Christian DE VROOM
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Christian DE VROOM

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Extrait

1
« Criminalité(s) en Europe »
"Verbrechen in Europa"
"Criminality in Europe
"
18 octobre 2003,
Christian DE VROOM
Le terrorisme est-il une guerre conventionnelle ?
Les moyens de le combattre sont-ils adéquats?
Définition.
Les deux questions du titre se posent à moi depuis longtemps de manière lancinante. Le
terrorisme est entré dans notre vie de tous les jours avec ses assassinats, ses attentats et les
peurs qu’il suscite. Personne n’est plus à l’abri nulle part dans le monde. Cette forme
inhumaine de guerre a influencé non seulement notre quotidien, mais encore la vie
économique mondiale qu’elle fait fluctuer au rythme des attentats. On retrouve d’une part des
armées régulières et puissantes et d’autre part des organisations qui utilisent des moyens
contre des populations prises en otage entre ces deux formes de conflit. Si une armée en
guerre fait des victimes civiles, ce qu’on appelle pudiquement « des dommages collatéraux »,
les terroristes font de ces civils leurs cibles privilégiées au nom d’on ne sait quelle haine de
l’autre, de sa religion, de sa couleur de peau ou du lieu où il a vu le jour. Rêvent- ils, pour
autant qu’ils aient des rêves, de changer le monde par ces moyens barbares ou, dans certains
cas, leur désespoir est- il tellement grand qu’ils considèrent le dialogue non souhaitable. Nous
le savons tous, le terrorisme du 11 septembre 2001 a changé le monde mais il ne changera
pas le fonctionnement du monde. Ces terroristes là n’aident personne et, au contraire,
renforcent le sentiment de désespoir et de mort.
Le terrorisme est, par nature, difficile à définir car il prend des visages multiples. Pour les uns,
c’est un mouvement basé sur des actes de violence destiné à déstabiliser certains
gouvernements ou certaines formes d’organisations sociales, pour les autres, tel le
Centre de
Recherches sur le Terrorisme International,
« c’est une utilisation illégale de la force contre
des personnes ou des propriétés, intimidation ou contrainte d’un gouvernement ou de
populations afin de promouvoir un changement ou un avancement politique et social ».
2
Dans l’acception générale, le terrorisme est soit basé sur des actes violents, sabotage,
assassinats, prises d’otages commis pour des motifs politiques par des mouvements
clandestins organisés soit des actes commis par un gouvernement totalitaire pour maintenir le
pouvoir contre des menaces intérieures ou extérieures. Mais le terrorisme est un mot utilisé à
tort, parfois, lorsqu’on se trouve devant une résistance légitime face à des occupants
illégitimes d’un pays démocratique. Ainsi en 1944, les résistants étaient-ils qualifiés de
terroristes parce qu’ils combattaient les occupants nazis avec les moyens qui étaient les leurs.
De tout temps, les experts ne se sont jamais entendus sur la définition du terrorisme, pour les
uns ce sont des criminels, pour les autres des combattants de la liberté, selon le camp dans
lequel on se trouve.
La question de légitimité se trouve dès lors au centre de notre réflexion. Existe t’il un
terrorisme légitime et un terrorisme illégitime ? Dès le moment où on est terroriste on est dans
l’illégalité. Cette définition simpliste efface toute notion de résistance légitime. La résistance
légitime n’est pas celle qui consiste à s’attaquer à des civils innocents de manière aveugle
pour défendre une cause qui peut être juste. Sans être d’accord sur les moyens utilisés, on
pourrait être
favorable à la résistance d’un peuple opprimé contre un gouvernement
totalitaire, illégitime et violent. Ce type de terrorisme ne date pas d’hier. Entre 66 et 73 AC,
les Zélotes ont combattu l’occupation romaine en empoisonnant les puits d’eau et en
massacrant la population. De même, l’attentat du 11 septembre 2001, à New York, n’était pas
le début d’une forme de terrorisme à composante religieuse ou ethnique. Il a pris certes une
dimension à l’échelle planétaire par les moyens utilisés et l’émotion que cette tragédie a
suscitée. Cet acte monstrueux n’a été possible que par des moyens exceptionnellement
importants et par une faiblesse tout aussi ahurissante des services de renseignements
américains et occidentaux. On ne peut perdre de vue que cette attaque qui s’apparente à un
acte de guerre, s’est produite dans le pays le plus puissant de la terre par un groupe important
d’hommes agissant dans la clandestinité pendant de longs mois si pas des années, à la fois sur
le territoire américain mais aussi dans d’autres pays comme l’ Europe.
