Un drame au bord de la mer
25 pages
Français

Un drame au bord de la mer

-

Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres
25 pages
Français
Le téléchargement nécessite un accès à la bibliothèque YouScribe
Tout savoir sur nos offres

Description

La Comédie humaine - Études philosophiques - Tome II. Quinzième volume de l'édition Furne 1842. Extrait : Quel homme un peu poëte n’a dans ses souvenirs un quartier de roche qui tient plus de place que n’en ont pris les plus célèbres aspects de pays cherchés à grand frais ! Près de ce rocher, de tumultueuses pensées 

Informations

Publié par
Nombre de lectures 18
EAN13 9782824710389
Langue Français

Extrait

HONORÉ DE BALZA C
U N DRAME A U BORD
DE LA MER
BI BEBO O KHONORÉ DE BALZA C
U N DRAME A U BORD
DE LA MER
Un te xte du domaine public.
Une é dition libr e .
ISBN—978-2-8247-1038-9
BI BEBO OK
w w w .bib eb o ok.comLicence
Le te xte suivant est une œuv r e du domaine public é dité
sous la licence Cr e ativ es Commons BY -SA
Except where otherwise noted, this work is licensed under
h tt p : / / c r e a ti v e c o m m on s . or g / l i c e n s e s / b y - s a / 3 . 0 /
Lir e la licence
Cee œuv r e est publié e sous la licence CC-BY -SA, ce qui
signifie que v ous p ouv ez lég alement la copier , la r e
distribuer , l’ env o y er à v os amis. V ous êtes d’ailleur s
encourag é à le fair e .
V ous de v ez aribuer l’ o euv r e aux différ ents auteur s, y
compris à Bib eb o ok.U N DRAME A U BORD DE LA
MER
A MAD AME LA P RI NCESSE CAROLI N E GALLI TZI N DE
GEN T HOD ,
N ÉE COMT ESSE W ALEWSKA.
Hommag e et souv enir de l’auteur
.
   ont pr esque tous un comp as av e c le quel ils se
plaisent à mesur er l’av enir  ; quand leur v olonté s’accorde av e cL la hardiesse de l’angle qu’ils ouv r ent, le monde est à eux. Mais
ce phénomène de la vie morale n’a lieu qu’à un certain âg e . Cet âg e , qui
p our tous les hommes se tr ouv e entr e vingt-deux et vingt-huit ans, est
celui des grandes p ensé es, l’âg e des conceptions pr emièr es, p ar ce qu’il est
l’âg e des immenses désir s, l’âg e où l’ on ne doute de rien  : qui dit doute ,
dit impuissance . Après cet âg e rapide comme une semaison, vient celui
de l’ e x é cution. Il est en quelque sorte deux jeunesses, la jeunesse durant
laquelle on cr oit, la jeunesse p endant laquelle on agit  ; souv ent elles se
confondent chez les hommes que la natur e a fav orisés, et qui sont, comme
César , Ne wton et Bonap arte , les plus grands p ar mi les grands hommes.
1Un drame au b ord de la mer Chapitr e
Je mesurais ce qu’une p ensé e v eut de temps p our se dé v elopp er  ; et,
mon comp as à la main, deb out sur un r o cher , à cent toises au-dessus de
l’O cé an, dont les lames se jouaient dans les brisants, j’ar p entais mon av
enir en le meublant d’ ouvrag es, comme un ing énieur qui, sur un ter rain
vide , trace des forter esses et des p alais. La mer était b elle , je v enais de
m’habiller après av oir nag é , j’aendais Pauline , mon ang e g ardien, qui se
baignait dans une cuv e de granit pleine d’un sable fin, la plus co quee
baignoir e que la natur e ait dessiné e p our ses fé es marines. Nous étions
à l’ e xtrémité du Cr oisic, une mignonne pr esqu’île de la Br etagne  ; nous
étions loin du p ort, dans un endr oit que le Fisc a jug é tellement inab
ordable que le douanier n’y p asse pr esque jamais. Nag er dans les air s après
av oir nag é dans la mer  ! ah  ! qui n’aurait nag é dans l’av enir  ? Pour quoi
p ensais-je  ? p our quoi vient un mal  ? qui le sait  ? Les idé es v ous tomb ent
au cœur ou à la tête sans v ous consulter . Nulle courtisane ne fut plus
fantasque ni plus imp érieuse que ne l’ est la Conception p our les artistes  ;
il faut la pr endr e comme la Fortune , à pleins che v eux, quand elle vient.
Grimp é sur ma p ensé e comme Astolphe sur son hipp ogriffe , je che
vauchais donc à trav er s le monde , en y disp osant de tout à mon gré . and
je v oulus cher cher autour de moi quelque présag e p our les audacieuses
constr uctions que ma folle imagination me conseillait d’ entr epr endr e , un
joli cri, le cri d’une femme qui v ous app elle dans le silence d’un désert, le
