Sport, filles et cités
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Malgré des progrès indéniables et des grands principes sans cesse réaffirmés, la question de l'égalité hommesfemmes continue de traverser l'ensemble des sphères de la vie sociale, y compris celle des activités physiques et sportives. Dans les quartiers urbains "sensibles", on constate même, en ce début de XXIe siècle, que des difficultés et des freins de tous ordres viennent encore et toujours entraver la capacité des jeunes filles et des femmes à pratiquer une activité physique ou sportive de leur choix.

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Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Lettredinformation
numéro spécial
Sport, filles et cités
Edito
Malgré des progrès indéniables et des grands principes sans cesse réaffir-més, la question de l’égalité hommes-femmes continue de traverser l’ensemble des sphères de la vie sociale, y compris celle des activités physiques et sportives.
Dans les quartiers urbains “sensibles”, e on constate même, en ce début de XXI siècle, que des difficultés et des freins de tous ordres viennent encore et toujours entraver la capacité des jeunes filles et des femmes à pratiquer une activité physique ou sportive de leur choix.
C’est pourquoi le PRN a pris l’initiative de rassembler au sein d’un groupe ressources intitulé “Sport, filles et cités” des person-nes d’horizons très divers, afin de produire et diffuser de l’information, du savoir, des connaissances et de la réflexion sur le thème de la pratique sportive féminine dans les quartiers.
Ainsi ce numéro spécial de la lettre du pôle, donne successivement la parole à Carine Guérandel(doctorante): “Sport, filles et cités : pratique sportive des filles et effets de contexte”, et à Julie Deville (post-doctorante) : “les conditions de
l’accès des filles au territoire en quar-tier populaire”, tandis qu’Anne Tatu-Colasseau(doctorante)approfondit le “rôle du sport dans la construction de l’iden-tité de jeune femme en milieu populaire”.
Outre ces interventions d’expertes, vous trouverez également dans ce numéro, des expériences et des “bonnes prati-ques” de terrain : celle du Sporting-club Hérouville athlétisme et ses leviers d’action pour établir une véritable “mixité plurielle” dans la pratique sportive et la vie du club ; celle de l’association spor-rès de Montfermeil, ise à agir sur les mentalités grâce au sport scolaire ; celle enfin de l’ASUL Vaulx-en-Velin qui, à partir de l’activité hand-ball, met en place et développe en partenariat un véri-table espace édu-catif concerté au service de l’inser-tion des filles.
S’inscrivant résolument dans le pro-gramme du MSJSVA dans le cadre du Plan Espoir Banlieues mis en oeuvre par le Gouvernement, l’équipe du PRN SFPF souhaite placer la thématique “Sport, filles et cités” au coeur de son action, alors n’hésitez pas à nous faire part de vos remarques, suggestions, contributions et expériences innovantes…
Bonne lecture et à bientôt
Youri FILLOZ, responsable du PRN SFPF
Sommaire Edito Youri Filloz
p 1
Projets SCHAp 2 Mixité plurielle Collège de Montfermeilp 3 ”le ballon au service de l’égalité filles/garçons” ASULp 4 “le handball, pivot pour l’insertion des jeunes filles des cités”
Experts Carine Guérandelp 6 Sport, filles et cités : pratique sportive des filles et effets de contexte Julie Devillep 7 Les conditions de l’accès des filles au territoire en quartier populaire Anne Tatup 8 L’ambivalence du rôle du sport dans la construction de l’identité de jeune femme en milieu populaire : entre soumission et émancipation
Bibliographie
p 11
Pôle ressources national “Sport, famille et pratiques féminines”
Youri Filloz Emily Bardelli Stéphanie Mahuet Anne-Laure Daubignard
C.R.E.P.S. P.A.C.A. Pont de l'Arc - CS 70445 13098 Aix-en-Provence cedex 2
Tél : 04 42 29 68 99 Fax : 04 42 93 80 17
prn.sfpf@jeunesse-sports.gouv.fr
PRN “Sport, famille et pratiques féminines” - numéro spécial “Sport, filles et cités”° - septembre 2008
Projet
-
Contact : Sporting Club Hérouville Athlétisme 2 rue Guyon de Guercheville 14200 Hérouville Saint Clair 06 60 70 98 11
http://www.schathle.com schathle@noos.fr
La parole aux adhérentes
-Lise (entraîneure) :“la pratique athlétique m’a permis de m’exprimer, de prendre confiance en moi, de m’affirmer et me prouver que je pouvais réussir”.
-Elodie (athlète) :“être une femme dans un quartier sensible est souvent connoté négativement, mais pourtant au contraire, cela peut être une source de richesse personnelle, car on peut prouver à ceux qui jugent trop facilement, que l’on peut toujours s’en sortir avec de la volonté”.
