Un Suicide
203 pages
Français

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Un Suicide , livre ebook

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203 pages
Français

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Description

Clara Mercier, une jeune artiste sans expérience, en quête de maturité, s'éprend dès le départ d'un éditeur d'âge mûr au lourd passif, fuyant et impénétrable. S'ensuit une relation ambiguë où chacun sera tour à tour victime et bourreau. Ils vont s'affronter jusqu'au paroxysme.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2007
Nombre de lectures 80
EAN13 9782336275543
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Un Suicide
roman

Alessandra Fra, L'Harmattan
© L’Harmattan 2007 5-7 rue de l’École Polytechnique ; Paris 5 e www.librairieharmattan.com harmattan1@wanadoo.fr diffusion.harmattan@wanadoo.fr
9782296036826
EAN : 9782296036826
Sommaire
Page de titre Page de Copyright PROLOGUE PRINTEMPS ÉTÉ AUTOMNE FAUX HIVER
. ..au fond, on ne sait pas pour- quoi une personne en aime une autre ; ce n’est peut-être pas du tout pour ce que nous croyons . . .
Marcel PROUST, A la Recherche du Temps Perdu, Le Côté de Guermantes.
PROLOGUE
Le vestibule est plongé dans l’obscurité.
Elle vient à peine de sortir du bureau.
Il l’attrape violemment par les bras, la secoue plusieurs fois puis empoigne sa gorge, qu’il serre avec force entre ses mains. Ces mêmes mains qui ont caressé sa poitrine, il n’y a pas si longtemps.
Elle n’en revient pas. Non qu’elle le crût incapable d’une telle violence gratuite à deux semaines de Noël, mais parce que c’est elle qu’il agresse sauvagement, elle, cette jeune fille douce, posée et affectueuse qui l’aime de tout son cœur, qui lui veut tant de bien, qui n’aspire qu’à une seule chose : le rendre heureux.
Le pire, c’est qu’il le sait. Elle sait qu’il sait. D’ailleurs, elle le lui a dit peu avant en fixant son regard, franche et directe comme elle sait l’être : « Vous voulez me faire du mal, alors que je vous aime ! »
Il lui semble incroyable que ce soit le même homme qui, au même endroit, huit mois plus tôt jour pour jour, l’a embrassée sur le front avec une infinie délicatesse avant de lui dire : « Je vous souhaite tout le bonheur du monde. Vous le méritez vraiment. »
Ils venaient de se rencontrer. C’était avant qu’il ne tombe amoureux d’elle.
Entre ces deux tête-à-tête, en l’espace de ces huit mois, ils ne se sont vus qu’une seule fois, rien qu’une petite demi-heure. Trente minutes qui ont suffi à transformer une tendresse formelle en un complexe explosif d’amour et de haine.
Pour quelle raison ?
PRINTEMPS
Un mercredi après-midi de la première moitié d’avril, dans les locaux d’une maison d’édition du quartier Latin, Clara Mercier, une artiste peintre de vingt et un ans, attend, le cœur battant, devant la porte entrebâillée du bureau de Victor Valois, directeur éditorial.
Tout est parti d’une lettre, rien que des mots griffonnés à la hâte sur un bout de papier, une simple feuille qui a tout déclenché.
Moins d’une semaine plus tard, Victor lui a répondu par un bristol manuscrit l’invitant à le rencontrer.
Elle avait la conviction intime qu’il allait lui répondre, alors que rien ne le laissait présager, d’autant qu’il doit recevoir des dizaines de missives par jour. En vérité, elle se sent inexplicablement attirée par cet homme, bien qu’elle ne l’ait jamais vu en chair et en os et ne sache rien de sa vie privée, hormis le fait que sa femme est morte trois ans plus tôt et qu’il ne s’est pas remarié depuis.
Victor est au téléphone. Il s’enquiert de la santé du Pape pour fixer la date de parution de sa biographie. A présent qu’elle entend sa voix du vestibule attenant à son bureau — une voix mélodieuse, ni aiguë ni rauque, aux accents veloutés —, cette sensation d’aimantation se renforce encore. Elle pressent qu’il va jouer un rôle majeur dans sa vie et elle dans la sienne.
La conversation téléphonique prend fin. Elle se décide alors à entrer dans le bureau, une vaste pièce baignée de lumière, encombrée de livres et de piles de dossiers alignés le long des murs. Elle a les jambes flageolantes, la langue pâteuse, la gorge sèche. Le feu aux joues, elle s’approche de Victor toute timorée et fluette, appréhensive et désireuse de faire bonne impression. Il l’accueille d’un sourire affable, lui serre la main. Le courant passe immédiatement entre eux. Elle se détend quelque peu.

Elle lui a apporté une aquarelle d’un paysage littoral, qu’elle a peinte spécialement pour lui, le jour même où elle a reçu sa carte.
— Merci, mais il ne fallait pas, je ne mérite pas de cadeau.
— Mais oui. C’est pour vous remercier de m’avoir invitée à vous rencontrer.
— Je peux ouvrir ?
— Mais avec plaisir.
Il défait le paquet enrubanné.
— C’est vous qui avez fait ça ?
— Oui, là vous avez ma signature.
— Eh bien dites-moi, c’est très réussi ! Je vais le mettre là, ce sera parfait.

Sur le ton de la conversation mondaine, il commence par lui poser une série de questions en tout genre auxquelles elle répond laborieusement, en entortillant ses phrases. Il l’écoute attentivement, l’index posé sur les lèvres, hoche fréquemment la tête, écarquille les yeux à plusieurs reprises, la dévisage en souriant. Un demi-sourire en coin qui plaît beaucoup à Clara, lui inspire confiance. Il a des gestes félins, un regard clair et perçant. Il y a quelque chose de proprement doux, de sensible et sécurisant à la fois, chez ce quadragénaire de haute stature et de carrure imposante . . . Un colosse aux pieds d’argile : il émane de lui une force fragile. Elle se sent singulièrement à l’aise en sa présence. En oublierait presque qu’il est un étranger.
— Et dans vos études, vous en êtes où ?
— J’ai terminé.
Il plisse les yeux avec étonnement. A cause de ses joues rebondies et de sa petite taille, elle a toujours paru bien plus jeune que son âge : on lui donnerait à peine seize ans. Si bien qu’on la prend encore souvent pour une lycéenne. Victor est l’une des rares personnes à ne pas l’avoir tutoyée d’emblée.
— Mais comment, quel âge avez-vous ?
— Vingt et un ans. J’ai reçu mon diplôme l’été passé.
— Une Licence ?
— Oui, un BA en histoire de l’art, à l’université de Cambridge, en Angleterre.
— Alors comme ça vous êtes bilingue ?
— Oui, c’est parce que j’ai passé une partie de mon enfance à New York.
— Et maintenant vous travaillez à Paris ?
— En fait, j’ai fait un stage de trois mois dans une maison aux enchères à Londres cet hiver, mais maintenant je me consacre à la peinture. Et comme je vous l’ai dit dans ma lettre, parallèlement je m’essaie aussi à l’écriture. D’ailleurs, j’ai avec moi quelques pages que j’ai écrites récemment.
— Ah, vous m’avez apporté quelque chose ?
— Oui, j’ai pensé que peut-être vous pourriez me donner votre avis, si vous trouvez le temps de les lire.
— D’accord, si ce n’est pas trop long.
— Non, ça ne fait que dix pages. C’est seulement une ébauche.
Elle sort de sa sacoche les dix pages agrafées et les lui tend d’une main tremblante. Après avoir mis des lunettes cerclées d’une monture dorée, l’air très concentré, il commence à les lire immédiatement, crayon en main, annotant en marge et soulignant quelques phrases au passage.

Clara Mercier

L’Aube d’une Vie

J’ai les mains faibles ce soir. Elles soutiennent à peine ma plume. Il est presque neuf heures. Ce soir, comme parfois, comme souvent, un malaise insurmontable m’habite. Sans raison particulière. Je n’ai personne à qui me confier, alors je me raconte sur papier. Je me livre. C’est bien plus efficace que ce bol de pistaches grillées que j’ai vidé goulûment ce soir, les larmes aux yeux. Un demi-kilo de pistaches et un thé Lapsang Souchang. Piètre consolation.
Pourtant, cet après midi, j’étais d’une autre humeur. Une lueur vacillante de confiance en l’avenir m’avait illuminée le long du lac, face aux reflets des glaciers éternels dans une eau pâle stratifiée par les rais obliques du crépuscule. La lumière semblait émaner des eaux dormantes. J’avais songé aux photos panoramiques de ce paysage somptueux que je pourrais prendre à l’aide d’un appareil sophistiqué et que je ferais ensuite agrandir et encadrer. Une petite perspective toute simple mais qui m’avait rendue joyeuse l’espace d’une heure ou deux. Mes instants de gaieté, poussières de félicité sur fond de désespoir, sont devenus plus éphémères qu’une éclaircie dans un ciel orageux. Plus. fragiles que du cristal, ils se brisent au moindre courant

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