La peine de mort (M Kénens). - La peine de mort, barbarie ou tabou ?
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La peine de mort (M Kénens). - La peine de mort, barbarie ou tabou ?

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Reliures La peine de mort, barbarie ou tabou ?
Seraitce la crainte archaïque de l’audelà et des peines de l’enfer ? La mort est redoutée, assimilée à la dou leur, donc au mal. Elle nous effraie et rien ne nous prédispose, à moins d’ê tre suicidaire, ni à accueillir ce pro cessus pourtant inévitable de nos fonctions vitales ni, et encore moins, à le provoquer sans y être contraint. Pour les laïques, certaines excep tions existent cependant et leurs combats obstinés pour faire modifier la législation relative à l’interruption volontaire de grossesse ou l’euthana sie par exemple, constituent autant de témoignages évidents de leur acceptation que soit parfois suppri mée la vie humaine pour mettre fin à la détresse. Autre mise à mort autorisée, voire encensée cellelà, celle de l’ennemi en temps de guerre, qui vaudra peut être à celui qui saura se faire recon naître, quelques médailles de bra voure et pourquoi pas, de résistant héroïque. En dépit du “tu ne tueras point”, l’autorité pontificale n’at elle pas béni des armées de tueurs pour des causes qu’elle juge légiti mes ? Qui se plaindrait de la solidarité des troupes alliées pour mettre fin au nazisme et à l’horreur des camps de concentration ? Cet épisode tragique est désormais indissociable de la solution violente que nos aînés lui ont apportée et nous relatons sans rougir ce lien mortel de cause à effet dans la formation citoyenne que doit entretenir la mémoire collective. Ces dispositions laïques aujourd’ hui en Europe, bien qu’ouvertes et théoriquement moins encombrées de dogmes tels que la conception culpa bilisante du péché, me semblent pour le moins contradictoires dès lors qu’il s’agit de la “peine” de mort. Là, on assiste à un blocage évi dent. Le refus catégorique de l’exé cution physique s’est érigé peu à peu, dès les années cinquante, en principe philosophique incontournable du
Myriam KÉNENS, laïque et agnostique
progrès humaniste, une sorte de mythe fondateur d’une ère nouvelle dont les législateurs européens se sentent pionniers. Robert Badinter, par exemple, auteur du texte légal que l’on sait sur l’abolition de la peine de mort, incarne ce courant de pensée laïque associant peine de mort et barbarie. La dernière exécution en France eut lieu en 1977 et la loi qui l’abolit date du 9 octobre 1981. Depuis son abolition fin 1995 en Espagne et en Belgique, la peine de mort n’existe plus dans aucun pays de l’Union européenne. En revanche, un pays sur deux dans le monde prononce encore des condamnations à la peine capitale et l’Etat de New York a rétabli cette dernière en 1995. Cette annéelà, selon Amnesty International, 56 per sonnes ont été exécutées pour l’en tièreté des EtatsUnis et 2931 per sonnes ont subi l’exécution de cette peine dans 41 pays. Certains chiffres et agissements sont évidemment inquiétants. Ainsi en Alabama, les condamnés à mort sont enchaînés les uns aux autres; 98% de ces détenus sont des noirs. On comprend tout à fait que, associations de défense des Droits de l’Homme en tête, l’on s’in surge contre de tels traitements. En Arabie Saoudite, les accusés n’ont pas le droit d’être assistés par un avocat pendant leur procès et 192 condamnés en 1995 ont été décapités au sabre en public. De tels agissements sont évi demment aussi barbares qu’intoléra bles. Mais ils ne suffisent pas à me convaincre que toute peine de mort est en soi un acte barbare. Pourquoi un détenu à perpétuité n’auraitil pas droit à la mort dans la dignité puisque nous disposons aujourd’hui de moyens euthana siques pour y parvenir ? Nestor Pirotte (67 ans), appelé “le tueur fou”, vient de mourir ce 29 juillet dans l’une de nos prisons, où il aura passé quarante ans de sa vie.
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Dossier n°5 La mort et après
Je m’interroge sur ce qui nous autorise à avoir meilleure conscience et à nous prévaloir d’une supériorité morale.
L’horreur des conditions en milieu carcéral est inévitable, même chez nous où des progrès de moder nité confortables sont apportés. L’enfermement prolongé, on le sait pourtant, est en soi pathogène. Une fois imposé, il est indissociable d’un vécu de frustration totale, de la privation des libertés que nous savons fondamentales : sociales, affectives, sexuelles pour n’envisa ger que certaines d’entre elles. Et je crains fort que la visite “inti me” d’un(e) partenaire programmée deux heures une fois par mois sous haute surveillance ne change pas grand chose à ce calvaire, si généreu ses que soient les intentions de Marc Verwilghen. Le sort réservé par les autres déte nus, particulièrement aux pédophiles et aux condamnés coupables d’atro cités, l’univers concentrationnaire où le surpeuplement n’est pas rare, l’i solement total redouté, la violence latente mais omniprésente, la drogue qui circule comme par miracle, ne sont que quelquesunes des mille morts à endurer. Et pour combien de temps en cas de condamnation à per pétuité ? Juste de quoi être complète ment cinglé quand toutes les chances d’être définitivement dangereux ne vous sont pas acquises.
L’enfermement à perpétuité ne me procure, contrairement à d’autres, aucun confort moral supplémentaire.
Quant à la libération pour bonne conduite, généralement accordée en moyenne au tiers de la peine, outre qu’elle remet en cause la qualité d’un jugement consciencieux,expose la société aux récidives, ce qui semble suffisamment inacceptable dans le cas de certains profils, tels que les pédophiles pervers par exemple, dont on sait pertinemment qu’ils sont “irrécupérables”. Si ce qualificatif est terrible, il n’en recouvre pas moins une réalité redoutable. Ne nous voilons pas la face : les monst res existent.
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