Tradition et littérature orale en Afrique noire
148 pages
Français

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Tradition et littérature orale en Afrique noire , livre ebook

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Description

Dans le monde africain, la tradition et la littérature ont été transmises à travers la parole, c'est-à-dire à travers l'oralité. La parole transmet le savoir et la sagesse, les croyances religieuses autant que ce qui concerne le monde réel : elle bâtit la cohésion sociale. Cet ouvrage étudie la valeur et le respect de la parole et des traditions, qui sont ensuite passés dans la littérature. L'auteur étudie le monde visible et invisible des Africains, les "griots", la littérature orale et développe un éloge de la voix. Ce lien entre oralité et écriture est plus vivant qu'on ne peut le penser, toutes deux transmettant des créations qui diffusent un même trésor culturel.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2010
Nombre de lectures 220
EAN13 9782296682351
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

TRADITION
ET LITTÉRATURE ORALE
EN AFRIQUE NOIRE


Parole et réalité
© L’HARMATTAN 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-09710-0
EAN : 9782296097100

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Mario Corcuera Ib áñ ez


TRADITION
ET LITTÉRATURE ORALE
EN AFRIQUE NOIRE

Parole et réalité


Préface de Léopold Sédar Senghor

Traduction : Alicia Bermolen


FECIC
Fondation pour l’Éducation, la Science et la Culture
À ma famille, à ceux qui m’ont encouragé et à ceux qui m’ont aidé avec leurs informations et leurs suggestions et pensent que cet essai constitue, lui aussi, un apport pour approcher l’âme et pour comprendre la conduite des Africains noirs.

Dakar, 1989.
Préface


En lisant La Parole et la Réalité de Mario Corcuera Ibáñez, je n’ai pas cessé de penser à Pablo Picasso comme aux autres peintres et sculpteurs de l’École de Paris, sans oublier les poètes surréalistes. C’est que nous avons connu quelques-uns d’entre eux. Je dis "nous" en pensant aux étudiants nègres, dont Aimé Césaire et Léon Damas, qui, dans les années 1930, fréquentaient le Quartier latin de Paris. C’est que l’art européen du XX e siècle, singulièrement celui des Latins – Espagnols, Français, Italiens, Portugais – doit beaucoup à l’art africain : à "l’Art nègre", comme on disait. On entendait par là non seulement les arts plastiques, mais encore la poésie et le conte, voire le roman. En effet, plus que des pensées ou des idées, il s’agissait, il s’agit toujours, d’exprimer les tempéraments et caractères des hommes, mieux, leurs idées, mieux encore, les émotions du cœur.
Voilà les pensées qui me venaient à l’esprit tandis que je lisais, charmé au sens étymologique du mot, le manuscrit de Mario Corcuera Ibáñez, intitulé La Parole et la Réalité.
C’est que notre auteur a bien vu, et souligné, tout au long de son essai, les traits caractéristiques de ce que nous appelons, maintenant, la Négritude, qu’il s’agisse d’art plastique ou de littérature orale, voire de littérature écrite. Nous définissons cet art ou cette poésie, ad libitum, comme un ensemble d’images analogiques, mélodieuses et rythmées…
Or donc, Mario Corcuera Ibáñez a bien vu que le fondement de la vie de l’homme, en Afrique noire, singulièrement de la religion et de l’art, était l’ animisme . Il faut entendre, par ce dernier mot, la croyance ou, plus exactement, le sentiment que, dans l’univers, singulièrement sur la terre des hommes, tout est vivant, possède une âme, depuis les éléments naturels – l’eau, la terre, les arbres, les nuages – jusqu’aux hommes et aux êtres surnaturels.
Ibáñez montre, en s’appuyant sur les faits, que, sur le continent africain, quel que soit le peuple, toutes les activités de l’homme sont vécus poétiquement, c’est-à-dire par et pour l’art, parce que religieusement, et d’abord la littérature, qu’elle soit orale ou écrite, récitée, chantée ou dansée. Loin d’avoir supprimé non pas la religion, mais le tempérament animiste, la colonisation et les temps modernes n’ont fait que l’exalter, et à travers le monde.
Pénétrons plus avant, avec Ibáñez, dans le monde de la littérature et de l’art, dont le but est d’exprimer, par la parole et l’image, les correspondances, mieux, le dialogue créateur qui se développe entre l’homme et l’univers, l’homme et Dieu. Il s’agit, contre les forces du mal et, partant, du désordre, de fortifier les puissances de l’ordre, c’est-à-dire de l’harmonie, de la beauté, de la vie.
Rappelées ces vérités générales de la Négritude, nous entrerons, avec Ibáñez, dans les mondes, visible et invisible, de la Négritude. En effet, les deux se reflètent. Plus exactement, ils entretiennent, entre eux, de multiples correspondances, qui s’expriment par les vertus de l’art : des images analogiques ou symboliques et du rythme. Nous parlons d’un rythme fait de répétitions qui ne se répètent pas. Et cela est vrai non seulement de la littérature orale et des arts plastiques, mais encore du chant et de la danse.
Ce n’est pas hasard si Mario Corcuera Ibáñez consacre la plus grande partie de son livre à la Parole ou à la littérature orale ad libitum . C’est que celle-ci est essentielle quelle que soit l’importance de l’influence exercée par "l’art nègre" sur la peinture et la sculpture européennes du XX e siècle, singulièrement sur l’École de Paris, sans oublier la littérature. Au demeurant, j’ai connu personnellement les plus grands peintres, et sculpteurs, qui étaient des Espagnols ou des Portugais, comme Pablo Picasso et Maria Elena Vieira da Silva.
Or donc, les vertus de la littérature orale négro-africaine tiennent essentiellement au fait qu’elle est poétique, c’est-à-dire créatrice, jusque dans la prose. Je ne retiendrai, avec Ibáñez, que les quelques faits que voici.
Auparavant, je rappellerai, pour ne plus y revenir, le premier congrès international de Paléontologie humaine, qui s’est tenu à Nice, en octobre 1982. Celui-ci a confirmé que c’est en Afrique que l’homme avait émergé de l’animal, il y a quelque 2 500 000 ans, et que le continent noir était resté "aux avant-postes de la civilisation" jusqu’à l ’Homo sapiens . Je dis : jusqu’à l’invention de la première écriture par les Egyptiens, dont Hérodote, le père de l’Histoire, écrit qu’ils avaient "la peau noire et les cheveux crépus".
Cela dit, Ibáñez n’en est que plus libre pour s’arrêter sur la littérature orale des Noirs d’Afrique. D’autant que c’est celle-ci qui a donné naissance à la littérature, singulièrement à la poésie surréaliste. Je ne parlerai, ici, s’agissant de l’Afrique, que de la poésie orale, celle des griots, c’est-à-dire des troubadours. Cependant, il me faut, auparavant, l’expliquer par la psychologie, mieux, l’âme négro-africaine.
Ce qui explique, avant tout, le Négro-Africain, c’est son âme, c’est-à-dire sa sensibilité. Il ne dit pas : "Je veux que tu me comprennes", mais "Je veux que tu me sentes". C’est ainsi que la poésie négro-africaine est essentiellement composée des éléments qui expriment le mieux le cœur, c’est-à-dire la sensibilité. Je la définis : "une image ou un ensemble d’images analogiques, mélodieuses et rythmées".
Je ne m’appesantirai pas sur les images analogiques, dont les surréalistes ont usé et abusé. Plus caractéristique est, chez les poètes négro-africains, la mélodie, je dis le chant des vers avec les allitérations, les assonances et les paronomases. Je ne citerai, ici, que ce vers, dont je souligne les syllabes qui portent l’accent d’intensité :
"Kuluxum lu jigeen Suka jur !"
Je traduis :
"Béni soit celui que la femme, à genoux, met au monde".
Comme vous l’aurez remarqué, c’est un vers qui est caractérisé par trois accents d’intensité, que j’ai soulignés. Et ce n’est pas hasard si chaque voyelle accentuée est un u . Ce sont ces qualités de la poésie négro-africaine qui en font le charme au sens étymologique du mot, qui en font un chant. Et ce n’est pas hasard si, dans la plupart des langues négro-africaines, c’est le même mot qui désigne la poésie et le chant. Dans ma langue natale, le sérère du Sénégal, bâtie, comme le wolof, sur le modèle de l’ancien égyptien, c’est le même mot, gim au singulier, kim au pluriel, qui désigne, à la fois, le chant et le poème.
Je souhaite, en conclusion, que cet essai de Mario Corcuera Ibáñez ait, en Europe, le succès qu’il aura en Afrique ! En Europe et en Amérique, mais d’abord dans les pays latins, où est née la doctrine de l’humanisme.



Léopold Sédar SENGHOR,
membre de l’Académie française
Prologue LES SOURCES DE L’HISTOIRE ET DE LA TRADITI

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