cri d’une femme qui sort du bain, ranimé e , jo y euse , domina le mur mur e
des frang es incessamment mobiles que dessinaient le flux et le r eflux sur
les dé coupur es de la côte . En entendant cee note jaillie de l’âme , je cr us
av oir v u dans les r o cher s le pie d d’un ang e qui, déplo yant ses ailes, s’était
é crié  : ―  T u réussiras  ! Je descendis, radieux, lég er  ; je descendis en b
ondissant comme un caillou jeté sur une p ente rapide . and elle me vit,
elle me dit  : ― ’as-tu  ? Je ne rép ondis p as, mes y eux se mouillèr ent.
La v eille , Pauline avait compris mes douleur s, comme elle compr enait en
ce moment mes joies, av e c la sensibilité magique d’une har p e qui obéit
aux variations de l’atmosphèr e . La vie humaine a de b e aux moments  !
Nous allâmes en silence le long des grè v es. Le ciel était sans nuag es, la
mer était sans rides  ; d’autr es n’y eussent v u que deux stepp es bleus l’un
sur l’autr e  ; mais nous, nous qui nous entendions sans av oir b esoin de la
p ar ole , nous qui p ouvions fair e jouer entr e ces deux lang es de l’infini, les
2Un drame au b ord de la mer Chapitr e
illusions av e c lesquelles on se r ep aît au jeune âg e , nous nous ser rions la
main au moindr e chang ement que présentaient, soit la napp e d’ e au, soit
les napp es de l’air , car nous pr enions ces lég er s phénomènes p our des
traductions matérielles de notr e double p ensé e . i n’a p as sav ouré dans les
plaisir s ce moment de joie illimité e où l’âme semble s’êtr e débar rassé e des
liens de la chair , et se tr ouv er comme r endue au monde d’ où elle vient  ?
Le plaisir n’ est p as notr e seul guide en ces régions. N’ est-il p as des heur es
où les sentiments s’ enlacent d’ eux-mêmes et s’y élancent, comme souv ent
deux enfants se pr ennent p ar la main et se meent à courir sans sav oir
p our quoi. Nous allions ainsi. A u moment où les toits de la ville app ar ur ent
à l’horizon en y traçant une ligne grisâtr e , nous r encontrâmes un p auv r e
pê cheur qui r etour nait au Cr oisic  ; ses pie ds étaient nus, son p antalon de
toile était dé chiqueté p ar le bas, tr oué , mal raccommo dé  ; puis, il avait une
chemise de toile à v oile , de mauvaises br etelles en lisièr e , et p our v este un
haillon. Cee misèr e nous fit mal, comme si c’ eût été quelque dissonance
au milieu de nos har monies. Nous nous r eg ardâmes p our nous plaindr e
l’un à l’autr e de ne p as av oir en ce moment le p ouv oir de puiser dans
les trésor s d’ Ab oul-Casem. Nous ap er çûmes un sup erb e homard et une
araigné e de mer accr o chés à une cordelee que le p é cheur balançait dans
sa main dr oite , tandis que de l’autr e il maintenait ses agrès et ses engins.
Nous l’accostâmes, dans l’intention de lui acheter sa pê che , idé e qui nous
vint à tous deux et qui s’ e xprima dans un sourir e auquel je rép ondis p ar
une légèr e pr ession du bras que je tenais et que je ramenai près de mon
cœur . C’ est de ces riens dont plus tard le souv enir fait des p oëmes, quand
auprès du feu nous nous rapp elons l’heur e où ce rien nous a émus, le
lieu où ce fut, et ce mirag e dont les effets n’ ont p as encor e été constatés,
mais qui s’ e x er ce souv ent sur les objets qui nous entour ent dans les
moments où la vie est légèr e et où nos cœur s sont pleins. Les sites les plus
b e aux ne sont que ce que nous les faisons. el homme un p eu p oëte
n’a dans ses souv enir s un quartier de r o che qui tient plus de place que
n’ en ont pris les plus célèbr es asp e cts de p ay s cher chés à grand frais  !
Près de ce r o cher , de tumultueuses p ensé es  ; là , toute une vie emplo yé e ,
là des craintes dissip é es  ; là des ray ons d’ esp érance sont descendus dans
l’âme . En ce moment, le soleil, sy mp athisant av e c ces p ensé es d’amour
ou d’av enir , a jeté sur les flancs fauv es de cee r o che une lueur ardente  ;
3Un drame au b ord de la mer Chapitr e
quelques fleur s des montagnes airaient l’aention  ; le calme et le silence
grandissaient cee anfractuosité sombr e en ré alité , coloré e p ar le rê v eur  ;
alor s el

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents