Saisons de Beyrouth
159 pages
Français

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Saisons de Beyrouth , livre ebook

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Description

Ce livre "est une suite d'instantanés comme travail de photographe (...) Beyrouth, le Liban, les Libanais, les Libanaises et leurs amis sont pris dans la nasse (d'un) humour, jamais blessant, et où on les surprend à frétiller comme des poissons sortis tout frais de la mer. Ce livre, ce journal de bord, a été écrit, entre 2001 et 2003. Depuis, rien n'a vraiment changé, malgré les attentats, les assassinats politiques, le déguerpissement de la troupe syrienne, l'atroce guerre israélienne de 2006." Salah Stétié

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2009
Nombre de lectures 38
EAN13 9782336280912
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Saisons de Beyrouth

Carina Roth
© L’HARMATTAN, 2009
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296095410
EAN : 9782296095410
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Beyrouth de bien des jours Dedicace BEYROUTH EN MAI (2002) LIBAN D’AUTOMNE (2003) JOURS DE DÉCEMBRE (2001)
Beyrouth de bien des jours
C’est un petit livre délicieux que celui que nous propose Carina Roth. Je dirai pourquoi, une fois que j’aurai souligné que ces Saisons de Beyrouth sont, en fait, saisons de tout le Liban, ce petit pays qui est le mien, mélangeant sans cesse centre et périphérie, capitale et province, montagne et plaine, ciel et mer. Comme il mélange aussi, pareil au battement d’un jeu de cartes, les Libanais, leurs communautés, les semi-Libanais, leur double-pays – l’un ici, l’autre ailleurs –, les credos et les cultures, les étrangers venus de partout qui se rencontrent, se croisent, s’entrecroisent entre eux et avec leurs amis libanais, finissent par se croire chez eux à Beyrouth ou dans le reste du pays, pour la plus grande fierté des autochtones. « Le Liban est un petit pays qui ne produit rien, sinon des Libanais », écrivait au XIX e siècle l’un des nombreux voyageurs français d’Orient. Il produit aussi des Libanais de cœur et, dirais-je, de vocation. Carina Roth, qui est originaire de Suisse, s’est si bien intégrée à cette vocation qu’elle a épousé un Libanais et que mon pays est désormais le sien.
J’aime son livre parce que ce n’en est pas un, je veux dire un livre en bonne et due forme, avec un début, un corps central, et une fin. C’est une suite d’instantanés comme travail de photographe. On passe d’un sujet à l’autre, d’une situation à l’autre, d’un personnage à un autre personnage, d’une rencontre inattendue à une réflexion ou à un souvenir avec rapidité, avec sveltesse, en ne perdant aucune ligne du paysage ou du décor, aucun trait du portrait physique ou psychologique. Le zoom est toujours bien ajusté, l’œil de la spectatrice grand ouvert. On dit parfois d’un livre bien écrit en toute spontanéité qu’il est rédigé “à la diable”. Le Diable est bon photographe et ce jusque dans son usage des mots, et Carina Roth qui n’a rien de diabolique – je peux en témoigner – s’entend aussi bien que possible avec ce Malin à malices. Car elle est pleine de malice(s), notre Suissesse aux yeux bleus, et sait voir de nombreuses choses d’un seul regard, et sait aussi, d’une leste patte de chat, souligner ce qu’elle voit. Notre auteure a de la griffe.
Jamais méchante. Au contraire, heureuse et détendue en toutes circonstances. Mais d’une phrase, elle sait fixer une situation fût-elle politique, éléments symboliques à l’appui. Voici, par exemple, comment elle raconte la limite sud du Liban, protégée par les troupes de l’ONU : « Tout le long de la frontière, places fortes et miradors : drapeau bleu et blanc de l’ONU contre drapeau blanc et bleu d’Israël. Car au milieu de tout cela, campée sur ses positions, l’ONU n’est qu’un pôle de plus, aux apparences aussi féodales et belliqueuses que ses vis-à-vis. Chacun son domaine, chacun son fort, un château de sable pour toi, et un pour moi, à chat perché sur une colline après l’autre. Les nuages ont toute la place pour rouler dans le ciel, mais les yeux butent sur la longue blessure d’une bande de sable bordée d’un grillage et de puissants projecteurs ».
Dans ce paragraphe, il y a de l’ellipse mais, le sujet ne s’y prêtant pas, il n’y a pas d’humour. Or le livre est foisonnant de traits d’humour. Beyrouth, le Liban, les Libanais, les Libanaises et leurs amis sont pris dans la nasse de cet humour, jamais blessant, et où on les surprend à frétiller comme des poissons sortis tout frais de la mer. Ce livre, ce journal de bord, cet agenda thématique, a été écrit, si j’en crois les dates, entre 2001 et 2003. Depuis, rien n’a vraiment changé de ce qu’il décrit, malgré les attentats que l’on sait, les assassinats politiques, le déguerpissement de la troupe syrienne, l’atroce guerre israélienne de 2006. Le Liban est toujours aussi frais dans son assiette que le poisson cité plus haut. Mais c’est aussi sans doute que sous le Liban, il y a l’autre Liban, l’éternel.
Salah Stétié
À Antoine Raybaud
Les récits qui composent cet ouvrage datent de mes trois premiers séjours au Liban, entre décembre 2001 et septembre 2003. Depuis, je m’y suis rendue à de nombreuses reprises, mais l’avidité d’impressions du premier regard a fait place à d’autres perceptions. L’intensité des sensations se place désormais sur un plan différent, celui qui imprègne un univers déjà familier, duquel ressortent les changements plus que la constance des formes et des contours. Le Liban est devenu l’une de mes maisons, et quand j’en pousse la porte, j’en reconnais les pièces, l’ameublement, la lumière, la chaleur et les parfums. Les scènes qui suivent ces lignes sont les témoins des semaines et des mois où ce pays était encore pour moi un terrain vierge, ouvert tout entier à la découverte, avec ce que cela comporte d’émerveillement et d’étourderie.
Carina Roth, avril 2005
BEYROUTH EN MAI (2002)

PIQUE-NIQUE À CHOUEIFAT
Au loin Beyrouth embrumée est accoudée à la mer. Choueifat s’étire en surplomb de l’aéroport, par à-coups de terrasses maillées de rues étroites et raides. À chaque cran s’ouvre plus vaste la vue sur une immensité à la fois grise et royale d’immeubles fatigués. Ils sont assis dans le paysage avec tant d’assurance, si confortablement installés, que leur béton brut s’en oublie. Plus haut, les maisons s’espacent, les routes restent raides et commencent à parcourir pierraille de Méditerranée, gravats, pinèdes, épines et oliviers, avec dans le fond de l’air, la promesse des fruits d’un Sud sec. De loin en loin, à l’ombre de groupes de pins épars sur les collines, les stéréos des voitures échouées toutes portières béantes grésillent une musique indécise. À côté d’elles, des grappes de familles pique-niquent.
Dimanche de printemps en annonce d’été, premières fragrances de sécheresse – fumées qui s’élèvent, odeurs de viandes et de menthe, avec la note en sourdine douce du narghilé. Promenade dans la rocaille semée d’arbustes durs – les fleurs presqu’évaporées sauf leurs couleurs vives. Abruptes faces à la mer, les montagnes du Liban cognent contre la côte et survolent les couches rouges du soleil. Entre pierres et broussailles, des rigoles vont s’élargissant, restes des tranchées du temps des guerres. Beyrouth est en amont, je la regarde tout à coup différemment. Le lierre ne recouvre pas des amas de rocs seulement ; parfois, ce sont des restants de murs, avec soudain une plaque d’émail bleu et le numéro d’une rue disparue. La ville en contrebas s’assourdit de soleil blanc et tiède, dans les pins les oiseaux chantent, entre eux coulent la musique des radios et les cris des enfants. Là où finit la crête, avant qu’elle ne tombe vers la mer, une église de béton est en finitions éternelles. Quelques personnes sont en conversation tranquille, le soleil dans le dos. À côté d’elles, une esplanade de terre a été oubliée, où une dizaine de gamins courent derrière un ballon.
Tapis étendu entre les pierres, des morceaux de poulet cuisent sous les braises ; dans un grand bol de plastique, une salade d’été ; le pain plat se déchire à larges gestes, un bloc de glace pour l’arak, poinçonné rudement avec un gros couteau de cuisine. Les enfants jouent, chacun dans son monde, le narghilé continue à glouglouter. Talìa au grand corps attrape les bouchées que lui prépare sa femme, et lui rend la pareille – Ghada est très jeune, enceinte de leur deuxième enfant, ils ont une entente corporelle d’une immédiateté confondante, aussi sensuelle que naturelle. Iyad, le frère aîné et sa femme Rima sont plus réservés, mais toujours liés par un tissu invisible – et moi, je suis assise tout près de Simon ; le peu de distance qui nous sépare est une étendue brûlante.

BEYROUTH SOLIDERE
Beyrouth la ville – sinistrés par la guerre ou non, les immeubles y poussent en mauvaise herbe, avec une distraction tranquille. Pour presque tous, impossible de savoir s’ils étaient, sont ou seront e

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