Tour du monde des ligatures
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oCahiers GUTenberg n 22 —septembre 1995 85 Tour du monde des ligatures Yannis Haralambous 187, rue Nationale 59800 Lille haralambous@univ-lille1.fr 1. Introduction Le terme « ligature » desi´ gne une quantit´e de choses diVerent´ es et est souvent source de 1confusions. Dans le monde T X la situation s’aggrave davantage, puisque D.E. KnuthE adonnec´ enoma`une partie des informations met´ riques des polices T X.E Pour ec´ laircir ce sujet fort passionnant, nous allons tenter de classifier les diVerent´ s types de ligatures qu’on trouve dans les langues naturelles et ensuite situer T X par rapport a`E elles. 2On peut classifier les ligatures typographiques en trois classes : 1. les ligatures linguistiques ; ce sont celles qui sont indispensables pour l’ec´ riture d’une langue donnee,´ et obei´ ssentad` esre`gles grammaticales (la grammaire et´ ant liee´ al` a langue et non pasal` ’e´criture). Souvent elles ont un statut de lettre et parfois memˆ e 3une place a` part dans le dictionnaire, ce qui les rapproche des digraphes ; 2. les ligatures esth´etiques ; ce sont des graphies optionnelles qui existent pour des rai- sons esthetiqu´ es, de lisibilite,´ et/ou de tradition ; 3. les ligatures contextuelles ; ce sont des graphies qui se produisent sous certaines conditions, par exemple en debut´ de mot. Elles sont obligatoires dans le contexte d’u n e ec´ riture donnee,´ indepen´ dament des langues utilisant cette ec´ riture. 1Voir l’index de l’editorial´ de ce Cahier. 2 Iui, comme les trois mousquetaires, en fait sont quatre, comme on le verra en page 92. Nous ne traitons pas ici des « ligatures » au sens de liaison entre lettres manuscrites. 3Un digraphe est une paire de lettres (trigraphe pour un triplet, etc.) qui den´ ote un seul son. Souvent les digraphes sont traites´ a` part lors d’un tri alphabetique´ ; ainsi, en espagnol, « chacal » vient apre`s « cucaracha », car « ch » est un digraphe, classea´ pr es` « c ». 86 Yannis Haralambous Dans le tableau suivant, nous classifions ces trois types de ligature suivant le crit`ere obli- gatoire/optionnel, dans le contexte d’une langue donnee,´ ou celui d’une ec´ riture donnee´ (c’est-a`-dire de toutes les langues utilisant cette memˆ e ec´ riture) : Type de ligature Contexte Linguistique Esthetiqu´ e Contextuelle Langue obligatoire optionnelle obligatoire ´Ecriture optionnellenelle obligatoire Nous allons maintenant passer en revue les diVerent´ s types de ligatures typographiques. 2. Ligatures linguistiques Le cas le plus proche de nous est sans doute la ligature « œ ». On dit que le mot « œil » ´a quatre lettres, pourtant on ecrit´ trois signes. Ecrire « oeil » est plus que de la mauvaise typographie, c’est une faute de franca¸ is ; il en est de memˆ e pour « mœlleux » (faux) au lieu de « moelleux » (correct) : cet exemple montre que la ligature « œ » n’est pas automatique- ment introduite a` chaque fois qu’un « o » est suivi d’un « e ». Le signe « œ » est indispensable pour l’ec´ riture correcte de la langue franc¸aise. Pourtant, lors d’un tri alphabet´ ique, « œ » est assimile`´ a « oe ». La situation est plus claire pour le « æ » scandinave. Non seulement cette ligature fait in- discutablement oYce de lettre mais elle a une place a` part dans le dictionnaire suedo´ is : elle est placee´ apre`s«z»(etnonpasapres` « ad » comme on pourrait s’y attendre). Cependant, ´le mˆ eme signe est utilised´ emaniere` plus arbitraire en anglais : la mer Egee´ s’ecrit´ « Ægæan sea » (comme transcription du mot grec AÊgaØon ), sans que « Æ » soit consider´ e´ comme une lettre de l’alphabet anglais... Plusieurs ligatures linguistiques proviennent historiquement de ligatures esthet´ iques. On connait l’evo´ lution historique du « et » en « & » (l’« esperluette »), il en est de mˆ eme pour le « ß » allemand, qui provient de la ligature « G »long+«s»court. Certaines ligatures ont du mal a` se faire respecter. C’est le cas du « ij » flamand et neer-´ landais. Peu de locuteurs du neerland´ ais (et encore moins de non-locuteurs) savent que « ij » constitue dans 99,9% des cas une ligature dans cette langue (les exceptions sont des mots importes,´ comme « bijou », « bijektie » etc.). La preuve de l’existence de cette liga- ture est pourtant tres` simple : il suYt de lire dans une carte de Hollande le nom de la ville 4« IJmegen » ou` on retrouve evidem´ ment la version majuscule de « ij » . 4Il existe un rapport obscur entre cette ligature « ij » et la lettre diacritee´ « y¨ ». Cette derniere` n’est — al` a connaissance de l’auteur — utilisee´ qu’en gallois moderne et en francai¸ s du moyen agˆ e. Le rapport entre « ij » `et « y»¨ doitetˆre cherche´ ailleurs que dans les grammaires. A ce propos, une anecdote : un des grands jeunes H ( ž Ÿ kv  k A Ï ¿ a Y a A (   k AŸ Tour du monde des ligatures 87 av Figure 1: Exemple de ligature cingalaise Une ligature peut etreˆ consider´ ee´ indispensable,m emˆ e si elle n’est pas consider´ e´e comme une lettre unique. C’est le cas, par exemple, du « » arabe : il est impensable d’ec´ rire « », que ce soit en typographie, en dactylographie, ou memˆ e en ec´ riture manuscrite. Pourtant il s’agit toujours de la lettre « » en forme initiale « » suivie de la lettre « »enforme finale « ». Comme nous le verrons dans la section 4, toute autre ligature arabe est soit esthet´ ique, soit contextuelle. Ce pheno´ mene` est assez courant dans les langues orientales. Dans les langues indiennes, les ligatures jouent un rolˆ e tres` important : elles indiquent l’absence de voyelles entre deux 5consonnes. Ainsi, en cingalais , on voit sur la fig. 1 les caract`eres « ka » et « va », suivis de la ligature « kva » (dans le signe a` droite la voyelle implicite « a » entre les deux consonnes n’est pas prononcee).´ Dans certaines ecr´ itures, les voyelles sont indiquees´ par des traits supplem´ entaires qui 6s’ajoutent aux consonnes et n’existent pas isoles´ : en cambodgien , est le caract`ere « ka » et , prononc´e«ka¯ », est la ligature de ce dernier avec « a¯ », un caract`ere qui n’existe pas isole.´ Pour noter une syllabe consistant uniquement en une voyelle, on utilise le signe (sans prononciation) qui sert comme « porteur » de voyelle : «a»¯ s’ec´ rira . On est donc al` alimitedelad efi´ nition de ligature, puisque on lie un caract`ere existant 7a` un caract`ere non existant (sous forme isolee).´ En amharique , on va encore plus loin : l’adjonction d’une voyelle peut entraˆıner la reduct´ ion de la forme de la lettre. Ainsi, (cf. fig. 2) « ze » peut etreˆ consider´ e´ comme la forme de base. On obtient « zu » « ze»¯ ,«ze»¨ , mathematic´ iens francais¸ s’appelle « Ghys ». D’ou` vient ce nom? Les ancetˆ res de M. Ghys, s’appelaient « Ghijs » et vivaient en Flandre flamande. Iuand ils sont venus s’installer en France, leur nom eta´ it ec´ rit dans leur passeport —` al’epoque´ ceux-ci eta´ ient remplisal` amain—enbelleec´ riture manuscrite liee´ comme on l’apprenaital` ’ec´ ole. Mais si vous ec´ rivez a` la main « ij », les deux lettres bien liees,´ il est impossible de les distinguer d’un « y»¨ .C’est en eVet ce que l’employe´ du bureau des naturalisations a cru voir. Et, fonctionnaire consciencieux, il a dec´ ide´ d’oYce que « y¨ » n’e´tait pas du bon franc¸ais et a retire´ le ...tre´ma, et le nom est devenu « Ghys ». 5Le systeme` T X cingalais a et´ ec´ re´´e par l’auteur, suite a` une commande du Wellcome Institute for the History ofE Medecine de Londres. Il sera bientotˆ disponible sur serveur CTAN. Le lecteur en trouvera la description dans [7]. 6Le systeme` T X cambodgien a et´ ec´ re´´e par l’auteur sous la supervision d’Alain Daniel, de l’Institut NationalE des Langues et Civilisations Orientales. Il est dec´ rit dans [6]. 7Le systeme` T X amharique a et´ ec´ re´´e par Abass Amnulehe. Il est dec´ rit dans [2] et [1].E zu „   … y e za ƒ e ‚  ze z z z €  88 Yannis Haralambous zi Figure 2: Quelques syllabes amhariques « zi », en ajoutant des petits traits diacritiques ; par contre, pour obtenir « za », « zo », on r´eduit la forme de la lettre de base. On trouvera le plus bel exemple de ligature orientale dans l’ec´ riture coreenne´ Hangoul : une syllabe peut etreˆ composee´ d’une a` quatre lettres qui sont alors mises en echelle´ et placees´ dans un carre´ invisible. Sur la fig. 3, le lecteur trouvera un exemple utilisant trois lettres : le mot « chang » (chapitre) est compose´ des lettres « ch », « a » et « ng ». Les deux premieres` forment la ligature « cha » (en bas a` gauche). Cette ligature suivie de la troisi` eme lettre forme de nouveau une ligature : « chang » (en bas a` droite), le mot « chapitre ». En composant ainsi les 10 voyelles core´ennes(+11diphtongues)avecles14consonnes(+16 8consonnes doubles) de cette mani` ere, on obtient quelques milliers de caract`eres Hangoul . 3. Les ligatures esthe´tiques Elles sont tres` faciles a` caract´eriser : ce sont celles qui ne sont pas indispensables (celles qu’on peut remplacer par leurs composantes, non-liees´ , sans changer la validite´ grammati- cale, ou le sens du texte. Les exemples les plus courants (en typographie occidentale) sont 9ceux des ligatures « V»,«fi»,«fl»,«Y », « Z » .Maism eˆme pour celles-ci il y a parfois des regles` : on ne peut, certes, imposer leur utilisation, mais souvent on l’interdit cat´ ego- riquement. C’est le cas par exemple de la langue turque : l’alphabet turc dispose de caract`eres distincts «i»(prononce´«i»)et«ı»(prononc e´comme le arabe ou le russe. Il serait pour le moins dero´ utant d’e´crire«fi»enturc(est-ce«f»+«i»,ou«f»+«ı»?);lesTurcs sont d’autant plus sensibles a` ce point que l’ancˆ etre de la langue turque moderne, la langue ottomane,´ecrite en caract`eres arabes, battait tous les records de confusion possible entre 10lettres ecrit´ es de la memˆ e maniere` et desi´ gnant des sons tout af` aitdiVerent´ s .Onevit´ e donc les problem` es en interdisant ces ligatures. 8 `Ceci n’est qu’une des deux ec´ ritures utilisees´ en Core´e du sud. A celle-ci s’ajoute l’ec´ riture Hancha c’est a` d
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