Avant cela, il y a eu d’autres attentats contre des intérêts américains et occidentaux par Carlos
dans le début des années 90. A la même époque, le réseau de Ben Laden déjà, sévissait contre
les intérêts américains au Soudan, au World Trade Center à New-York et souvenons nous de
cet attentat à Lokerbee ou encore de ces
avions détournés par le GIA dont l’un devait
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s’écraser sur Paris si les terroristes avaient marqué la même détermination que les auteurs des
attentats du 11 septembre.
Le terrorisme religieux.
Le terrorisme s’est petit à petit teinté d’un arrière- plan religieux pour se donner une légitimité
plus grande auprès des pays musulmans. Il a acquis ainsi, non seulement une violence
extrême dans les actes perpétrés mais il a pu recruter, parmi les Islamistes, des jeunes gens
pétris d’idéologie et prêts à se sacrifier pour la cause. Cette évolution n’a été possible qu’au
bout de longues années et que les Talibans d’Afghanistan soient le résultat d’un
endoctrinement d’au moins une décennie ne fait pas de doute. L’Islam n’est pas une religion
de guerre et de massacres et la majorité des Arabes veulent la paix. Il n’empêche que ces
mouvements de la terreur ont trouvé auprès des gouvernements de certains pays arabes un
appui financier et logistique ainsi qu’une protection inconditionnelle. L’Afghanistan et l’Irak
ont fait les frais de cette politique tandis que l’Arabie Saoudite que beaucoup d’observateurs
s’accordent à considérer comme un des principaux financiers du terrorisme religieux est
étrangement épargnée.
Il n’est pas certain que la politique menée par les Etats-Unis contre l’Afghanistan et l’Irak
sera, à terme, payante car une armée aussi puissante n’a pas face à elle, des troupes répondant
à un commandement militaire, pouvant rendre les armes et respectant les conventions en
temps de guerre. Rien n’est plus difficile à combattre qu’une guérilla, particulièrement pour
des troupes habituées à la guerre conventionnelle. Les Américains et leurs alliés ne
manoeuvrent pas aisément avec des chars dans les ruelles étroites de Bagdad ou de Kaboul.
Malgré tout ce qu’on peut en dire, malgré toutes les images télévisées
présentées, les
opposants aux Etats-Unis, à l’intérieur de l’Irak et de l’Afghanistan sont soutenus par une
grande partie de la population de ces pays pour différentes raisons. D’une part, il y a un effet
national, d’autre part, il y a l’effet religieux et enfin, dans ces pays, il y a une notion très forte
qu’il ne faut pas mésestimer, c’est l’appartenance à une tribu, à une ethnie. Les Etats-Unis se
sont sans doute trompés en engageant une guerre de cette ampleur en Irak, non que cette
guerre soit illégitime car Saddam Hussein et ses sbires méritaient cent fois de disparaître mais
parce que l’après-guerre, celle que vivent les soldats engagés dans cette « drôle de libération »
est pire que la guerre qu’ils ont menée pendant près d’un mois. On peut aussi se poser la
question si les pays de l’Europe qui ont refusé leur appui aux Etats-Unis ont bien fait. Oui, si
on considère, de plus en plus, que le motif de cette guerre était faux. Non, parce que l’Europe
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a un rôle de médiateur à jouer dans une région où l’Amérique n’a plus aucune crédibilité. De
plus, on ne peut abandonner un demi-continent à une seule Nation. L’ONU a certes son rôle à
jouer mais cette organisation dans laquelle beaucoup de peuples avaient placé leurs espoir
s’est paralysée par ses propres institutions.
Le terrorisme territorial.