-Valérie (dirigeante): “je ne quitterai jamais le club, qui est pour moi une seconde famille”.
-Florence (bénévole): “le club m’a permis de trouver de vrais amis qui ont toujours répondu présents lorsque j’ai vécu des moments difficiles”.
PRN “Sport, famille et pratiques féminines” - numéro spécial “Sport, filles et cités” - p 2
Projet Collège Jean Jaurès - “Le ballon au service de l’égalité filles/garçons
La cité des Bosquets, quartier sensible de Montfermeil classé en ZUS (zone urbaine sensible), constitue depuis des années un environnement défavorable, et un lieu dans lequel les difficultés sociales s’accentuent. Les jeunes de ce quartiers suivent les cours au collège Jean Jaurès qui se trouve aux abords de la cité.
En 1998, les enseignants du collège se trouvaient conf différents problèmes avec les élèves : échec scolaire, abse conflits, problèmes de non respect des autres, violence.
La question des relations filles et garçons est toujours au c préoccupations des acteurs sociaux dans un territoire où des jeunes adolescentes est complexe et parfois difficile à trouver.
Une section sportive de football a été alors créée et a pro-posé les mardis, mercredis et jeudis, l’activité football aux jeu-nes à problèmes, mais aussi aux filles dans les mêmes conditions que les garçons avec la volonté de renforcer ainsi l’égalité filles/garçons. Les collégiennes passionnées par le football ont intégré parallèlement le club de la cité qui a pu ainsi créer une équipe féminine en partenariat avec le collège.
Le constat a été fait que les jeunes avaient un comportement diffé-rent sur le terrain et en dehors. L’envie de jouer au football, la possibilité d’être enfin en situation de réussite dans le cadre du collège, d’y prendre plaisir, de s’y épa-nouir et d’en respecter les règles imposées dès le départ par les adultes référents de la section, ont remotivé les élèves ; l’enjeu étant dans un premier temps de travailler sur le comportement et ensuite d’aider ces élèves au niveau des résultats scolaires.
Contact :
Collège Jean Jaurès 43, Avenue Jean Jaurès - 93370 Montfermeil 01 43 88 20 41
Laurence Ribeaucourt, assistante sociale : laurencerib@orange.fr
Emmanuel Da Rocha, professeur d’EPS : emmanuel.da.rocha@free.fr
Les objectifs sont d’utiliser le football comme un levier des difficultés scolaires, d’agir sur le respect des garçons envers les filles, de développer l’esprit d’équipe et la formation citoyenne au collège et de Tout cette action se concrétise par un “permis à points” pour pou-voir être maintenu dans la section sportive ; en fonction de leur
Au début de l’année chaque élève signe la charte de la section sportive acceptant d’avoir ainsi un comportement irréprochable au collège mais aussi sur les terrains de football. Les professeurs référents vérifient les fiches de suivi de comportement et aident les élèves à faire leurs devoirs. L’assistante sociale scolaire est partie prenante de l’équipe et fait le lien avec les familles.
La section sportive concerne une centaine d’élèves du collège dont trente filles. Le principe essentiel de la démarche du collège est d’intégrer la section des filles au projet global mis en oeuvre pour les garçons. Filles et garçons partagent la même passion ; ils bénéficient donc aussi des mêmes suivis, sanctions et activités, ils partagent les mêmes efforts et plaisirs, car filles et garçons ont besoin d’agir ensemble pour mieux vivre ensemble.
Ce projet a été primé en 2005 par l’Agence Nationale de l’Education par le Sport.
Constats :
Les femmes sont de plus en plus nombreuses à pratiquer des activités physiques et sportives : de 9% en 1968, on constate une progression à 48% aujourd’hui. Cependant, même si elle augmente, la pratique féminine licenciée, reste nettement en retrait par rapport à celle des hommes puisque 2/3 des licencié(e)s sont des hommes.
Dans les quartiers urbains sensibles, cette évolution ap-paraît moins favorable qu’au plan national comme le sou-lignele rapport “femmes et sports” publié en 2004. En ef-fet, l’écart de pratique entre les filles et les garçons était particulièrement sensible dans les zones d’éducation prioritaires (ZEP) sur la tranche d’âge 15-19 ans avec seulement 32% de pratiquantes d’une activité sportive contre 51% hors ZEP.
PRN “Sport, famille et pratiques féminines” - numéro spécial “Sport, filles et cités” - p 3
Vaulx-en-Velin, accueille une population de 40 000 habitants aux confessions religieuses et aux origines ethniques multiples. La richesse du tissu associatif paraît être à la base d’une ambiance de proximité. C'est dans ce cadre que les clubs de l’ASULVV (association sportive universitaire Lyon Vaulx en Velin) et et la MJC (maison de la jeunesse et de la culture) Handball ont mis en place un projet se servant du handball comme “pivot pour l’insertion sociale des enfants et des jeunes”.
- favoriser la pratique dès le primaire, période la plus propice à un investissement volontaire, - utiliser tous les temps de l’école pour un impact au niveau des quartiers, - considérer que l’adhésion au club est un accès à une forme de citoyenneté.
Exemple du parcours de GNONSIANE NIOMBLA - CHAMPIONNE D’EUROPE
Nécessité de mettre en place une action cohérente ENTRE LES PARTENAIRES débouchant sur une meilleure accessibilité à la pratique en club considérée comme un outil de socialisation et de valorisation individuelle à travers un processus collectif
Refusant l'élitisme, l’ASUL Vaulx-en-Velin amène des jeunes filles issues des quartiers défavorisés à pratiquer le handball. Tous ses partenaires respectent la laïcité et les convic-tions des unes et des autres pour déjouer les contraintes liées à la culture du quartier.
Les principales actions du club ont consisté à:
Cette année les étudiantes de niveau universitaire de l’Equipe de division 2 de l'ASULVV organisent un accompagnement aux devoirs pour les jeunes filles du club en difficulté. Ces dernières sont très motivées car cette aide est effectuée par des joueuses que, par ailleurs, elles admirent sur le plan sportif.
Formée au club ASULVV: Ecole Primaire Gagarine à Vaulx en Velin Collège Valdo, classe handball Pôle espoir de Lyon, Equipe de France jeune D2 féminine
PRN “Sport, famille et pratiques féminines” - numéro spécial “Sport, filles et cités” - p 4
Une action cohérente entre les partenaires dans les temps de la vie scolaire, périscolaire et extrascolaire débouche sur une meilleure accessibilité à la pratique en club. Celle-ci doit être considérée comme un outil de socialisation et de valorisation individuelle insérée dans un processus collectif.
Une autre avancée pourrait voir le jour avec le soutien à la recherche d’emplois après la scolarité.
A tous les temps de vie de l’enfant et de l’adolescent : scolaire, périscolaire, extrascolaire
- “
Projet
Contact : ASUL 17 rue cuzin 69120 Vaux en Velin eveligue@aol.com http://www.asulvv.fr
Retrouver la présentation complète de l'action de l'ASUL sur www.sfpf.fr/fichiers_fond/ asul_hand_pivot_insertion.pdf
Plusieurs constats
- le sport de compétition fédéral n’est peut-être pas l’outil idéal pour intéresser les adoles-cents et les filles (en particulier dans un contexte de banlieue).Cependant chercher à en faire un instrument à la portée du plus grand nombre est possible. - une pratique sportive en club est pour certains une des seules activités accessibles en cas d’absence de suivi familial, de l’autonomie personnelle et des finances. - hormis pour le foot, les jeunes vaudais et vaudaises ont beaucoup de mal à franchir naturellement la porte d’un club. - beaucoup de parents vaudais, surtout les chefs de familles nombreuses, perçoivent l’engagement de leurs enfants dans un club comme susceptible de venir se rajouter à l’ensemble des problèmes qu’ils ont journellement du mal à gérer pour eux.
La Stratégie :
- parier sur une pratique de compétition comme outil d’interven-tion sociale - miser sur le plaisir de la pratique : tous les enfants peuvent dé-couvrir leur capacité à maîtriser une pratique et aimer respecter une discipline collective. - multiplier les possibilités de pratique à caractère plus ou moins réguliere, et ce à tous les stades du cursus scolaire - favoriser la con-frontation aux diffi-cultés de l’encadre-ment et la prise de responsabilité par les parrainages, l’encadrement des plus jeunes et l’arbi-trage - participer aux liens entre quartiers, éta-blissements scolai-res et clubs - s'engager dans l’aide à la scolarité.
5 samedis entre chaque vacances X 50 enfants par samed
Tiers de temps pédagogique
Tournoi
17 études X 12 enfants
Tournoi
DEUX CLUBS :
Vacataires Usep + intervenants municipaux
Encadrement : 1 des intervenants municipaux + vacataires
Valdo : Vilar: Barbusse : Duclos : Noirettes :
Tournois
25 enfants par classe
Classes à horaires aménagées dans les collèges :
80 enfants par demi journée
Dans l’em loi du temps icipaux + le professeur
6è – 5è – 4è – 3è 6è – 5è – 4è 6è – 5è 6è – 5è
des 3 i
Du lundi au vendredi, de 16h30 à 17h30
Périscolaire
1200 enfants
USEP
Vacataires municipaux
Le mercredi, de 13h30 à 16h30
Atelier handball
Périscolaire tous sports
10h-11h30 : 40 enfants
75 enfants 60 enfants 50 enfants 50 enfants 15 enfants
Chaque samedi , 5 écoles volontaires s’organisent en équipe autonome : les enfants des classes des collèges sont les parrains de ces écoles
Vacataires + intervenants municipaux
Du lundi au vendredi de 14h00 à 17h00
Existence de 5 conventions Ville-Collège-Club
EE DOISNEAU :
0 enfants par jour
Encadrement : intervenants municipaux + vacataires
PRN “Sport, famille et pratiques féminines” - numéro spécial “Sport, filles et cités” - p 5
Tournoi sur herbe en juin. Finalités du travail à l’Ecole
Soutien des intervenants municipaux aux profes-seurs EPS.
Dans l’emploi du temps de 3 intervenants municip
Animations durant les pe
UNSS
ercredi de 14h00 à 17h00
sse à option sportive handball
Tournoi final Le premier jour au début de chaque vacances scolaires
Intervenants municipaux + Usep + club
Etudes aménagées
Schéma de l’intervention handball sur la commune de Vaulx en Velin -saison 2007/2008
MJC VAULX EN VELIN :
Ecoles primaires
es vacances
Séance : 1 heure- 4 x 4 clas-ses hebdo
Intervention d’un moniteur municipal spécialisé enca-drant avec l’instituteur des cycles de 10 séances du CM1 au CE2
163 licenciées D2 féminine Réserve en N2 Moins de 18 en championnat de France moins de 16 – moins de 14 – moins de 12 école de HB
147 licenciés N3 masculine Réserve en promo honneur Moins de 18 en championnat régional moins de 16 , moins de 14 , moins de 12 , école de HB
ASULYONVAULX EN VELIN :
Expert - Carine Guérandel Doctorante Université Paul-Sabatier ; ’ "
"
1 L’enquête porte essentiellement sur les cours d’EPS du collège du quartier, l’association sportive de l’établissement scolaire, toutes les associations sportives et les clubs proposant du sport aux adolescents dans la cité enquêtée, un dispositif sportif municipal, un institut thérapeutique pour des jeunes présentant “des troubles du comportement” et le centre socioculturel du quartier, ce sous différents statuts : éducatrice sportive, professeur d’EPS stagiaire ou simple observatrice étudiante à “la fac de sport”. 2 30% des lieux de pratiques accueillent exclusivement des garçons (sur deux activités, le football et le futsal), 25% sont destinés à une population strictement féminine (sur une activité, le hip-hop) et 50% prônent la mixité (le club de tennis, de taekwondo, de karaté, l’association sportive du collège avec la natation et le baseball et un dispositif municipal multisports). Néanmoins, aucune fille du quar-tier ne s’inscrit au club de karaté et seulement une à celui de taekwondo. Les pratiquantes de ces deux structures ne vivent pas dans les cités HLM. 3 On compte sur l’ensemble des pratiquants recensés sur le quartier 72% de garçons et 28% de filles. 43% d’entre elles s’investissent dans une association réservée aux filles, 35% pratiquent avec les garçons et 13% participent aux stages sportifs municipaux mixtes durant les vacances scolaires.
PRN “Sport, famille et pratiques féminines” - numéro spécial “Sport, filles et cités” - p 6
photo : LFB
Expert - Julie Deville Post Doctorante - Institut Parisi Architecture Urbanistique Société
Les conditions de l’accès des filles au territoire en quartier populaire
Parmi les expériences qui mènent de l’enfance à l’âge adulte figure l’accès auto-nome au territoire. Mais il se fait suivant différentes modalités, locales ou élargies, affirmées ou en retrait. A travers cet investissement du territoire se joue la question de la légitimité de la présence de ces jeunes dans l’espace de leur quartier et dans les espaces extérieurs.
Sur la base d’éléments collectés lors d’une enquête menée dans une ville de la banlieue parisienne, nous allons mettre en évidence certaines spécificités de ce rapport au terri-toire chez les filles.
Le stéréotype de jeunes se livrant à une occupation envahissante des espaces publics du quartier où ils résident et de certains centres d’attraction juvéniles (à Paris, par exemple, les Halles, les Champs-Elysées) est réducteur, notam-ment parce qu’il fait des pratiques d’une partie de ces jeunes celle de l’ensemble d’entre eux. Il exclut en particulier les filles, qui circu-lent dans l’espace urbain sans prendre part aux rassemblements des garçons.
