Passagèretés
212 pages
Français

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Passagèretés , livre ebook

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Description

Passagèretés... Tels ces petits cadeaux de la vie, qui ne durent qu'un instant, mais qui baignent le devenir d'un être. L'auteur nous propose ici un florilège de textes courts, fragments émouvants, érotiques, romanesques, imaginaires, triade de l'être, du désir, de l'humanité. Il emmène progressivement le lecteur, à son insu, dans un monde complet, dilaté ou contracté, tout en mettant à nu l'intensité du moment présent.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2009
Nombre de lectures 72
EAN13 9782296678002
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Passagèretés
Du même auteur


L’appareil psychique dans la théorie de Freud – Essai de psychanalyse cognitive, Editions L’Harmattan, Paris, 2008.
Xavier Saint-Martin


Passagèretés


Fragments et nouvelles


L’Harmattan
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-09057-6
EAN : 9782296090576

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
A Tina .
Passagèreté de l’être
Braises
D e son enfance, il gardait le souvenir radieux des étés en bord de mer.
Tout commençait dès l’arrivée à la villa de la baie du Mont-Saint-Michel, au début du mois de juillet : après l’épopée du trajet routier, qui ne prenait en fait que quatre heures – heureuse conclusion de plusieurs jours de préparatifs parentaux fébriles –, on passait enfin le portail tant attendu, prélude aux délices des grandes vacances. Il n’avait dès lors qu’une hâte : retrouver tous ces menus objets laissés en place, temporairement abandonnés à la fin de l’été précédent. Petits illustrés qu’on connaît par cœur mais qu’on aime tant relire, bateau de bois qu’on refera voguer des heures durant, vénérable Jokari qu’on se chamaillera entre frères et sœurs.
Dès cet instant précieux, le temps se mettait à ne plus passer, dans la douce permanence des choses et la circularité de l’emploi du temps journalier. Il avait en effet la chance de profiter de presque trois mois d’insouciance, durée qui dépassait largement l’horizon temporel du petit garçon qu’il était.
C’était autrefois.
L’autrefois merveilleux de son enfance, époque où les étés semblent après coup avoir été beaucoup plus chauds que ceux de nos jours, où chaque instant semblait baigner dans la lumière dorée d’un soleil écrasant. Dès le lever, il ouvrait sa fenêtre et collait son nez aux volets encore fermés, chauffés par le soleil de milieu de matinée, qui sentaient délicieusement bon la peinture épaisse. La journée, alors, pouvait commencer.
Plage, jeux, baignade. Énormément de baignades, union à l’océan, tout particulièrement certains soirs de grande chance, quand la mer enfin haute évitait le désagrément de la marche nécessaire pour rejoindre les vagues.
Au bout de quelques jours, le premier de ces jours était déjà bien loin, et le dernier des vacances n’était pas même imaginable.
Et c’est ainsi que le temps, dans l’arrêt de sa course, confinait à l’infini.
De même, l’espace. La plage et la mer étaient immenses, si grandes dans quelque direction que portait son regard, qu’il lui semblait impossible d’en atteindre jamais leurs limites visuelles, l’eût-il tenté. Il avait même longtemps cru que les vendeurs de glaces et de beignets ne faisaient guère qu’un passage, et continuaient ainsi leur chemin, sans qu’aucun obstacle ne vienne en signer la fin ni leur imposer un retour : arrivant d’un côté, ils lui semblaient seulement passer, pour disparaître à jamais.
Temps infini, espace infini. Luxe suprême.
La jeunesse qui chasse l’enfance lui imposa progressivement, sans violence pourtant, d’appréhender leur finitude et l’éphémère destinée des choses, des êtres, parfois du bonheur. Il en recueillit d’autres satisfactions, dont celle d’aimer, fût-ce le temps d’un été sur une plage. Ce fut l’époque des bandes de copains qu’on rejoignait le soir, et des feux de camp à la nuit tombée, sur le sable encore tiède du soleil de la journée. S’assemblaient ainsi, à leur propre insu, des sensibilités disparates : les uns entonnaient des chants scouts, accompagnés si possible d’une guitare, d’autres profitaient de l’obscurité pour échanger des caresses et des baisers ; un troisième groupe, enfin, son préféré, s’adonnait plutôt aux délices intellectuels de la philosophie adolescente, laquelle offre aussi son lot de plaisirs, et de séduction.
