Traversia
235 pages
Français

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Traversia , livre ebook

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Description

Qui n'a jamais songé, dans une longue rêverie, à partir traverser les hauts plateaux andins aux promesses d'or et de grandeur ? C'est ce que vont entreprendre le vieux patron créole de San Juan de Oro et Joaquin, son péon : pour l'or, les prouesses, mais aussi pour défier la mort. Commence alors une véritable épopée, un road movie au royaume des hauteurs. Cet ouvrage, qui mêle à la fiction l'histoire de la conquête des pays andins, nous dévoile une Amérique du Sud qui n'a de cesse de nourrir notre imaginaire.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2010
Nombre de lectures 254
EAN13 9782336265155
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur
Nouvelles
Soledad , Editions Bénévent (épuisé), Nice, 2004
Traversia

Vincent Rasse
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296118843
EAN : 9782296118843
Sommaire
Du même auteur Page de titre Page de Copyright Dedicace Epigraphe Chapitre I Chapitre II Chapitre III Chapitre IV Chapitre V Chapitre VI Chapitre VII Remerciements Écritures
A Pascale & Valencia
Le pire des châtiments serait d’être immortel.
Jorge Luis Borges
E n partant du principe qu’il est difficile d’aimer ce qu’on ne connaît pas. Sur les hauts plateaux les hommes, de tout temps, avaient accumulé une montagne de connaissances. Ils se savaient aidés d’une tare physiologique qui les rendait généreux, ouverts sur le monde, hospitaliers, aptes à comprendre les choses, à fraterniser avec leur prochain ; ce qui évidemment les rendaient aussi savants. Cette anomalie, qu’ils cultivent toujours avec orgueil, vient de la situation géophysique de ce territoire qui possède une altimétrie très élevée, entre quatre et cinq mille mètres, et un air irrespirable.
Au pays de la Puna, bousculé par les déchirures tectoniques, cohabitent deux mondes, l’ancien et le nouveau. Le premier est figé de rivières mortes, d’arbres momifiés, de squelettes d’êtres gravés dans le roc, de mollusques transformés en pierre, d’os gigantesques de grands cétacés, de cathédrales d’argile aux arêtes franches sculptées par les vents et le temps millionnaire aux couleurs d’ocre et d’or, sienne et sang, émeraude et lugubre.
L’autre a encore tout à prouver et ne s’exprime qu’en rondeur par des volcans gigantesques aux formes parfaites qui n’en finissent pas de croître et de cracher leurs colères juvéniles, en bousculant l’ancien monde sans ménagement pour prendre sa place.
Les habitants nés sur ces hauts plateaux ne craignent rien de ces deux mondes, encore moins de l’altitude. Par contre pour les étrangers de passage, qui restent le temps de leurs visites les yeux écarquillés par tant de phénomènes rares, et la bouche ouverte essayant de happer cet air qui ne leur sert à rien : « Ce monde, vraiment, est trop insolite ».
Pour qu’ils ne s’affolent pas, les habitants répondent alors : « Tu es seulement en train de t’apuner » mot qu’ils affectionnent parce qu’il n’existe pas dans le langage officiel et que ceux qui inventent les mots ne vivent sûrement pas à ces altitudes mais bien au niveau zéro de la terre ou juste un peu au-dessus.
Or donc, là-haut, par l’insuffisance de l’air, chaque enfant naît avec un organe thoracique disproportionné, à tel point que certains parmi eux en ont la poitrine déformée pour lui permettre de battre correctement. Dans cette région à l’altitude démesurée les habitants ont simplement un cœur énorme, avec tous les avantages que leur confère une telle anomalie pour amasser un grand savoir et contempler avec délice la beauté du monde.
Depuis toujours ils tirent de ce phénomène leur épigraphe. Gravé sur les pierres à l’entrée de chaque corral protégeant les troupeaux ou sur le linteau des lieux utilisés à transmettre le savoir, il dit dans le langage des hauts plateaux : « On n’apprend bien qu’avec le cœur ».
Chapitre I
L e vieux vivait sur les hauts plateaux depuis toujours, « Depuis que la terre est terre » aimait-il raconter. Comme chaque matin il vaquait à ses occupations accompagné de Joaquín, le péon, dont personne ne savait vraiment s’il était péon, ami, cousin, ou encore d’une parenté plus proche. Il était né par accident trois heures avant lui, le même jour de cette même année dont on ne se souvenait plus ; quelques siècles auparavant bien loin des hauts plateaux dans la basse vallée de Tucuman, à San Lorenzo exactement.
« Trop tôt » avait hurlé sa mère. Elle était à cette heure précise à trimer dans les champs de coton dont elle ne connaissait ni le propriétaire, ni le régisseur et encore moins les limites de la propriété qui s’étalait sur des lieues et des lieues.
Elle était descendue des hauts plateaux, comme chaque année à la saison de la cueillette, accompagnée d’autres femmes dont l’une était la future mère de Joaquìn. Elles avaient toutes les deux caché leur ventre déjà bien rond, pour éviter d’être éconduites par le capataz , qui non pas par humanité, mais pour une question de rentabilité, leur aurait gentiment demandé de retourner d’où elles venaient.
Ce jour-là, dans la précipitation et afin que le moins de monde possible puisse remarquer l’arrivée d’un nouveau-né, sa compagne de voyage la poussa discrètement vers le bout de la parcelle où s’étalait sur la terre, comme un grand drap blanc, toute la cueillette de coton. L’enfant fut expulsé précipitamment, au milieu de cette étendue ouatée, en même temps que les eaux dans lesquelles il faillit se noyer. Sa mère le serra doucement dans ses bras en lui chuchotant à l’oreille « Mon amour, tu es né dans un nuage ».
Jalouse de tant de félicité, la future mère de Joaquìn, trois heures plus tard, sans plus attendre, donnait elle aussi la lumière à une créature frêle et sans histoire, qui n’avait pas même poussé un cri, mais cette fois sous le toit et sur la terre battue du ranchito dans lequel logeait la ribambelle de cueilleuses qui venaient toutes des hauts plateaux.
Au premier soupir de l’enfant les femmes se levèrent, les yeux au ciel, en chantant des louanges aux deux nouveaux arrivés.
De conserve avec les femmes, les deux morveux signalèrent aussitôt au monde que désormais il fallait compter avec eux, et se mirent à brailler réveillant toutes les dépendances de la grande estancia. Bien sur, le capataz se précipita alors pour demander, au creux de la nuit, aux deux femmes d’aller voir ailleurs si elles ne trouveraient pas un autre imbécile qui leur donnerait du travail. « Peu nous importe, répondirent les deux femmes, nous sommes comblées et nous avons maintenant largement de quoi nous occuper ». Le retour sur les hauts plateaux jamais ne leur fut aussi facile.

Depuis, d’innombrables années s’écoulèrent. Des vies entières étaient passées et comme souvent dans ce monde les uns naissaient sans rien et devenaient propriétaires terriens, tandis que les autres naissaient sans rien, devenaient péons, demeuraient péons et terminaient sans rien. Joaquìn arrivait toujours à la même conclusion à ce sujet en regardant son patron.
– Le monde finalement est vraiment bizarre.
Or donc, très tôt ce matin-là Joaquìn terminait comme tous les jours les tâches ménagères sous l’œil inquisiteur du vieux qui ne le lâchait pas d’une semelle. Il avait depuis quelque temps une sensation de mal-être qui lui séchait la gorge et qu’il n’arrivait pas à dissiper. Il s’approcha du vieux qui le guettait et sans prévenir lui demanda :
– C’est quoi l’ennui ?
Le vieux fit mine de ne pas être surpris, bien qu’au fond de lui l’inquiétude grandisse. Il savait Joaquìn fragile dès qu’une question métaphysique se posait.
– C’est le sentiment de ne servir à rien, répondit-il.
– Tu peux être plus précis ?
– L’ennui, c’est aussi d’être obligé de toujours se justifier.
Il terminait de lacer ses chaussures et se préparait à sortir. Il essayait d’avoir un air détaché.
– L’ennui, c’est toi Joaquìn ; une langueur ineffable qui accroche l’âme.
Il ajusta son ceinturon, passa son pouce sur le pli particulièrement réussi du pantalon.
– Et après ? s’impatienta Joaquìn.
– Et après, il y aura ce soir une réunion chez tio Pépé ça te suffit ?
– Tu crois que ce sera intéressant ?
– Ne te pose pas tant de questions ! Il y aura à boire.
Ils sortirent tous les deux sans bruit par la porte de derrière, ils ne voulaient pas passer par le patio ; Roberto le perroquet réveillerait inévitablement la maison encore assoupie à cette heure. Il venait tout juste de retrouver ses plumes qui, le mois dernier, avaient volé de partout après un jet de chaussures bien ajusté juste au moment où il entonnait l’hymne national à gor

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