Si les interdits familiaux, couplés à la réticence ou l’agressivité de garçons occu-pant la rue à leur présence, sont l’une des raisons de la relative absence des filles dans l’espace public, la part de l’autocon-trôle apparait très importante.
Certains usages de l’espace sont légitimes (les usages discrets, motivés par un but), d’autres sont fréquemment considérés 1 comme déviants (usages visibles, audibles, voire dérangeants, sans but apparent).
Or le rap genré : si tuelleme , garçons, comme un moyen d’affirmation de soi, et ainsi partiellement légitimé, au moins par le groupe de pairs, le caractère déviant des conduites tendant à être redoublé pour les filles, qui risquent d’y gagner plus de discrédit que de respect, et d’y voir leur statut de filles remise en ques-tion, sans pour autant pouvoir accéder au statut des garçons.
De plus, leur présence même dans un espace occupé par les garçons apparai-trait “déplacée”, et en elle-même déviante, attirant le soupçon sur leur “moralité”.
Enfin, elles ont intériorisé le stéréotype selon lequel une fille dans la rue est toujours une victime potentielle, et témoignent au-tant d’un désintérêt pour ces groupes de garçons qui occupent l’espace que d’une crainte à leur égard.
Etre rassemblés dans un but légitime, comme la pratique sportive, plus encore quand le lieu est prévu à cet effet, est sus-ceptible de rendre la présence des jeunes dans l’espace public acceptable. Or les terrains de sport existant dans le quartier concerné par notre enquête sont exclusi-vement utilisés par les garçons.
Ces terrains, prévus pour la pratique du basket et du mini-foot, ne sont en fait utili-sés que pour le second de ces sports, fortement connoté masculin. Les garçons tendent de toute façon à nier l’existence d’un intérêt des filles pour le sport, et encore plus d’une pratique féminine. L’accès aux espaces sportifs, que ce soit dans un cadre institutionnel ou libre, n’est 2 jamais gagné pour elles .
Les terrains de sport développés par les municipalités dans le cadre de leur politi-
de celle-ci, les garçons.
C’est ainsi un motif pour se rassembler et stationner dans le quartier, et un lieu de sociabilité, qui se trouve fermé aux filles. L’accès aux espaces situés hors du quartier se fait suivant deux principales directions : les usages de loisir et le parcours scolaire et professionnel.
Dans ces circonstances, si une partie des garçons affichent leur présence et leur appartenance sociale à l’univers des quar-tiers populaires, les filles se montrent en général plus discrètes. Leur accès à d’autres espaces que celui du quartier, le passage d’un monde d’inter-connaissance et de visibilité à un univers d’évitement et de distance, pourrait en être facilité.
Néanmoins ces espaces inexplorés n’exci-tent pas la curiosité de toutes, et toutes ne s’y sentent pas les bienvenues.
L’investissement de l’espace, nécessaire à la construction de soi, reste un point où l’égalité théorique recouvre une inégalité pratique entre filles et garçons. Le problème mériterait d’être davantage pris en compte lorsque les communes mènent des projets liés au territoire et à la jeunesse, notamment dans la construction et la gestion des espaces sportifs.
1 Howard BECKER, Outsiders, 1963, 1985, Métailié, Paris, pp. 27-40.
2 Communication de Nicole ABAR, Assises de l’Institut Emilie du Châtelet, 29 juin 2008.
Expert - Anne Tatu-Doctorante Université
1 A voir Tatu-Colasseau A., “L'accès des femmes de mili laires. Enquête sur le temps libre des milieux populaires en F 2 L’exemple de la féminisation du monde du travail dans les a quement féminins (santé, éducation, service à la personne monde politique malgré la loi sur la parité du 6 Juin 2000, ou La précarité professionnelle est également plus répandue Bulletin de l'INED n°426, Septembre 2006, 4 p.) 3 Les résultats quantitatifs de toutes les catégories d'âge s Marchiset G. (Dir.), Sports et loisirs dans les quartiers populai 4 17,1% des jeunes femmes pratiquent avec leurs frères cont 5 Dans l’ordre un grand frère, une petite sour, un petit frère.
PRN “Sport, famille et pratiques féminines” - numéro spécial “Sport, filles et cités” - p 8
ypi-e le ….). t le
ille-
Tableau 1 : Les loisirs des 18-25 ans selon le sexe
SEXE L oisir s quotid iens Télévision ou DVD Ec oute de radio ou de musique Discuss ions, sorties et invitations entre ami(e)s Promenade et shopping Pratiq ues sportives Internet Lectu re Jeux vidéo ctivités man uelles : bric olage-jardinage-couture Jeux de hasard ou de soc iété Pratiq ues artistiques (mu sique, pein ture, thé atre, chant) Sp ec tacle, cin éma ou musée sans loisir autres Dans e TOTAL
La dépendance est très significative. chi2 = 83,08, ddl = 13, 1-p = >99,99%. Ce tableau est construit sur la strate de population 'Strate n° 5' contenant 135 observations et définie par le filtrage suivant : Age = "18-25 ans". Les chiffres se lisent : 41,5% des hommes de 18-25 ans interrogés déclarent un loisir quotidien avec un groupe du quartier.
