans ses yeux qui me demandait tant ? Je m’égare, je ne suis pas venu pour parler d’elle, et si elle vient un peu de moi, c’est justement cette partie-là que je veux fuir. Non, si j’ai décidé de me suivre à la trace, c’est parce que j’ai aujourd’hui peur de me perdre, de me diluer dans… je ne sais pas. C’est aussi à cause de ce temps qui est là, de ces journées qui n’ont pas de fin. Ou bien encore parce que la volonté n’est plus la même qu’au début. Avant, il y a quatre ou cinq ans, si je voulais courir les mots c’était pour montrer, pour prouver que je valais autre chose qu’une simple mouche qui tourbillonne bêtement dans le ciel de la rue. Aujourd’hui, c’est autre chose : je devine que nous sommes cinq milliards à nous agiter sur l’écorce terrestre, que tout cela n’a pas beaucoup d’importance, que les gesticulations d’un nanti n’apporteront rien au monde.


Elle est encore partout. Je découvre que c’est elle qui a acheté ou qui m’a fait acheter la plupart des meubles qui emplissent cette maison. Moi, je n’avais envie de rien, j’achetais n’importe quoi. C’est un peu grâce à elle que je me suis mis à regarder les objets comme autre chose que des objets. Avec elle, les meubles, la vaisselle, les montres, les bijoux avaient une histoire. Elle en parlait pendant des heures, se plaisait à supposer, tentait de comprendre les intentions de celui qui les avait fabriqués. Parfois, cela devenait même un sujet de dispute. Quand elle n’en parlait pas, elle promenait ses mains dessus, les entourait d’attentions, de caresses. Un peu plus et j’aurais été jaloux.
Ce qui est dur, ce n’est pas tant de l’imaginer dans les bras ou dans le lit d’un autre, mais c’est de retrouver ces souvenirs, ces traces derrière chaque chose. Et ces jours qui s’étirent, qui ne commencent jamais et ne finissent pas, me laissent seul avec ces images. Le fauteuil, nous l’avions déniché à Quimper, chez un vieux vannier qui liquidait sa boutique. On l’avait trimballé dans le train, sous l’oeil faussement réprobateur du contrôleur. Cette table, si brune, presque noire à force d’avoir été cirée depuis des siècles, nous l’avions trouvée à Saint-Ouen sous un tas de livres déchirés, un dimanche, en fin d’après-midi. On venait à peine de se lever !
Je me revois, j’étais aimant, ravi d’obéir, de partir au moindre mot, si désireux d’être félicité quand je réussissais un coup ou mon célèbre pot-au-feu à la queue de boeuf. Je me revois aussi, bien avant de la connaître, quand je la croisais dans la rue. Je suivais ses hanches du regard et me sentais plein d’amour déjà. Je riais de joie, battais des bras comme un oiseau qui cherche à s’envoler, dansais d’un pied sur l’autre en rêvant de ses yeux clairs, de sa bouche humide. Je lui parlais pendant des heures, seul comme aujourd’hui, en marchant dans la rue au son de mes pas innocents. J’imaginais déjà la suite, ne sentant plus mes jambes qui me portaient d’un bout à l’autre de la ville, le temps d’un rêve. Elle ne reviendra pas.


Il faisait si froid ce matin que j’ai préféré déjeuner dans la chambre. Le téléphone a sonné à trois reprises. Je n’ai pas bougé. Je m’imaginais mal, en caleçon, au milieu du couloir dans ce courant d’air glacial qui rôde dans la maison depuis hier soir et qui rêve de s’agripper à ma gorge. Non, je suis mieux dans mes draps, enterré sous un matelas de couvertures brunes récupérées dans des trains au court de ces innombrables voyages vers le sud. Et, comme j’ai encore oublié de brancher le répondeur, le cri du téléphone résonne dans toute la maison, se glisse sous la porte de la chambre et file sur moi enfonçant son couteau dans ma tête. Ça sonne encore… J’ai fini par me lever et j’ai branché le répondeur. Je ne veux pas qu’elle appelle ; je ne veux pas entendre son ton désolé et mielleux : « C’est moi ! Je te rappellerais plus tard, quand tu seras plus disposé. » Ou bien : « J’aimerais juste récupérer ce livre de… » Cette voix de haut-parleur grésillant, cette voi

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