Asie Centrale Le nouveau grand jeu
240 pages
Français

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Asie Centrale Le nouveau grand jeu , livre ebook

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Description

En ce début de XXIe siècle, les grandes puissances énergivores de la planète s'intéressent de près aux ex-républiques soviétiques d'Asie centrale, et aux importantes ressources en hydrocarbures qu'elles recèlent. Voyageant du Caucase au Cachemire, des steppes kazakhes au plateau iranien, le journaliste allemand Lutz Kleveman a ramené de son périple un récit révélateur des dessous de la géopolitique énergétique moderne.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2013
Nombre de lectures 25
EAN13 9782336288611
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1050€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture

Titre
Lutz Kleveman









Asie centrale
le nouveau Grand Jeu


Traduit de l’anglais par Grégory Dejaeger
Copyright
Du même auteur
Der Kampf um das Heilige Feuer. Wettlauf der Weltmächte am Kaspischen Meer , Berlin, Rowohlt, 2002.
Kriegsgefangen , Münich, Siedler Verlag, 2011.















© L’HARMATTAN, 2013
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
EAN Epub : 9782336288611
Introduction
L’après-midi du 16 décembre 2001, un avion de transport C-17 noir de l’US Air Force entame sa descente vers les plaines de l’Asie centrale. À son bord, le général Christopher Kelly, cinquante ans, a pour mission d’établir une base aérienne américaine dans la petite république du Kirghizstan. Pour la première fois de leur histoire, des troupes américaines se déploient sur un territoire de l’ex-Union soviétique dans le cadre d’une mission de combat. Celle-ci a pour cible les poches de résistance du réseau terroriste Al-Qaida et autres combattants talibans retranchés à plus de six cents kilomètres au sud, dans les montagnes de l’Afghanistan. À 15h32 précises, heure locale, le C-17 se pose sur le tarmac de l’aéroport civil de Manas, près de la capitale kirghize Bichkek. Deux jours plus tôt, une tempête de neige, la plus terrible qu’ait connu le pays depuis des décennies, a tout dévasté sur son passage. Toute la nuit, les ouvriers de l’aéroport ont travaillé à coups de pelles pour déblayer la piste d’atterrissage. « Qui aurait cru, à l’époque de la guerre froide, que je mettrais un jour les pieds ici ? » , glisse Kelly, vingt-huit années de service dans l’US Air Force, en observant les énormes monticules de neige. Dans quelques semaines, une base de 3 000 hommes devra être établie sur l’aéroport. « Fini de rire. Cette fois-ci, les choses sérieuses commencent ! » , lance-t-il.
La venue du général Kelly est le fruit de l’alliance conclue peu de temps auparavant entre les États-Unis et l’ancienne république soviétique, dans le cadre d’un partenariat qui aurait été impensable il y a quelques années seulement. Les attaques terroristes du 11 septembre 2001 et la campagne américaine en Afghanistan qui a suivi ont placé l’Asie centrale, une région aussi méconnue que les Balkans il y a dix ans à peine, au centre de toutes les attentions. Ce territoire immense, situé entre les rives orientales de la mer Noire et les sommets de la chaîne du Pamir, était jusqu’alors considéré comme le « trou noir du monde ». Durant plus de soixante-dix années que dura l’occupation soviétique, la région entourant la mer Caspienne, le plus grand lac intérieur du monde, fut isolée de l’Occident et pratiquement inaccessible aux étrangers.
Suite à la chute de l’Union soviétique en 1992, huit républiques du Caucase et d’Asie centrale – la Géorgie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan, le Kazakhstan, le Kirghizstan, l’Ouzbékistan, le Turkménistan et le Tadjikistan – obtinrent leur indépendance et ouvrirent leurs frontières avec leurs voisins méridionaux et la Chine, dans le but d’établir de nouvelles relations politiques et économiques visant à faciliter leur transition vers le capitalisme. Aujourd’hui, pourtant, la plupart des ex-républiques soviétiques de la région caspienne sont encore dirigées par d’anciens communistes et généraux du KGB obligés d’adopter une rhétorique nationaliste pour assurer leur contrôle dictatorial sur des États en quête d’identité. La plupart de ces républiques sont en effet le produit des politiques staliniennes, peu soucieuses du bariolage des peuples qui caractérise les territoires en question