Masculin
61,5 % ( 40) 46,2 % ( 30) 47,7 % ( 31) 29,2 % ( 19) 43,1 % ( 28) 30,8 % ( 20) 24,6 % ( 16) 29,2 % ( 19) 13,8 % ( 9) 9,2% ( 6) 10,8 % ( 7) 7,7% ( 5) 4,6% ( 3) 3,1% ( 2) 3,1% ( 2) 100 % (237)
Tableau 2 : Les soc
Sociabilité loisirs quotidiens avec des amis avec des amies seul e avec mon compagnon ou ma co avec un ou du tier avec mon ou mes frère s avec des voisins avec ma ou mes soeur(s) avec la famille hors fo er avec des voisines avec ma mère avec mon père avec mes enfants autres TOTAL
Tableau 3 : Lieux de loisir quotidien chez le
L ieux loisirs quotid iens SE XE Masc ulin F éminin T OT AL
dans le quartier
89,2% ( 58) 48,6% 34 68,1% ( 92)
La dépendance est très significative. chi2 = 17,46, ddl = 4, 1-p = 99,84%. Ce tableau est construit sur la strate de population 'Strate n° 5' contenant 135 observations et définie par le filtrage suivant : Age = "18-25 ans". Les chiffres se lisent : 27,1% des femmes de 18-25 ans interrogées n'ont aucune pratique sportive.
chez vous
30,8 % ( 20) 70,0 % 49 51,1 % ( 69)
hors du
36,9 18,6 27,4
Tableau 4 :
L ieux loisirs sportifs SE XE Masc ulin F éminin T OT AL
dans qua
63,1 28,6 45,2
Tableau 5 : Pratique sportive dans les 3 der
Sports masculins Sports mixtes Sports féminins Autres Total (des citations)
29,7% 86,5% 21,6% 8,1% (54)
Remarque: l'ensemble des ré-sultats sont exprimés par rapport au nombre de citations rapportées au nopmbre d'observation, d'où des totaux supérieurs à 100% (le recueil des don-nées permettait plusieurs modalités de réponses pour chaque libellé).
4, t
ant r le 5 % ent ile.
) )
Le classement des sports par catégorie est déterminé selon le taux de pratiquants féminins et masculins total en France : un sport est considéré comme masculin lorsque plus de 2/3 de ses pratiquants sont des hommes, féminin lorsque plus de 2/3 sont des femmes et mixte lorsque au moins 1/3 des pratiquants sont des hommes et 1/3 des femmes. Ce classement reprend celui de l’enquête de l’INSEP, MJS de Juillet 2000 sur les pratiquants de 15 à 75 ans. Les % sont exprimés sur 37 observations de femmes de 18-25 ans déclarant une activité sportive dans les 3 derniers jours. Les chiffres se lisent : 29,7% des femmes sportives de 18-25 ans pratiquent au minimum un sport, lequel est masculin.
PRN “Sport, famille et pratiques féminines” - numéro spécial “Sport, filles et cités” - p 9
En conséquence, un sexe est détenteur de l’honorabilité de l’autre sexe, confirmant une domination masculine largement intériorisée et acceptée par les jeunes femmes(Bourdieu, 1998), parfois même renforcée par des processus culturels, comme l’affirme Nacira, 29 ans, habitante de Clairs-Soleils et française d'origine algérienne :“Après la mixité, c’est un truc mon père nous interdisait de jouer avec les petits garçons, si ça se faisait fallait surtout pas que ça se fasse devant lui ! […] J’ai l’impression qu’elle se fait (la séparation), je peux pas dire naturellement mais on se dit voilà quand on commence à rentrer au collège la scission commence à se faire, en primaire ça va encore mais après, la pré-ado ouais voilà faut pas trop se mélanger… […] j’ai toujours trouvé ça normal !”.
Cette séparation des sexes conduit logi-quement à un accès inégalitaire aux espaces de loisir(Tableau 3). Les jeunes femmes sont cantonnées au domicile (70% décla-rent d’abord un loisir quotidien chez elles) pendant que les jeunes hommes tiennent les murs (89,2% déclarent un loisir dans le quartier) et s’approprient massivement l’espace public.