Ce type de terrorisme est essentiellement différent du terrorisme armé islamiste car très
localisé dans des parties du pays où il se développe. Ces organisations sont plus développées
qu’on ne veut le croire et elles ne relèvent pas d’un folklore local. Ainsi sur 93 organisations
terroristes actives dénombrées jusqu’au 4 octobre 2003 (sources ICT), on trouve : Armata
Corsa, Breton Revolutionary Army, Irish Republican Army, Sikh Terrorism, Red Army
Fraction, Red Brigades, United Self-defense forces of Colombia, entre autres. Il y a lieu, dès
lors, de distinguer le terrorisme territorial du terrorisme international, en dehors de tout
support philosophique ou religieux. Le terrorisme local n’est en fait soutenu que par une
partie de la population pour des raisons politiques ou, moins souvent, religieuses. Le conflit
armé qui oppose l’armée britannique aux catholiques irlandais a une connotation religieuse
utilisée habilement par certains mouvements pour asseoir une idéologie politique. De même,
en Indonésie ou aux Indes, de nombreux actes terroristes sont des conflits entre groupes de
religions différentes. Il est évident que le résultat est identique et les moyens tout aussi
violents et destructeurs. Dans certains pays, en Amérique latine par exemple, les terroristes
ont reçu l’appui d’une fraction de l’armée. Ils ont pu ainsi prendre le pouvoir : Fidel Castro à
Cuba ou Pinochet au Chili. Ces conflits intérieurs sont très localisés, peu soutenus de
l’extérieur et on tente par ces moyens de renverser le gouvernement en place. En Espagne, le
putsch de la guardia civil qui a eu lieu le 23 février 1981 a failli renverser le gouvernement au
pouvoir si le Roi Juan Carlos n’avait été soutenu par une grande partie de l’armée espagnole.
Ce type de terrorisme à la limite du conflit armé ouvert, est parfois mal préparé ou s’appuie
sur des forces insuffisantes, ce qui, fort heureusement, a été le cas en Espagne.
Sur les moyens mis en oeuvre.
Après avoir brossé un tableau très sommaire de deux types de terrorismes, on peut considérer
qu’il existe un grand nombre de terrorismes différents. On pourrait ainsi parler de terrorisme
informatique. Ainsi, il y a peu, lorsque Microsoft a menacé de faire payer l’usage de certains
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de ses brevets par les petits fabricants de logiciels, son site informatique a été bombardé de
virus, pendant plusieurs jours. On pourrait aussi parler de terrorisme « de droit commun » où
les organisations criminelles utilisent cette forme de pression pour asseoir leurs activités
illicites : racket, tabassages, assassinats, incendies volontaires. Il n’y a pas si longtemps, en
Italie, le général anti-mafia Della Chiesa et des magistrats italiens a été assassiné. Lorsque
Hans Martin Schleyer a été assassiné en Allemagne par la Rote Armee Fraktion, il s’agissait
là de terrorisme idéologique. Ce qui signifie que le terrorisme tel que nous le concevons peut
prendre des formes différentes et parfois très sournoises. Le terrorisme politique par
l’assassinat d’un préfet français en Corse pourrait être un exemple pour une liste qui serait
finalement très longue.
Pourtant, notre attention a été focalisée sur deux conflits majeurs. La guerre en Afghanistan et
la guerre en Irak, elles-mêmes précédées par ce qu’on a appelé « la guerre du Golfe » après
l’invasion du Kuweit par l’armée de Saddam Hussein. Le Proche et le Moyen- Orient sont des
zones entièrement déstabilisées et qui échappent à tout contrôle démocratique. Un phénomène
assez particulier est apparu au cours de ces dernières années. Les Etats-Unis sont les seuls à
intervenir au Proche et Moyen-Orient, avec il est vrai leurs alliés britanniques mais la zone
d’influence sur les pays arabes de ces régions est exclusivement américaine tandis que les
pays d’Europe centrent leurs efforts sur le continent africain. C’est comme si les grandes
nations s’étaient partagé leurs mondes et ne voulaient pas entrer en conflit politique sur des
sujets où la polémique pouvait surgir. Prise entre deux feux, l’ONU essentiellement
dépendante de ces puissances ne semble pas pouvoir agir ou alors de manière très
symbolique. Il n’y a pas, comme lors de la guerre du Golfe ou lors des grands conflits
mondiaux, cette fameuse union sacrée des pays alliés qui s’épaulaient mutuellement et se
soutenaient dans l’adversité contre un envahisseur commun. Lors de l’invasion de l’Irak,
l’Union européenne qui aurait pu avoir un rôle prépondérant dans le règlement de ce conflit
est apparue divisée, frileuse et sans force armée du niveau de l’armée américaine qu’on peut,
à juste titre qualifier comme la plus grande puissance mondiale, ce que personne ne conteste.
