Piste du kangourou
206 pages
Français

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Piste du kangourou , livre ebook

-

206 pages
Français

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Description

Après une carrière de cadre supérieur dans une multinationale, Alex décide de démarrer une nouvelle vie dans l'hémisphère Sud. En Australie, nous découvrons avec lui que les "clichés de cartes postales" sont aux antipodes d'une vérité beaucoup plus cruelle. Fort bien documenté, ce livre est un témoignage objectif et accablant sur la situation de la "plus ancienne civilisation vivante de notre planète", et sur la politique raciale de l'Australie. Un ouvrage indispensable pour comprendre les enjeux de l'Australie moderne.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2012
Nombre de lectures 20
EAN13 9782296489653
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La piste du kangourou
Jean-Michel HAUTER


La piste du kangourou

roman


L’Harmattan
Nous savons qu’il reste dans ce livre des imperfections ;
nous prenons cependant l’option de le faire circuler, à petit tirage,
remerciant d’avance tous ceux qui nous aideront
à le perfectionner dans les tirages successifs.


© L’Harmattan, 2012
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-96839-4
EAN : 9782296968394

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Pour Aline
La piste du kangourou


Le mot kangourou dérive du mot Aborigène gangurru, signifiant selon la légende, « Je ne te comprends pas » .
P REMIÈRE PARTIE Une approche interminable
« Où Alex décide de grandir, et se met à rêver »
C HAPITRE 1 Un si long chemin
En France, j’ai grandi dans un monde modelé par des histoires et des souvenirs familiaux. Je pense notamment à ces « merveilleux meubles de famille » qui garnissaient de « vastes et magnifiques maisons de famille », à tous ces objets, lampes, tasses de porcelaine, couverts en argent, nappes brodées, qui émerveillaient tant nos grands parents, puis nos parents, et qui devraient probablement aussi nous émerveiller, nous les enfants, plus tard, quand on serait en âge de comprendre, de les apprécier. Les objets ont une histoire, c’est vrai, en ce sens qu’on les a fabriqués et qu’on finit un jour par les jeter s’ils sont usés, ou les donner si on ne les aime plus, ou les vendre s’ils ont, par chance, une quelconque valeur marchande.
Les objets sont les compagnons fidèles des hommes, ils naissent et ils meurent, ils sont créés par l’homme et ils disparaissent lorsqu’ils ne sont plus utilisés, ils finissent au plus mal dans une poubelle, un tiroir ou un grenier, et au mieux dans un musée, où les curieux vont leur rendre visite. Pour se souvenir d’eux, pour se remémorer, pour surtout ne pas oublier « comment c’était avant ». Car l’Histoire se nourrit d’histoires plus petites, arrivées à des hommes et à des femmes, qui finissent par mourir un jour ; on les enterre ; on garde leurs objets, car ces objets témoignent de la vie de leurs propriétaires disparus ; ils permettent donc de ralentir l’oubli, qui est l’outil de mesure du temps qui passe. C’était limpide…
Je me souviens moi aussi de cette tasse ébréchée qu’aimait tant ma mère, je m’en souviens parce que je me rappelle qu’elle faisait partie d’un service de table « qu’elle avait adoré » avant de disparaître, je me souviens du jour ou elle l’avait acheté, je revois le magasin dans cette petite ville de province, et l’armoire où, de retour à la maison, elle rangeait ces tasses et leurs soucoupes. J’ai donc gardé une tasse en son souvenir, ébréchée comme ma vie l’avait été depuis sa mort.
J’ai gardé la tasse, mais j’ai rejeté le reste, pour ne pas m’encombrer. J’ai rejeté les « maisons de famille », les « meubles de famille », les « histoires de famille ». Tout cela était trop lourd à porter. À cette époque, je voulais construire ma propre vie, ma propre famille, ma propre histoire. Dès l’âge de treize ou quatorze ans, j’avais décidé qu’il me faudrait une certaine indépendance, si cela était toutefois possible tant je ne possédais rien à l’époque, sinon ma famille et j’avais fomenté le plan vague de « m’en aller un jour quelque part ».
Car les trucs de famille, ce n’était vraiment pas ma tasse de thé, à part bien sûr celle de ma mère. Je ne comprenais pas pourquoi il fallait empiler les objets d’avant, c’était un vrai problème, car après avoir entassé les souvenirs de famille de plusieurs générations, il allait être vraiment difficile pour les nouveaux arrivants, les jeunes, de les conserver, de les mettre en valeur, pour glorifier les générations passées.
