Amerika Terra incognita
de Diego RisquezF
FICHE FILM
fiche technique
Vénézuéla 1988 1h38
Réalisateur :
Diego Risquez
Musique :
Alejandro Blanco
Uribe
Décors :
Oscar Armitano
Costumes :
Maria A. Vera
Résumé Critique
Interprètes :
Un conquistador s’en revient du Amérika Terra incognita constitue leMaria Luisa
Nouveau Monde à bord d’une cara- dernier volet d’une trilogie entrepriseMosquera (la prin-
velle espagnole emplie de trésors exo- depuis une dizaine d’années par
cesse européenne)
tiques: plantes et fruits tropicaux, ani- Diego Risquez, sur l’histoire de
maux sauvages, pépites, émeraudes l’Amérique latine. Bolivar, SinfoniaAlberto Martin (le
et perles rares, étoffes précieuses, Tropikal retraçait la lutte pour l’acces-cacique caraïbe)
richesses incas et aztèques, et surtout sion du Vénézuéla (pays d’origine du
un magnifique specimen d’indigène cinéaste) à l’indépendance en 1800.Hugo Marquez (l'as-
caraïbe. Orinoko, Nuevo Mundo (le second
trologue) volet) remontait le cours du temps,
A peine débarquées sur le continent sous un angle plus diachronique, en
européen, toutes ces splendeurs sont relatant l’histoire de la colonisation
acheminées vers une petite cour roya- dans son ensemble, à travers le mythe
le. Brutalement livré à la curiosité de d’un fleuve, I’Orénoque. Avec Amerika
tous, et à la convoitise amoureuse de Terra Incognita, aboutissement de ce
la belle Infante, le cacique indien long voyage à travers les âges,
découvre à son corps défendant le Risquez décide de raconter la décou-
monde «civilisé»... verte par un indigène, à son corps
défendant, du “monde civilisé”. Il en
profite au passage pour revisiter le
fameux mythe dix-huitiémiste, celui du
L E F R A N C ED O C U M E N T S
“bon sauvage”. Mythe dont il élimi- me de l’événement, démystifiée, à cette histoire, en bouclant dans le
ne (non sans humour parfois) la microcosmique, Risquez donne le même temps la trilogie. De cette
dimension hagiographique pour se sentiment de réaliser là un docu- union, naît le premier prince bâtard
consacrer exclusivement au rapport ment unique, pris sur le vif, d’un d'une cour européenne. Les deux
de fascination réciproque qu’il sup- morceau d’histoire. Mondes se sont définitivement trou-
pose, entre deux cultures diffé- On se dit que l’authenticité est vés. Le voyage est terminé.
rentes, deux manières de voir et proche (c’est souvent comme cela Dommage.
d’appréhender le monde. Amerika qu’on parvient à reconstituer l’histoi- Les Cahiers du Cinéma n° 450.
Terra Incognita n’est donc pas une re), dans ces rudiments cinémato-
oeuvre humanitaire, progressiste, graphiques un peu précaires, grâce
pétrie de bonnes intentions, mais auxquels on découvre la fatigue de
plutôt un long rêve éveillé, baroque conquistadors qui ressemblent plus
et flambloyant, animé d’une faculté à des pirates qu’à des ambassa- Le réalisateur
d’étonnement exemplaire. deurs dignes, dans le travail des
Les afficionados de Risquez ne marins qui lavent les voiles usées
Né à Juan Griego, lle Margarita, enseront pas déçus par ce dernier film dans l’eau de la mer. Une fois débar-
1949, Diego Risquez interprète depuisqu’ils y retrouveront certains qués en Europe, les personnages
nombreux rôles à l’écran et surtraits caractéristiques de ses pré- présentent leurs trophées à la Cour .
scène, avant de rejoindre le Théâtrecédents partis pris du film non par- Risquez peut alors commencer à
d’Emilio Galli à Paris en 1974.lant et “sonorisé” après coup; une saisir la confrontation de deux
Parallèlement à sa carrière d’acteur,bande-son bizarre, composée à par- mondes : l'homme primitif et le civili-
il devient photographe pour latir d’une musique lancinante et de sé. Rencontre insolite, fondée sur
Galerie Atica.bruitages mats, sourds, comme fil- l'étonnement mutuel.S'étonner ici,
De retour à Caracas en 1975, il tra-trés, rarement synchrones avec c'est considérer le monde comme
vaille la peinture et la sculpture etl’image. Ce flot de bruits rudimen- n'allant plus de soi. La Cour
commence à réaliser des courtstaires mais savamment élaborés découvre la beauté de la race brute
métrages en super 8. Son premier(Besson devrait s’en inspirer !), et fière de l'indigène, alors que
long métrage, Bolivar, Sinfoniaidentiques à des échos sous-marins celui-ci, mi-émerveillé mi-intrigué,
Tropikal est présenté à la Quinzaine(l’eau est un élément récurrent du prend connaissance de la culture
des Réalisateurs du Festival defilm et ce n’est pas un hasard savante européenne.
Cannes en 1981 (en super 8), puis enpuisque c’est bien la mer, en pre- Outre la beauté plastique du film, à
1982 (version gonflée en 35 mm).mier lieu, qui s’interpose entre la fois naïve, rococo (jusque dans
Son second film, Orinoko, Nuevol’Ancien et le Nouveau Monde), est les attributs vestimentaires, réduits
Mundo est également présenté à laun peu à l’image du film, conçu à leur plus simple expression, du
Quinzaine, ainsi qu’au Festival ducomme un lent voyage hypnotique cacique), surréaliste (des superposi-
Film Ibérique et Latino Américain de(film “trip”), ivre et hallucinatoire. tions de peinture intégrées dans le
Biarritz en 1984.Amerika Terra Incognita débute par décor naturel), l'intérêt du film repo-
un retour, celui des conquistadors, se aussi sur l'apprentissage de
qui rassemblent sur une plage (face reterritorialisation de l'indigène, qui
à la forêt, luxuriante) avant de les recompose, peu à peu les gestes
arrimer, les merveilleux trésors du rituels de son histoire, sur un îlot, au
Nouveau Monde: plantes tropicales, fond du parc .
animaux sauvages, étoffes, perles Risquez réalise alors une étrange
rares et... un splendide specimen synthèse surrélle, de couleurs et de
d’indigène caraïbe. mouvements, où le passé revient en
Filmée sur le mode apparent de force (appuyé par un cadrage ren-
l’amateurisme (tremblement de versé, de plus en plus halluciné).
l’image, caméra sur l’épaule), cette L'union finale de l'indigène et de l'in-
séquence d’ouverture dégage une fante (merveilleuse Maria Louisa
force réaliste stupéfiante.En choi- Mosquera) vient mettre un point
sissant une approche presque inti- final, à la fois heureux et fantaisiste,
L E F R A N C E
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