En vue d’un de ces feux à la nuit tombée, il s’était procuré deux solides tronçons de souche, qu’il avait apportés sur la plage. On mit un certain temps pour leur faire prendre feu, mais, tard dans la nuit, ils éclairaient encore un large rond de plage. Il fallait pourtant rentrer chez soi. Il les recouvrit alors complètement de sable, sûr que leur flamme ne durerait pas.
Le lendemain matin, après avoir humé l’odeur de la peinture chaude de ses volets, il se pressa de rejoindre la plage – sait-on jamais, les amis de la nuit y étaient peut-être déjà. Pourtant, il se retrouva seul, étendu sur le sable, au lieu précis de leur rassemblement nocturne.
Il ne se plaignait pas de cette solitude. Machinalement, il caressa de sa main le petit talus de sable qui recouvrait les restes du feu. Tout doucement, il remit ainsi à l’air libre les souches calcinées de la veille.
Et rêva d’amour, en les regardant.
La petite brise qui courait sur la plage fit bientôt s’élever une fumerolle du sommet d’une des souches. Étonné, il la vit s’épanouir lentement, enfler et tournoyer dans l’air du matin, jusqu’à ce qu’une flammèche renaisse, s’étende, et vienne envahir de nouveau le bois qu’on avait cru étouffer.
Il éprouva une curieuse émotion face au renouveau du feu de joie de la veille. Il ne savait pas que le sable pouvait, parfois, protéger les braises du passage du temps ; les protéger jusqu’à ce qu’elles renaissent, pour peu qu’on leur offre la chance de les ouvrir au ciel.
Adulte, enfin, puisqu’il le faut.
Il avait eu à enfouir les flammes d’un immense amour.
Et les années passèrent, tant bien que mal. Parfois, souvent, il se réchauffait en secret aux braises de cet amour ancien. Il avait oublié la renaissance du feu de sa jeunesse.
Il a suffi du son de la voix aimée pour que les braises, si longtemps gardées, fassent rejaillir les flammes.
À travers l’espace, à travers le temps, il avait retrouvé l’infini.
Rêve, si loin de l’enfance…
M e voilà à cette petite fête foraine de Jullouville qui fait mes délices d’enfant.
Il fait nuit. Quelques forains, dont une femme, partiellement masquée par quelque tenture, probablement une jeune diseuse de bonne aventure. Je la regarde, me déplaçant lentement d’un pas furtif, glissant.
C’est étrange, il me semble que mon pas devient aérien… Je prends de la vitesse, et mes pieds quittent progressivement la chaussée… Je m’élève en douceur, pas trop haut.
Je vole !
M’enhardissant, je prends de la hauteur, et c’est avec étonnement que je constate l’absence de peur, à voler ainsi à la hauteur des arbres.
C’est la nuit, délicieuse et fraîche. Et je vole !
– Jean-Luc, Jean-Luc, tu sais qu’on peut voler ?
– Ah !
– Oui, oui, regarde : il suffit de prendre de la vitesse, assez de vitesse, sans trop forcer, et ça vient tout seul. Allons-y !
On se tient l’un à l’autre, on court… Et doucement le miracle se produit : nous volons de concert. Je sais que Jean-Luc a toujours rêvé de voler.
Longtemps, longtemps plus tard, deux hommes mûrs.
C’est la nuit. Une rue goudronnée, bordée de petits immeubles. Une station balnéaire, sûrement. La rue est en pente légèrement montante.
– Tu te souviens, enfants, quand on volait ?
– Tu crois que… Qu’on pourrait le refaire ?
– Ça peut se tenter….
J’ai un petit doute : mes chaussures ne m’ont pas l’air tout à fait adaptées. Mon regard tombe sur ma chaussure gauche, et je découvre qu’elle n’a pas vraiment de lacet : à la place, une sorte de fil, qui fait un peu pauvre. Y regardant plus avant, je découvre qu’il s’agit de ce fil en nylon, très fin, qui était venu remplacer avantageusement la ficelle de nos cerfs-volants d’enfants.
Je le resserre et le renoue tant bien que mal :
– Bah, ça devrait le faire. Tu es prêt ?
On y va. On se tient l’un à l’autre, on se lance. Il s’agit de prendre de la vitesse.
– Plus vite, plus vite !
Mais la rue est en pente. Mon espoir faiblit... Qu’importe, courons, au moins une dernière fois.
Nous décollons ! Nous décollons ! Mais une curieuse verrière de cristal se dresse devant nous, au beau milieu de la rue. Elle est fracturée en son sommet. On n’est pas assez haut pour la passer.
On la passe tout de même, par je ne sais quel miracle. De l’autre coté, on se retrouve au niveau de la rue. Les terrasses, au rez-de-chaussée des immeubles, sont pleines de monde.
– Bah, on va faire bonne figure !
De fait, ils n’ont pas compris l’enjeu, et applaudissent à notre passage. Nous, on sait bien qu’on n’a pas vraiment volé ; pas comme avant, pas comme autrefois.
Une femme est là. La diseuse

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