Par leur présence permanente et collec-tive, les hommes sont responsables de l’éviction des femmes des rues du quartier et même des lieux encadrés de loisir, comme en témoigne Maria, 21 ans, des Mesnils Pasteur : “Question : Et en dehors de ça. Il y a des choses qui ont facilité (l'accès à la maison de quartier) […] ? Réponse : […] Etant donné que les garçons sont partis, ils ne viennent plus au centre, ça me donne euh… j’ai la place pour faire ce que j’ai besoin […].”.
Ces rapports conflictuels prennent une forme encore plus marquée à l’occasion de la fréquentation des espaces de loisirs sportifs(Tableau 4). Les stades, gymnases
et autres terrains de proximité se constituent alors en véritables antres de la masculinité.
Dans le même temps, ce constat révèle les limites d’une offre sportive et culturelle, prioritairement orientée vers un public jeune et masculin et destinée à apaiser les esprits les plus enclins à la rébellion : “Beaucoup d’actions sont menées vers les quartiers difficiles mais aucune attention n’étant apportée à la mixité, les hommes s’attribuent l’intégralité des dispositifs” (Deydier, 2004, Gasparini, 2005).
A cet âge, la faible variété des loisirs fémi-nins, leur difficile accès aux espaces publics et leur encadrement à l’occasion de ces pratiques, traduisent bien des modes d’assujettissement féminin accep-tés(Martucelli, 2004)en accord avec la séparation traditionnelle des sexes et la plus grande liberté de circulation accordée aux garçons dans les milieux populaires et dans les familles issues de l’immigration magh-rébine(Schwartz, 1990 ; Delcroix, 2005 ; Bozon, Villeneuve-Gokalp, 1994).
Ils révèlent surtout des processus de relégation des filles, inculqués dès le plus jeune âge au sein de la cellule familiale et peu remis en question par les femmes elles-mêmes.
… pourtant contredite par un sport lieu d’émancipation
Pourtant, notre étude montre que les processus de domination ne sont ni méca-niques ni systématiques, les jeunes filles réussissant à se défaire, dans certains contextes, de modes de désignation han-dicapants. Ainsi, le sport permet parfois de dépasser une situation de subordination et de relégation.
La pratique sportive des femmes (Tableau 5)est d’abord orientée vers des sports masculins (près d’un tiers de l’échantillon) ou mixtes (86,5% des sporti-ves déclarées). Clara, 22 ans, deuxième 5 d’une fratrie de quatre , habitante des Buis, et engagée dans la pratique compéti-tive du karaté depuis des années, explique :“Le karaté, c’est mes parents qui m’ont inscrite quand j’étais petite. […] (à propos des freins dans l’accès au loi-sir) culturels, c’est sûr que je ne vais pas aller en boîte, vu que je suis d’origine maghrébine, la religion et puis on n’a pas les mêmes loisirs que quelqu’un d’autre et puis ben voilà je crois que j’ai répondu !”.
La première hypothèse à l’entrée priori-taire des jeunes femmes dans les sports masculins renvoie aux représentations associées aux pratiques viriles. Ainsi, ils trouvent une plus grande audience dans les milieux populaires car ils répondent en écho au primat du corps laborieux sur le corps gratifié(Schwartz, 1990).
De plus, la distance de contact permise par certains sports virils (boxe) et l’ab-sence de mise en scène érotique du corps, satisfont à l’exigence de non exposition de la féminité et rendent ces pratiques moins transgressives. Enfin, l’entourage familial ou amical, souvent engagé dans la même pratique peut maintenir son rôle de surveil-lance et devient parfois le moteur de la pratique(Croquette, 2004).
Mais du point de vue des jeunes femmes, ces pratiques offrent l’opportunité de lieux d’expression dans lesquels elles parviennent à concilier des références contradictoires, issues de leurs divers mondes d’apparte-nance : la pudeur dont fait preuve Clara, à la fin de son propos, met à jour une situation de compromis entre les dispositions cultu-relles familiales, les attentes sexuées liés au contexte du quartier(Clair, 2005)et les besoins d’émancipation sociale d’une jeune fille engagée dans des études supérieures et sur une trajectoire sociale ascendante par rapport à ses parents.
Les loisirs modernes et masculins (bad-minton, karting, néo-laser…) qu’elle possède par ailleurs, confirment la construction de nouvelles références identitaires, éloignées des prescriptions traditionnelles du sexe féminin.
