Pages73-84 - Chronique de la Shoah
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LE TRIOMPHE DE LA VOLONTÉ 1934 DES MILLIERS de partisans des nazis affluèrent à Nuremberg en septembre 1934 pour célébrer, durant une semaine, la fête de la solidarité nazie. Entre autres spectacles qu’offraient les divers défilés et rassemblements, ils purent voir les immenses bannières nazies qui flottaient haut dans le ciel, 130 projecteurs qui envoyaient dans la nuit leurs rayons à plus de 7 000 mètres d’altitude et un meeting de dizaines de milliers de SA en chemises brunes. Des fanfares hurlaient « La marche de Badenweiler », tandis que les partisans des nazis en délire agitaient des drapeaux ornés de la croix gammée, spectacle ponctué par les cris « Heil Hitler ! » Adolf Hitler parla avec ferveur de la solidarité et de la force du parti, proclamant : « Il n’y aura pas d’autre révolution en Allemagne au cours des 1 000 prochaines années ! » La cinéaste Leni Riefenstahl filma le faste de ce rassemblement de Nuremberg, réalisant un documentaire qui allait s’intituler Le triomphe de la volonté. Nuremberg accueillait chaque année des rassemblements nazis depuis 1927, mais, jamais auparavant, le moral n’avait été aussi élevé. Quelques semaines plus tôt, Hitler avait été élu Führer de l’État allemand à une majo- rité écrasante. C’était l’ultime victoire politique pour Hitler, un véritable « triomphe de la volonté ». Pourtant, paradoxalement, ce triomphe n’avait guère été aisé. Durant les deux premières années du régime nazi, Hitler dut non seule- ment affronter la tâche redoutable de la Gleichschaltung, terme désignant la restructuration de tous les aspects de la vie allemande sous le contrôle nazi, mais également les discordes au sein même du parti nazi. L’aile populiste du parti nazi, et notamment les SA (Sturmabteilung), estimaient que la révolu- tion nazie était inachevée et progressait trop lentement. Ces nazis radicaux pensaient que la traditionnelle bureaucratie allemande, l’armée, et surtout la vie juive n’avaient pas été suffisamment transformées. Les SA posaient un problème particulier à Hitler. Dirigés par Ernst Röhm, l’un des proches d’Hitler aux premiers jours du parti nazi, les SA avaient été organisés durant l’été 1921. Recrutant leurs membres parmi les vétérans mécontents de la Première Guerre mondiale, ils constituèrent bien- tôt l’armée particulière du parti nazi. Lorsque Hitler fut nommé chancelier en 1933, on comptait plus de 500 000 SA. Début 1934, ils étaient environ 4,5 millions, ce qui faisait d’eux une force plus importante que l’armée allemande pendant la Première Guerre mondiale. Alors que Röhm et les SA avaient le sentiment de protéger les intérêts de l’Allemagne nazie, Hitler et d’autres dirigeants du parti – sans parler des alliés dont Hitler avait besoin dans le Fièrement, le Führer passe en revue les Troupes d’assaut (SA) lors du rassemblement du parti à Nuremberg. 73 monde de l’industrie et dans l’armée – les considéraient comme une menace pour la stabilité, notamment parce que Röhm avait pour ambition de faire des SA la véritable armée du IIIe Reich. Au printemps et au début de l’été 1934, une autre complication surgit. Le président Paul von Hindenburg, qui avait donné à contrecœur sa béné-1934 diction à la plupart des initiatives nazies, était alors de santé défaillante. Hitler risquait, si Röhm n’était pas encadré, que le chef des SA n’utilise l’organisation comme l’axe d’une révolution en conflit avec la sienne. Mais, raisonnait Hitler, si le leadership de Röhm sur les SA pouvait être neutralisé, les cadres de l’armée allemande soutiendraient Der Führer pour succéder à Hindenburg. Ainsi se produisit la Nuit des longs couteaux, de sinistre répu- tation, un massacre ordonné par Hitler, qui fut perpétré le 30 erjuin et le 1 juillet. Le nombre exact de personnes assassinées au cours de cette purge demeure incertain. Bien que certaines estimations fassent état de centaines, voire de milliers de morts, probablement moins d’une centaine de personnes furent tuées, dont Röhm et d’autres gradés des SA, ainsi que des conserva- teurs perçus comme une menace pour Hitler, des hommes qui auraient pu tenter de le destituer pour restaurer la monarchie en Allemagne. Sous une oppression nazie de plus L’homme qui joua le rôle principal dans la purge de Röhm fut Heinrichen plus prégnante, la famille Hugo Himmler qui dirigeait les SS (Schutzstaffel, ou escouade de protection)Brill célèbre le séder de Pâque. en chemises noires. Formés durant l’été 1925 pour servir de garde per- sonnelle d’Hitler, les SS faisaient partie à l’origine des SA. Lorsque Himm- ler en prit le commandement en janvier 1929, les SS comptaient quelques centaines d’hommes. Mais, au printemps 1934, ils étaient déjà devenus tout ce que les SA n’étaient pas – une élite armée, disciplinée, de plus de 50 000 hommes extrêmement dévoués à Hitler. À cette époque, l’in- fluence d’Himmler s’étendit lorsqu’il prit un contrôle croissant de la police politique de l’Allemagne nazie dont les sections principales étaient le SD (Sicherheitsdienst ou service de sûreté) et la Gestapo (Geheime Staatspo- lizei, ou police secrète d’État). Röhm, son rival, étant éliminé, Himmler en récolta les bénéfices. Pour leur rôle dans la purge, ses SS obtinrent leur indépendance des SA, ce qui renforça son autorité. Entre-temps, Himmler s’était accordé à lui- même certains avantages. Le 4 juillet par exemple, il nomma inspecteur des camps de concentration Theodor Eicke, le commandant du camp de concentration de Dachau. Eicke, qui avait exécuté l’ordre d’Himmler en assassinant personnellement Röhm, introduisit dans d’autres camps les méthodes systématiquement brutales de contrôle et de punition qui avaient caractérisé son administration à Dachau. Avec l’aide d’Eicke et d’autres SS de rang subalterne, Himmler contrôla bientôt un vaste réseau de la sûreté d’État. À ce titre, Himmler allait par la suite utiliser ses SS et ses pouvoirs de police pour devenir l’un des principaux architectes de l’ex- termination des Juifs d’Europe. Tandis qu’Himmler augmentait son pouvoir, Hitler devait encore consolider son autorité politique. L’élimination de Röhm avait supprimé les menaces qui pesaient sur cette autorité, mais elle contraignait Hitler à expliquer ce qui s’était passé et pourquoi. Sa stratégie consista à affirmer que Röhm et ses plus proches associés SA étaient coupables de trahison et de déviance sexuelle – Röhm était homosexuel –, et à se présenter comme 74 un protecteur dont l’intervention avait sauvé la vie des bons Allemands. Prenant la parole devant le Reichstag, le 13 juillet, Hit- ler endossa la responsabilité de la purge, se qualifiant de «juge suprême du peuple allemand » et affirma que « dans l’État, il n’y a qu’un seul porteur d’armes, c’est l’armée ; il n’y a qu’un seul porteur de la volonté politique, c’est le parti national-socialiste. » La satisfaction des chefs de l’ar- mée en entendant cette proclamation n’eut d’égale que les applaudissements du Reichstag qui adopta une loi légiti- mant la purge comme une « mesure d’urgence défensive de l’État. » La bonne fortune d’Hitler continua. Il reçut un télé- gramme de félicitations du président Hindenburg qui écri- vit qu’Hitler avait « étouffé dans l’œuf la trahison » et « sauvé la nation d’un grave danger. » Mais une gratification encore plus importante l’attendait au matin du 2 août, lorsque le président Hindenburg mourut. Le plan étant déjà arrangé, une Dans un rassemblement du parti à annonce du gouvernement fut faite dans l’heure qui suivit la mort d’Hin- Nuremberg, Adolf Hitler salue devant un monument à la mémoiredenburg : les fonctions de président et de chancelier devaient fusionner. des nazis tombés.Hitler serait le chef du parti nazi, le chef de l’État, ainsi que le comman- dant suprême des forces armées. Hitler fut désormais l’autorité ultime de la nation. Signalant ce fait le jour même, les soldats allemands prêtèrent serment d’allégeance à Hit- ler : « Devant Dieu, je prête ce serment sacré : je jure obéissance incon- ditionnelle à Adolf Hitler, le Führer de la nation et du peuple allemand, commandant suprême des forces armées et je serai prêt en tant que soldat courageux à risquer ma vie à tout moment pour ce serment. » Moins de trois semaines plus tard, le peuple allemand ratifia la nou- velle fonction et le titre d’Hitler : Führer et chancelier du Reich. Le taux de participation à ce plébiscite dépassa les 90% des 45,5 millions d’élec- teurs. 38 millions d’Allemands – environ 90% des suffrages exprimés – se prononcèrent pour le « oui ». Plus de quatre millions cependant votèrent « non » et 870 000 bulletins de vote furent gribouillés. Hitler put se rendre au rassemblement du parti nazi organisé à Nurem- berg plus confiant qu’il n’était au début de l’année. Tandis qu’Hitler pre- nait de l’assurance et qu’Himmler renforçait son autorité, l’étau se resserrait autour des Juifs d’Allemagne, même si les principaux événe- ments de l’année ne les concernaient pas spécifiquement. Les Juifs, cependant, n’étaient nullement oubliés, tandis qu’Hitler et ses partisans consolidaient et étendaient leurs pouvoirs. La « violence sur le papier » contre les Juifs se poursuivit. Une mesure importante adoptée le 23 mars fut la loi sur l’expulsion du Reich qui allait préparer l’expulsion des Juifs d’Europe orientale. D’autres décrets visaient particulièrement à chasser les Juifs des institutions édu- Theodor Eicke (photo), partisan d’Hitler, assassinacatives et des professions libérales allemandes. Début février par exemple, Ernst Röhm, le chef des SAil fut interdit aux étudiants en médecine « non aryens » de passer les exa- durant la Nuit des longsmens d’État. Début mai, les exemptions de frais d’études furent suppri- couteaux.mées pour les étudiants juifs. L’année 1934 fut un triomphe de la volonté d’Hitler et de ses partisans. Pour les Juifs européens, ce triomphe s’avéra une catastrophe. 75 1934 • LE TRIOMPHE DE LA VOLONTÉ Le SD (Sicherheitsdienst, Service de sûreté) était le service de rensei- gnement
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