Une hydre trop fertile
192 pages
Français

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Une hydre trop fertile , livre ebook

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192 pages
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Description

Fortifié par un rempart de certitudes érigées au fur et à mesure des années, dépositaire de la ferveur de son épouse aimante et, croit-il, de l'affection de leurs enfants, le juge Dorffe a l'intime conviction qu'il détient la clairvoyance et la sérénité morale nécessaires pour sonder la conscience des justiciables qui défilent dans son cabinet et pour faire émerger la vérité. Mais est-il vraiment à l'abri de l'hydre tentaculaire des passions humaines au risque d'être juge et partie ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 mai 2011
Nombre de lectures 53
EAN13 9782296807419
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une hydre trop fertile
Sylvie Campana Une hydre trop fertile
Roman
© L’Harmattan, 2011 5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-296-54771-1 EAN : 9782296547711
Qui pardonne aisément invite à l’offenser ; Punissons l’assassin, proscrivons les complices. Mais quoi ? Toujours du sang, et toujours des supplices ! […………………………………………………………… ..] Rome a pour ma ruine une hydre trop fertile Une tête coupée en fait renaître mille…..  Pierre Corneille,Cinna,1640 (Monologue d’Auguste)
Ouverture « Vraiment, papa, à force de fréquenter les escrocs et les voyous, tu es devenu d’un pessimisme impossible. Tu ne crois à rien. Tu vois toujours, chez les autres, le pire. Tu prétends que tu es seulement lucide. En fait, tu es né-ga-tif. Ca t’évite de t’engager. Heureusement que tu as Maman. Sinon, tu serais un véritable ours, un sauvage. Tu vivrais seul, replié sur tes bouquins, tes opéras, ta défense de la terre, des mœurs, de l’honneur. Tu exagères. Je ne sais pas comment Maman fait pour te supporter, depuis si longtemps. » Une fois de plus je laissai passer la philippique d’Hélène. Mieux valait, avec elle, attendre le retour à une respiration plus calme. Ma fille avait toujours été ainsi, enflammée, prenant fait et cause pour tout et n’importe qui, s’opposant à toute modération. Il lui fallait la passion, l’enthousiasme, l’élan, la foudre et les éclairs. Je l’aimais ainsi, prête à se brûler les ailes, à être malheureuse d’avoir cru, contrairement à moi, en la nature humaine, eu confiance en ceux qu’elle rencontrait et dont elle s’entichait. Elle exagérait, bien sûr, en parlant de fréquenter les escrocs et les voyous. Ma vie, heureusement, ne se limitait pas à cette frange de la population. Mais la polémique avec Hélène menait rarement à quelque chose de constructif. Je me contentais de remercier, in petto, le ciel, même si j’étais absolument incroyant, que mon pseudo-gendre, Michel, fût un être calme, posé, perspicace, équilibré, et surtout profondément amoureux d’Hélène. Il me jeta un coup d’œil, esquissa un sourire et soutint gentiment le regard sombre de ma fille. J’attendais du côté droit, de la part de Jean-Jacques, un soutien appuyé à sa sœur. Pour une fois, il n’intervint pas. Peut-être parvenait-il enfin à prendre du recul ? Malgré leurs quatre années de différence, Jean-Jacques avait toujours protégé, défendu et soutenu Hélène. Ils avaient, très longtemps, fait bloc,
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tant qu’ils avaient vécu sous notre toit. Ils réclamaient les punitions pour tous les deux, les récompenses de même, les sorties à égalité. Leur mère avait sur ce dernier chapitre tenu bon, soutenant qu’on ne laisse pas sortir une jeune fille comme un jeune homme. Les discussions traînaient pendant des heures, des jours, des vacances même. Mais Margot était rompue à toute controverse et dotée d’une patience qui m’étonnait. Elle argumentait pied à pied, ne cédait ni aux larmes, ni au silence dédaigneux, ni surtout aux cris. Elle acceptait la discussion, pas les vociférations. Elle me racontait tout cela, en résumant, le soir lorsque nous nous retrouvions seuls. Elle brossait les grands traits, sachant que les détails ne m’intéressaient pas et que je lui faisais confiance pour choisir la solution la meilleure et avoir le dernier mot. Margot était ma femme depuis vingt-sept ans et elle me surprenait toujours. Même si j’avais parfois lorgné d’autres créatures féminines, je n’étais passé à l’acte, ni de séduction ni de liaison adultère. Les tentations parfois avaient été fortes et j’aurais pu céder à mon passé et mon présent de « bel homme ». Les usures du couple, inévitables, nous avaient touchés, Margot et moi. Néanmoins, je n’avais jamais franchi le pas, arrêté à l’ultime moment par une sorte de pressentiment d’un péril, d’une catastrophe irréversible. Il n’y avait pas de demi-mesure possible avec Margot. Elle n’admettait aucune trahison, aucune humiliation, aucune chute. Elle était au-delà de la classique fidélité. Il ne s’agissait pas non plus de valeur chrétienne. Elle parlait d’absolu et tout engagement profond devenait chez elle une mystique. Le corps n’est que ponctuel, léger ou lourd, plus ou moins frais, mais dense comme l’esprit, jamais. Et j’appréciais celui de ma femme, dans ce qu’elle me permettait d’en connaître. Alors j’avais tenté à chaque fois de rallumer un pétillement amoureux entre nous. Des circonstances étaient, de temps à autre, venues à mon secours. Mon frère Emmanuel, bien contre son gré. Et puis, aurais-je pu affronter le regard de ma mère au cas où j’eusse chuté ? Margot avait une droiture qui me changeait du quotidien auquel j’étais confronté. Elle ne biaisait jamais avec la vérité, ne pactisait ni avec la lâcheté ni avec la bassesse. Qualités qui 10
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