Au travers de cette virilisation partielle (Menesson, 2003), les jeunes femmes se libèrent des processus de domination sexuée et culturelle pourtant bien intériorisés (“c’est sûr que je suis d’origine maghrébine”). Elle devient le moteur de leur acceptation sociale et de leur respectabilité, à l’instar de ce qui se passe dans l’espace public du quartier lorsque des bandes de jeunes femmes s’approprient la violence jusque là réservée aux jeunes hommes(Rubi, 2005).
Paradoxalement, le sport représente alors un “moyen” de diversifier les modèles de référence, sans susciter pour autant une rupture avec le modèle culturel. Ainsi comme les Beurettes de Nacira Guénif-Souilamas(2005a), les sportives inventent des manières inédites en gérant des injonctions paradoxales et en se construi-sant en “artisanes de libertés tempérées” (Croquette, 2004, p191). Il révèle en même temps ses limites en ne permettant pas de concilier féminité et visibilité sociale.
PRN “Sport, famille et pratiques féminines” - numéro spécial “Sport, filles et cités” - p 10
Bibliographie
Vous pouvez retrouver ces documents sur le site web du PRN : www.sfpf.fr Pour les emprunter, prenez contact avec Emily.
Audrey Robin,Les filles de banlieue populaire : footballeuses et "garçonnes" de "cités" : "mauvais genre" ou "nouveau genre" ?, L'Harmattan, 2007, 251 pages, Logiques Sociales
Pour échapper aux contraintes du mécanisme de la "réputation" que les garçons semblent faire et défaire à leur guise, certaines jeunes filles construisent leur identité en s'appuyant sur des codes traditionnellement masculins.
Audrey Robin a mené l'enquête auprès des garçonnes de la cité des Bosquets : ses interlocutrices pratiquent le football, s'habillent large, parlent l'argot... assumer cette déconstruction des stéréotypes de sexe n'est pas simple mais permet d'accéder à des territoires dont elles étaient auparavant exclues.
Collectif, Gilles Ferréol et Gilles Vieille-Marchiset (sous la dir.),Loisirs, sports et sociétés, Presses universitaires de Franche-comté, 2008, 165 pages, Regards Croisés
Présentation de l'éditeur : Cet ouvrage, fruit d’une étroite collaboration entre enseignants-chercheurs appartenant à diverses institutions francophones, est consacré à l’examen de la problématique loisirs, sports, sociétés. Les contributions retenues ont été regroupées en deux grandes parties.
La première vise à fournir des éléments de cadrage et privilégie une optique à la fois historique, so-ciologique, organisationnelle et réflexive. La deuxième se propose de s’interroger sur les pratiques, les politiques et les territoires. Elle prend appui sur différentes études de cas : les raids-aventure, les courses au large en solitaire, les politi-ques d’intégration, les espaces de pratique dans les zones urbaines sensibles et les jeux de la petite enfance.
Julie Deville,Filles, garçons et pratiques scolaires. Des lycéens à l'accompagnement scolaire, L'Harmattan, 2007, Anthropologie Critique
Présentation de l'éditeur : À partir d'un travail de terrain mené dans une ville de la région parisienne, Filles, garçons et pratiques scolaires montre le quotidien de lycéens et lycéennes issus d'un quartier d'habitat social. La démocratisation scolaire a rendu fréquents de tels parcours qui prolongent l'accul-turation scolaire et font naître des espoirs, souvent déçus, de promotion sociale. En abordant ces jeunes gens dans le contexte particulier d'une association d'accompagnement sco-laire, à la fois au contact et en marge des sphères du quartier, de la famille et de l'institution scolaire, en retraçant leur façon de travailler, leurs propos sur l'école, sur leur famille, sur leur quartier, sur leur vie de tous les jours, l'affirmation de leurs goûts et de leurs jugements. Cet ouvrage donne à voir sous un angle original l'entrelacement des références et des sentiments d'appartenance à chacune d'entre elles. La prise en compte de ces multiples dimensions éclaire également le processus de construction des rapports sociaux de sexe.
Collectif,Place aux femmes : pour une approche sexuée des politiques publiques, Profession Banlieue, 2004, 131 pages, Les Cahiers
L'aménagement du territoire en France prend bien peu en considération les besoins de la moitié de la population, autrement dit des femmes. Dans le domaine de l'aménagement du territoire comme ailleurs, la prise de décision effraie les femmes. Elles s'impliquent peu ; en conséquence de quoi, elles doivent se contentent d'équipements guère adaptés.
L'Europe cependant est prête à financer les programmes d'aménagement qui prennent la thématique du genre en considération. Mais trop souvent, les projets sont rejetés en aval de l'échelon communautaire car les décideurs sont pour la plupart peu sensibles aux enjeux de la mixité.
PRN “Sport, famille et pratiques féminines” - numéro spécial “Sport, filles et cités” - p 11
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