et est à l’origine des nombreux conflits ethniques ravageant actuellement la région. Ces nouveaux États, qui n’ont souvent d’indépendants que le nom, tentent en outre de se défaire du joug hégémonique de Moscou en recherchant des alliances nouvelles. Si la guerre contre Al-Qaida a attiré l’attention de la communauté internationale sur l’importance stratégique de la région caspienne, la campagne d’Afghanistan n’en constitue pas moins qu’un des nombreux épisodes, aussi important fût-il, d’un conflit bien plus étendu encore : le nouveau Grand Jeu. Ce terme, utilisé pour la première fois au début des années 1990, sert à désigner le pendant moderne du premier Grand Jeu qui, au XIX e siècle, opposa l’Empire britannique à la Russie tsariste pour le contrôle de l’Asie centrale, une page de l’histoire retracée par Rudyard Kipling dans son roman Kim 1 .
Lorsque les armées du tsar conquirent le Caucase et subjuguèrent les tribus nomades du Turkestan, Londres et Calcutta y virent une menace envers la colonie des Indes, joyau de la couronne britannique. Le gouvernement russe de Saint-Pétersbourg craignait de son côté que les Britanniques n’incitent les tribus musulmanes d’Asie centrale à se révolter contre lui. Les deux empires se disputèrent ainsi le contrôle de l’Afghanistan, qui, de par sa position centrale stratégique, offrait la meilleure base possible pour lancer une invasion qui de l’Inde, qui du Turkestan. Lord George Nathaniel Curzon, vice-roi des Indes en 1898, connaissait parfaitement les enjeux du Grand Jeu pour les Britanniques : « Le Turkestan, l’Afghanistan, la Transcaspienne, la Perse, pour beaucoup de gens ces mots n’évoquent que des contrées lointaines, ou le souvenir d’étranges vicissitudes et de romantisme moribond. Pour moi, j’avoue que ce sont les pièces d’un échiquier où l’on joue pour dominer le monde 2 . »
De nos jours, un siècle plus tard, de grands empires se positionnent à nouveau pour contrôler le cœur du continent eurasien, laissé à l’abandon après la chute du régime soviétique. Les acteurs d’aujourd’hui ne sont plus ceux d’antan et les règles du jeu néocolonial beaucoup plus complexes qu’il y a un siècle ; les États-Unis ont ainsi remplacé les Britanniques et, aux côtés des Russes, toujours bien présents, on trouve maintenant des puissances régionales telles que la Chine, l’Iran, la Turquie et le Pakistan, ainsi que des sociétés transnationales dont les budgets dépassent de beaucoup ceux de la plupart des pays d’Asie centrale et qui poursuivent leurs propres intérêts stratégiques. Ce qui distingue le Grand Jeu actuel, ce sont les enjeux. Alors qu’à l’époque victorienne, Londres et Saint-Pétersbourg se disputaient l’accès aux richesses de l’Inde, à l’heure actuelle, ce sont les ressources énergétiques de la Caspienne, principalement le pétrole et le gaz, qui suscitent la convoitise des protagonistes. Les côtes et les profondeurs de la Caspienne renferment en effet les plus grandes réserves inexploitées de combustible fossile de la planète. Selon les estimations, celles-ci sont comprises entre 50 et 110 milliards de barils de pétrole et entre 5 et 13 billions de mètres cube de gaz naturel. Le département américain de l’énergie avance un taux de probabilité confortable de 50% sur des réserves totales de 243 milliards de barils de pétrole. À eux seuls, l’Azerbaïdjan et le Kazakhstan détiennent des réserves estimées à plus de 130 milliards de barils de pétrole, soit trois fois plus que les réserves américaines. Seule l’Arabie saoudite, avec 262 milliards de barils, possède des réserves plus importantes. L’été 2000 vit en outre la découverte, le long des côtes kazakhes, du gisement pétrolier géant de Kashagan, considéré comme l’un des cinq plus grands au monde 3 .
La présence de pétrole et de gaz dans la région caspienne est connue depuis des siècles. Au Moyen Âge déjà, des adeptes du culte zoroastrien se rendaient en pèlerinage sur la péninsule d’Apchéron, située dans l’Azerbaïdjan actuel, afin de vénérer les flammes gazifières qui s’en échappaient – ce qui est encore le cas de nos jours – et qu’ils considéraient comme des feux sacrés. Aujourd’hui, sociétés énergétiques transnationales, États littoraux et autres grandes puissances mondiales se disputent ce même feu sacré dans la quête désespérée d’alternatives au golfe Persique, qui détient toujours plus de deux-tiers des r

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