PAPIER DE RIZ
196 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

PAPIER DE RIZ , livre ebook

-

196 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Sur les rives du lac Léman, la vie lui sourit : la société de robotique qu'il a créée avec son ami Dan connaît des succès prometteurs et il forme une famille unie avec son épouse Claudia et leur fille Pénélope. Pourtant, quelques grains de sable viennent enrayer les rouages de ce bonheur. Lors d'un voyage d'affaires au Japon, Nathan fait une rencontre qui va faire basculer sa vie. Il nous entraîne dans un road movie à travers la mégapole tokyoïte et le Japon traditionnel jusqu'au moment où son aventure se révèle aussi mystérieuse qu'inattendue…

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 08 avril 2017
Nombre de lectures 4
EAN13 9782806108876
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Copyright
Du même auteur


Un frémissement , Academia, 2014.









D/2017/4910/22
EAN Epub : 978-2-806-12137-0
© Academia – L’Harmattan s.a.
Grand’Place 29
B-1348 Louvain-la-Neuve

Tous droits de reproduction, d’adaptation ou de traduction, par quelque procédé que ce soit, réservés pour tous pays sans l’autorisation de l’auteur ou de ses ayants droit.

www.editions-academia.be
Titre






Jacques Ménassé






Papier de riz






Roman
Exergue


La vie est-elle courte
Il m’a semblé bien long
Le rêve que j’ai fait
YAYU
Dédicace


À Toi
Qui n’as jamais cessé
De me faire rêver
1 Et si la vie n’était qu’un rêve ?
Nathan ne peut détacher son regard du spectacle qui s’offre à lui. De la fenêtre de sa chambre située au trente-cinquième étage de l’hôtel Cerulean Tower, il observe les gratte-ciel de Shinjuku qui scintillent sous les rayons du soleil déclinant et semblent flotter au-dessus des cimes du parc de Yoyogi. Dans le lointain, les immeubles d’Ikebukuro émergent de la brume. Lorsqu’il élargit son champ de vision, il voit la ville qui s’étend jusqu’à l’horizon, tentaculaire, infinie et mystérieuse. Peu à peu, le ciel d’un bleu tendre se charge de nuages pour faire place à un camaïeu de gris dont l’intensité se fait plus menaçante. Tandis que le jour cède la place au crépuscule, le paysage se couvre d’une parure de points lumineux fixes ou clignotants. Les feux des voitures forment de longs rubans et donnent une nouvelle vie à la ville, tels des globules rouges circulant dans les capillaires sanguins. Désormais, la grande métropole appartient au monde de la nuit.
Nathan jette un œil sur sa montre. Il est déjà dix-neuf heures. Cela fait vingt-quatre heures qu’il a quitté Genève. Il n’a pas fermé l’œil dans l’avion. Après avoir pris possession de sa chambre en début d’après-midi, Nathan s’est assoupi. Maintenant, il est impatient de descendre dans la rue et de respirer l’air de Tokyo.
Shibuya est un nœud inextricable d’avenues, d’autoroutes urbaines, de passerelles pour piétons et de voies ferrées suspendues. L’obscurité qui vient de tomber accentue encore cette sensation de chaos urbain. Les sorties de gares et les bouches de métro vomissent un flot continu d’hommes en costumes sombres et de femmes vêtues de tailleurs qui se hâtent vers leur destination. Nathan se laisse porter par le courant. Sous l’effet du décalage horaire, il a l’impression de flotter parmi la foule dense qui envahit les rues. Il aime cette marée humaine dont les flux continus se croisent dans un respect mutuel sans jamais se heurter. Il remonte maintenant Bunkamura-dori, une avenue bordée de boutiques, de cafés et d’établissements de restauration rapide. Les grands magasins de mode aux façades recouvertes de gigantesques enseignes publicitaires sont saturés de néons qui dispensent une lumière aux couleurs acidulées. Il sent son cœur s’accélérer lorsqu’il aperçoit la masse imposante du centre culturel Bunkamura qui se profile au-delà du carrefour. Comment pourrait-il oublier cette soirée de concert où son regard croisa pour la première fois celui de Mayako ?
Nathan prend place à la fenêtre d’un restaurant et commande le premier plat qui se présente au menu, accompagné d’une bière Asahi. Son esprit émerge progressivement de la brume, il se sent de plus en plus éveillé. Ça ne présage rien de bon pour la nuit qui va suivre, mais il sait que c’est le prix à payer lorsqu’on fait un long voyage en direction du Levant.
Il avale distraitement son repas en observant la foule des passants. À cette heure de la soirée, les navetteurs sont en route vers leur lointaine banlieue. La jeunesse s’est emparée du quartier. Les adolescents déambulent en exhibant des coiffures et des accoutrements les plus improbables. Ils profitent de ce court moment de liberté que leur offre la vie avant de revêtir les tenues strictes des employés de bureau. Les jeunes femmes passent devant le restaurant, juchées sur des chaussures à hauts talons, trop grandes pour leurs pieds menus. Elles progressent d’une démarche hésitante dont Nathan apprécie le charme irrésistible.
Il erre encore au hasard des rues piétonnes, heureux de retrouver toutes les sensations visuelles qui lui étaient autrefois si familières. Ensuite, il s’engage dans Dogenzaka-dori et emprunte une ruelle pentue bordée de love hotels et de boîtes de nuits pour rejoindre le Cerulean Tower.
Il est deux heures du matin et Nathan n’a pas encore trouvé le sommeil. Lassé de scruter les ombres qui dessinent des figures fantomatiques sur les murs de la chambre, il se dirige vers la fenêtre. Même dans l’obscurité, les détails du paysage varient d’heure en heure. Les avenues de Shibuya sont désertes et seules circulent quelques voitures sur la voie rapide. Nathan consulte machinalement son courriel sur son iPhone pour voir si Mayako lui a écrit. Pas de nouveau message.
Le lendemain matin, Nathan se rend à la gare de Shibuya pour acheter une carte à puce Suica puis se fraye un chemin parmi la foule pour rejoindre le quai de la ligne Yamanote. Malgré la cohue, le silence et la discipline règnent dans la rame de train. Quelques minutes plus tard, il descend à la station de Harajuku.
Nathan se dirige maintenant vers le sanctuaire de l’empereur Meiji. Érigé dans un vaste écrin de verdure, ce lieu sacré shintoïste abrite les dépouilles du souverain et de son épouse. Il emprunte l’allée de gravier bordée de cèdres et s’approche de l’imposant torii. 1 Il ne peut s’empêcher de toucher un des piliers de bois pour en saisir la texture. Ils ont été taillés d’une seule pièce dans des fûts monumentaux soigneusement sélectionnés par les menuisiers. L’espace d’un instant, il a l’impression d’entendre les instruments des artisans à l’œuvre pour séparer l’écorce de l’aubier.
Le soleil printanier diffuse une douce lumière à travers les ramures des grands arbres, créant une atmosphère de quiétude et de majesté. Nathan aperçoit au loin un couple de jeunes mariés. Maintenant, il est suffisamment proche pour distinguer les détails de la scène. L’épouse est vêtue d’une robe blanche très sobre, sans apprêt. Elle pose devant l’objectif du photographe. Une flaque de lumière inonde la moitié de son visage et en accentue le relief. Sur ses lèvres flotte un sourire radieux. Ses yeux expriment la félicité et la confiance en l’avenir. Nathan croise son regard dans lequel il lit une séquence qui se déroule au ralenti. L’espace d’un instant, il imagine le couple dans une clairière. Il se fraye un chemin, foulant les herbes folles et court joyeusement parmi les coquelicots. Il se dit que la jeune femme vit peut-être sans le savoir le plus beau jour de son existence. Et si la vie n’était qu’un rêve ?
Nathan poursuit sa route. En franchissant un deuxième grand torii en bois, il pénètre dans le domaine du sanctuaire principal. Il se dirige à gauche vers la fontaine et se joint aux pèlerins qui pratiquent l’ablution rituelle des mains à l’aide d’une louche. En face, les visiteurs se pressent devant un petit pavillon pour acheter des anamori 2 dans lesquels ils glisseront un vœu. Droit devant se succèdent deux portes monumentales qui mènent à une vaste esplanade.
Lorsqu’il franchit la deuxième porte, Nathan est envahi par une sensation de douceur et de paix. Il prend place sur un banc pour s’imprégner de la scène. Au fond se dressent le sanctuaire et les bâtiments qui entourent la cour. L’horizontalité des lignes architecturales confère à cet espace une atmosphère de sérénité.
À sa droite, une jeune maman accroupie surveille sa petite fille qui esquisse ses premiers pas à la poursuite d’un moineau. Sous la frondaison d’un arbre centenaire, des étudiants suspendent des planches ema sur lesquelles sont écrites des prières. Un peu plus loin, un groupe de jeunes femmes vêtues de tenues traditionnelles aux couleurs chatoyantes posent à tour de rôle en riant pour la photo souvenir.
Son attention est attirée par une silhouette féminine qui marche avec grâce dans sa direction. L’espace d’un instant, il croit reconnaître Mayako. Son cœur se met à battre dans ses tempes. Et si c’était elle ? Les yeux étrécis, il scrute la silhouette qui se rapproche… mais non, bien sûr, ce n’est pas Mayako. Elle est plus svelte, peut-être un peu plus grande. Très vite, il se rend compte de sa méprise. « Décidément, le décalage horaire me joue bien des tours », se dit Nathan.
Il y a près de dix ans qu’il a noué cette idylle avec Mayako. Depuis cette rencontre, les deux amants ne se sont jamais revus. Maintenant

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents