Des enfants tombés du ciel
178 pages
Français

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Des enfants tombés du ciel , livre ebook

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178 pages
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Description

Le roman foisonnant de la haine entre deux hommes, et l'histoire d'une double vengeance qui ne recule devant rien...





En 1870, quand naissent les fils de Catulle Moringuet, des triplés, sa mère, consultant les cartes, lui prédit: "Deux de vos fils chercheront à vous tuer. Les cartes sont muettes sur le troisième." C'est à travers le destin de ces trois enfants que va se jouer le combat entre les deux ennemis...Lors du siège de Paris, deux des triplés sont embarqués clandestinement à bord d'un de ces ballons qui relient la capitale à la province, le troisième reste à Paris. Un accident de navigation projette le ballon au sol, quelque part en Corrèze. Ces "enfants tombés du ciel", recueillis dans trois familles d'horizons différents, vivront pour accomplir le destin annoncé... Mais comment, ainsi éparpillés, deux d'entre eux pourront-ils chercher à tuer leur père, tandis que le troisième finira par le haïr?Enlèvements, assassinats, trahisons... Gilbert Bordes mêle les actions les plus noires aux sentiments les plus purs, sur fond de grands événements politiques. Il emporte le lecteur, comme savaient si bien le faire au xixe siècle ses illustres prédécesseurs, ces écrivains qui ont fait la gloire des romans-feuilletons.





Le soir du 14 janvier, une nuit glacée figeait Paris; les passants se faisaient rares. Une voiture s'arrêta au portail de la maison de Julia. Un homme descendit du siège du cocher, agita la clochette. Auguste Leblanc, qui était encore là, vint ouvrir.– Monsieur Leblanc, je suis bien aise de vous trouver. Le quartier est bouclé par la police! C'est votre épouse qui m'a indiqué que je vous trouverai ici.– Vous dites que le quartier est bouclé par la police?– Oui. Quand j'ai demandé ce qu'ils cherchaient, un brigadier m'a répondu qu'ils étaient sur le point d'arrêter une jeune femme qui serait au service des Prussiens... Je n'en sais pas plus et ce n'est pas là mon souci. Voilà: le "Ville de Caen" doit partir dans une heure. Ce ballon sort de vos usines; l'aérostier pressenti pour le vol a été blessé tout à l'heure par un éclat d'obus. Je vous demande, par ordre de la direction générale de la Poste, de nous déléguer un de vos spécialistes pour cette mission de la plus haute importance. J'ai les caisses de dépêches dans la voiture. Un lord anglais, sir Hartinger, qui a payé une fortune pour fuir le bombardement, sera du voyage.– Depuis quand les gens de la Poste s'occupent-ils de faire fuir les étrangers?L'homme baissa la tête, visiblement gêné. Il avait probablement vendu à l'Anglais une place sur le "Ville de Caen" sans en aviser ses supérieurs.– Les temps sont difficiles pour tout le monde. Sir Hartinger a payé très cher...Auguste se mit à réfléchir: alors que la police s'apprêtait à capturer une jeune femme dans le quartier, les individus qui voulaient s'emparer d'Anna la faisaient passer pour une espionne, subterfuge permettant de mobiliser un important arsenal policier. Une idée germait dans son esprit.– Écoutez, nous n'avons pas le temps. Mes spécialistes savent construire des ballons, mais n'ont aucune expérience du vol. Je suis le seul à avoir effectué plusieurs voyages. Nous ne pouvons pas risquer de perdre les dépêches sur les lignes ennemies. Je vais donc assurer le vol. Vous passerez prévenir ma femme et lui ferez part de mon intention de lui écrire très vite par pigeon postal.– C'est que les pigeons ne reviennent plus aussi facilement que le mois dernier. Le froid les gêne pour retrouver leur chemin.– Aucune importance. J'ai toujours eu le sens du devoir.– Comme vous voulez, monsieur! L'important, c'est que les caisses de courrier parviennent à destination.– Elles arriveront. Cependant, comme je ne vais pas pouvoir revenir de sitôt, il me faudra emporter quelques effets personnels. Le "Ville de Caen" peut porter six cents livres. Combien pèsent les caisses de courrier?– À peine deux cents livres. Il n'y a pas de courrier privé, mais des renseignements très précieux pour les armées de la Loire.– Parfait, je peux donc sans risque emmener cent livres d'effets personnels.– Je n'ai aucun ordre pour vous en empêcher.– Faites entrer la voiture et bouclons le portail! Le courrier important ne doit pas pousser quelque malfrat qui nous aurait entendus à voler les caisses pour les revendre aux Prussiens. Je vais chercher mes effets. Pendant ce temps, allez vous faire servir quelque chose de chaud à la cuisine.Auguste parti en courant. Anna se tenait à l'étage avec la tante Julia. Les bébés dormaient. Rapidement, il expliqua la situation: la police perquisitionnerait d'un instant à l'autre; Anna serait arrêtée et accusée d'espionnage.– La Providence souhaite vous sauver, Anna. Vous allez devoir votre liberté à un concours de circonstances unique: le pilote du ballon blessé par un éclat d'obus et des dépêches militaires urgentes à acheminer.Vite, il exposa ce qu'il souhaitait faire. La tante Julia ouvrait de grands yeux étonnés. Auguste était fou, mais cette folie lui plaisait. Puis elle passa dans sa chambre, avant d'en revenir quelques instants plus tard:– Prends cet argent! Il vous sera utile.– Le seul inconvénient, remarqua Auguste, c'est que les petits se réveillent et se mettent à pleurer.La tante passa de nouveau dans sa chambre, fouilla dans son armoire, tendit enfin un petit flacon et un peu de coton à Anna.– Imbibez le coton de ce liquide et faites-leur respirer. Ne craignez rien, c'est un vieux remède polonais, inoffensif, qu'on utilisait autrefois pour les bébés qui faisaient leurs premières dents.Venez, le temps presse.La grosse malle de voyage était remisée dans une pièce qui servait de débarras. Auguste la dépoussiéra rapidement et dit à la jeune femme:– Vous allez loger là-dedans, avec les deux bébés. Rassurez-vous, vous n'y resterez pas longtemps. Dès que nous aurons décollé, je vous libérerai.– Mais je vais étouffer!– Non, il y a suffisamment d'ouvertures. Faites vite!Anna se recroquevilla, tout en ménageant un peu de place à François et Louis qu'elle serrait contre son cœur. Auguste ferma le couvercle et le verrouilla.On sonnait au portail. Après avoir donné l'ordre à une servante d'aller ouvrir, Julia partit chercher le postier qui, ayant bu un peu de vin chaud et mangé un morceau de pain, éprouvait les meilleurs dispositions à l'égard des propriétaires de la maison. Auguste lui demanda de tenir une des poignées de la malle. L'homme la trouva lourde, mais ne dit rien; le pilote connaissait après tout mieux que lui le potentiel de sa machine. Ils sortirent de la maison au moment où les gardes nationaux arrivaient.L'officier qui commandait le détachement les arrêta. Le postier montra son ordre de mission.– Le ballon doit partir dans moins d'une demi-heure! dit-il. Veuillez nous laisser passer. M. Leblanc est le pilote que nous venons de réquisitionner, après que le pilote pressenti s'est fait blesser par un éclat d'obus.Le brigadier, à la lueur de sa lanterne, examina avec attention l'ordre de mission, puis ordonna à ses hommes de s'écarter.La malle fut entreposée sur les autres caisses et la voiture postale s'ébranla vers la place Saint-Pierre toute proche. Le lieu était désert. La foule qui assistait aux premiers lancements fuyait le froid, d'autant qu'il n'y avait presque rien à voir puisque les départs se faisaient désormais toujours de nuit.Un homme emmitouflé dans un épais manteau, portant une casquette anglaise à longues oreillettes, s'entretenait avec les aides près de la nacelle que retenaient de grosses cordes. Des gardes nationaux qui protégeaient la machine cernaient la place. Le postier sortit de voiture, salua sir Hartinger et lui présenta Auguste Leblanc, fabricant de ballons et pilote émérite, à qui il reviendrait d'effectuer le vol.– Enchanté! dit l'Anglais dans un français excellent. J'ai le mal du pays, alors je pars! Fini de manger du chien, du kangourou ou du rat! Je redeviens un inconditionnel ami des animaux!Il ignorait encore, à cette heure, combien ce voyage serait déterminant dans sa vie. Il regardait distraitement les aides charger les caisses dans la nacelle et Auguste contrôler les instruments servant à mesurer l'altitude et la pression du gaz à l'intérieur du ballon.– Peur, moi? plastronna-t-il à l'adresse du postier qui avouait ne pas avoir le courage de monter dans ce grand panier suspendu dans les airs. Jamais! Un Anglais n'a jamais peur!Sitôt les caisses chargées, Auguste contrôla une dernière fois la direction du vent au drapeau planté au sommet d'un très haut mât. Il constata qu'il soufflait vers le sud-ouest.– C'est parfait! dit-il assez fort pour qu'Anna entende. Le vent est favorable, profitons-en. On y va.Il enfonça sa toque fourrée par-dessus ses oreilles et remonta le col de son épais manteau.– Vous devriez en faire autant! conseilla-t-il à sir Hartinger. Il va faire très froid là-haut.Sir Hartinger s'emmitoufla dans une épaisse couverture et prit place dans la nacelle. Auguste vérifia que la vanne du ballon était fermée:– Lâchez tout! cria-t-il.






Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 17 novembre 2011
Nombre de lectures 143
EAN13 9782221118146
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

AU MÊME aUTEUR
Chez le même éditeur
L’Angélus de minuit, 1989 Le Roi en son moulin, 1990 La Nuit des hulottes, 1991 Prix RTL-Grànd Public 1992 Prix du printemps du livre 1992 Grànd Prix littéràire de là Corne d’or limousine 1992 Le Porteur de destins, Seghers, 1992 Prix des Màisons de là Presse 1992 Les Chasseurs de papillons, 1993 Prix Chàrles-Exbràyàt 1993 Un cheval sous la lune, 1994 Ce soir, il fera jour, 1995 Prix Terre de Frànce,La Vie, 1995 L’Année des coquelicots, 1996 L’Heure du braconnier, 1997 La neige fond toujours au printemps, 1998 Les Frères du diable, 1999 Lydia de Malemort, 2000 Le Silence de la Mule, 2001 Le Voleur de bonbons, 2002 Lumière à Cornemule, 2002
Chez d’àutres éditeurs
Beauchabrol, Jeàn-Clàude Làttès, 1981 ; Souny, 1990 Barbe d’or, Jeàn-Clàude Làttès, 1983 ; Souny, 1992 Le Chat derrière la vitre(nouvelles), L’archipel, 1994 Dernières Nouvelles de la Terre, anne Càrrière, 2001 Une vie d’eau et de vent, anne Càrrière, 2003
Gilbert Bordes
Des enfants tombés du ciel
roman
« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »
© Éditions Robert Laffont, S.A., Paris, 2003
EAN 978-2-221-11814-6
Ce livre a été numérisé avec le soutien du Centre national du livre
Ce document numérique a été réalisé parNord Compo
Prologue
— Monsieur Chevillard, je vous remercie d’avoir répondu à mon appel ! Maurice d’Hérisson, proche collaborateur du général Trochu, s’était levé de son siège pour accueillir son visiteur, un homme de petite taille au visage recouvert d’une abondante barbe noire, au regard ardent. — Je suis très honoré que le gouvernement provisoire de la toute nouvelle république ait pensé à moi ! dit Pierre Chevillard. Grave, M. d’Hérisson lui désigna un siège et s’assit derrière son bureau. Le soleil éclairait la pièce d’une lumière déjà automnale. — Les soucis, monsieur Chevillard, les soucis accablent ce pauvre gouvernement mis en place depuis le 4 septembre, depuis la fuite de l’impératrice et le refus de l’empereur de revenir. Il nous laisse la France dans de beaux draps ! Savez-vous que depuis hier, 17 septembre 1870, les Prussiens convergent vers Paris qu’ils menacent d’encercler ! Est-ce possible à notre époque ? — On peut faire confiance à notre armée pour les en dissuader ! répliqua Chevillard, qui ne perdait pas un geste de son interlocuteur. Nos troupes sont prêtes et ne craignent pas l’envahisseur ! — Certes ! fit d’Hérisson. Mais le climat est malsain. Nous redoutons les espions capables de faire capoter les actions de notre armée ! Pierre Chevillard prit un air étonné. Il se demandait où M. d’Hérisson voulait en venir. Pourquoi l’avait-il convoqué à la mairie de Paris, siège du gouvernement provisoire, lui, simple ingénieur au service de l’armée ? — Les Parisiens sont courageux ! observa-t-il. Ils ont montré dans leur histoire qu’ils pouvaient se mobiliser contre l’ennemi. — Certes, mais la situation est inédite. L’empire a brisé le patriotisme et les Français ne pensent plus qu’à leur petite tranquillité. Les troupes prussiennes trouvent dans nos campagnes des gens prêts à les accueillir, pourvu qu’elles ne causent aucun dégât. Nous redoutons qu’après l’encerclement de Paris qui se prépare et que nous allons combattre, des Parisiens, plus attachés à leur confort qu’à la gloire de leur pays, ne jouent le jeu de l’ennemi. En parlant ainsi, M. d’Hérisson exprimait les craintes de Trochu. Le gouvernement provisoire n’était pas populaire. La menace prussienne repoussait l’organisation des élections et personne ne savait comment réagirait le peuple. Il fallait donc le tenir d’une main ferme. — Nous avons pensé à vous, poursuivit Maurice d’Hérisson, parce que vous êtes un excellent ingénieur. Nul n’a oublié ici les améliorations que vous avez apportées dans l’usinage des armes et la nouvelle culasse du chassepot, qui vous doit beaucoup. Aussi avons-nous besoin de votre perspicacité. Votre connaissance de la physique et des nouveaux procédés de communication peut aider la nation. Le général Trochu souhaite vous confier la mission d’appréhender les espions, les traîtres, tous ceux qui, de Paris, tenteront de communiquer des informations à l’ennemi, et nos renseignements nous indiquent qu’ils sont nombreux. — Je suis au service de mon pays, et si je puis être de quelque utilité dans sa défense, j’en serai le premier honoré. Pierre Chevillard, le cœur léger, sortit du bureau de M. d’Hérisson. L’occasion était inespérée. Traversant une place où des enfants se battaient, il serra les poings. — Moringuet, la chance a tourné ! dit-il sans quitter des yeux un garçon qui martelait de coups son camarade au sol. Moringuet, ce sera toi le premier espion ! Enfin, je vais avoir ta peau ! Puis il s’éloigna en sifflotant. La haine brillait dans ses yeux.
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