Heureusement, le gouvernement avait prévu des dispositifs ingénieux pour aider les gens à régler ces problèmes de place et de souvenirs ; il avait inventé un système élaboré de prélèvement sur les successions, qui permettait aux générations nouvelles de se défaire d’une grande partie de leurs souvenirs encombrants. Ainsi les héritiers – un mot qui déjà rien qu’en lui-même suggère richesse et opulence – devaient partager la succession en parts souvent égales, ce qui fractionnait d’autant le poids insupportable des souvenirs. Il fallait aussi payer l’État ; heureusement, l’État ne voulait pas accepter d’être payé en « souvenirs », il voulait de l’argent sonnant et trébuchant, ce qui obligeait les riches héritiers à vendre presque tout, souvent pour pas grand-chose, afin de payer les taxes, et pouvoir partager le reste de l’argent entre les survivants, tant il était plus aisé de partager de l’argent que des souvenirs, qui avaient une valeur « affective », c’est-à-dire différente pour tous. Le partage mathématique de l’argent présentait donc l’avantage énorme de sa simplicité, alors que le partage des objets, le plus souvent, donnait lieu à des discussions interminables, voire des brouilles entre les héritiers. Il n’y avait qu’à voir les mines d’enterrement autour du cercueil.
Lorsque j’avais réalisé cela, bien des années plus tard, j’avais été content et même fier d’avoir anticipé le moment du partage, avec ma tasse ébréchée. D’ailleurs, je m’étais mis moi aussi à collectionner des souvenirs lors de voyages, des objets qui me plaisaient à moi, et qui n’auraient sans doute pas plu à mes aïeux. Je me souviens d’une peinture balinaise, d’une carapace de tortue, et de disques vinyles que je n’ai plus aujourd’hui. Par la suite, ces premiers souvenirs ont disparu eux aussi, mais sans se faire manquer, car à mon tour je réalisais que je ne les aimais plus, soit parce que mes goûts avaient évolué (« comment ais-je pu acheter cette horreur ? »), ou parce que je n’entretenais plus de relation « charnelle » avec eux.
Un peu comme un collectionneur de timbres qui se lasse et devient numismate, je me lassais de mes souvenirs de jeunesse et j’avais hâte de me construire une vie d’adulte. Mais où aller ?
Car j’avais décidé qu’il me fallait voyager et partir très vite à l’étranger, découvrir le monde comme on disait dans les années 70. Il m’avait manqué quelques années à peine pour aller à Woodstock, mais j’en connaissais toutes les chansons. Et, comme Kerouac, j’avais hâte d’aller sur la route pour expérimenter la vie.
Et aujourd’hui ? Si je dois faire le bilan de ma vie d’adulte, disons entre les âges de vingt cinq et quarante ans, et par rapport à mes ambitions de l’époque, celles des voyages et de la réalisation de mes objectifs, l’échec a été total.
J’ai bien voyagé sur l’ensemble des continents, j’ai découvert une bonne soixantaine de pays (ce qui n’est pas si mal, pour un Français), mais toujours pour des périodes courtes et finies, pendant des vacances ou des voyages professionnels ; je comptais mes voyages en semaines, rarement en mois, en jours le plus souvent. La raison de mon échec est simple : après mes études et deux ou trois premières expériences avortées dans de petites entreprises, je m’étais laissé entraîner par la facilité, et j’avais rejoint l’une des premières entreprises mondiales. C’était facile parce que bien payé, et je n’avais plus beaucoup de questions à me poser sur mon avenir, qui était « tout tracé » ; la multinationale fonctionnait depuis plus d’un siècle, elle avait des principes simples, honnêtes et rigoureux, et des réponses à toutes les questions qu’un employé – voire un client – pouvait se poser.
Longtemps je fus séduit par ce modèle parfait d’organisation et d’efficacité, d’autant que mes relations avec mes collègues de travail étaient excellentes : nous avions été formés dans les mêmes « grandes écoles », nous avions subi une deuxième formation commune de plusieurs mois à l’entrée dans la Compagnie, bref, nous sortions du même moule et nous avions été affinés comme des fromages précieux. Mais cela ne s’arrê

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