Le bloc soviétique s’est dissout lors de la chute du mur de Berlin en 1989 et ne représente
plus le contrepoids à la toute puissance américaine. Et cette situation est, paradoxalement,
dangereuse au plan de l’équilibre mondial. J’ai quelque peine, comme beaucoup d’entre nous
d’ailleurs, à déceler le vrai motif de la guerre d’Irak. Il est exact que Saddam Hussein a été
lui-même l’artisan de cette guerre en jouant au chat et à la souris avec les inspecteurs de
l’ONU. Il est quasi certain qu’il préparait la fabrication d’armes de destruction massive mais
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pour cela il devait avoir du temps. C’est exactement ce que font l’Iran et la Corée du nord
actuellement. Mais il est probable que les Etats-Unis, après septembre 2001, se sont rendu
compte que cette région du monde, dominée par l’Arabie Saoudite était devenue un foyer
d’infection et que les liens privilégiés qu’ils avaient tissés avec ce pays depuis 1945 devaient
être détricotés. Il était impossible d’attaquer l’Arabie Saoudite, terre sainte pour les
Musulmans sans mettre toute cette partie du monde à feu et à sang. Mais les pirates de l’air
qui attaquent Manhattan sont Saoudiens, Ben Laden est un prince saoudien, la propagande
wahhabite alimente les réseaux intégristes comme son argent, quasi inépuisable, arrose les
groupes islamistes
1
. Dès lors, en occupant stratégiquement l’Afghanistan et l’Irak, les troupes
US pourraient couper, économiquement, l’Arabie saoudite de ses voisins arabes.
Il ne fait pas de doute que le conflit Israélo-Palestinien qui dure depuis cinquante-cinq ans,
qui a provoqué cinq guerres et deux intifadas est le prétexte à tous les terrorismes. D’abord le
terrorisme des groupes armés palestiniens ensuite le terrorisme issu du monde arabe qui se
revendique de ce conflit. Mais ce problème du Proche-Orient ne pourra faire l’économie
d’une
conférence
internationale,
pilotée
par
ce
qu’on
appelle
aujourd’hui
le
« quartette »(Etats-Unis, Union européenne, ONU, Russie) et pour que la Palestine ne s’y
trouve pas isolée, on devra adjoindre à cette conférence deux pays qui ont signé un traité de
paix avec leur voisin israélien, l’Egypte et la Jordanie
2
. Mais voilà, est- on certain dans le cas
positif où les protagonistes se mettraient autour de la table d’atteindre des résultats meilleurs
que ceux engendrés par une série d’autres conférences sur le conflit de cette région du
monde ? Oui, si tant est Palestiniens qu’Israéliens sortaient du ghetto dans lequel ils se sont
placés et dans lequel ils se livrent une lutte mortelle, et oui encore si une force de paix
multinationale s’interposait entre les belligérants.
Si les méthodes utilisées par les Palestiniens pour faire valoir leurs droits sont inacceptables,
la manière dont les Israéliens tentent de contrer ce terrorisme est vouée à un échec certain à
moins que, ce qui est évidemment improbable et suicidaire, l’armée israélienne détruisait
toute la Palestine. Après les attentats du 11 septembre 2001 à New York, les Etats-Unis ont
utilisé la force militaire pour envahir l’Afghanistan, ce que la plupart des observateurs ont
approuvé mais aussi l’Irak sous le prétexte que ce dernier pays possédait des armes de
« destruction massive » ce qui est, avec le temps, de moins en moins crédible. L’Afghanistan
1
A. Glucosane- Le Soir-13.10.2003.
2
J. Gevers-Le Vif l’Express- 3.10.2003.
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protégeait et aidait le réseau Al-Qaïda. On peut estimer suivant des sources fiables qu’environ
5000 sympathisants de Ben Laden se sont entraînés dans des camps afghans et indonésiens.
On ignore par contre tout du nombre exact des membres de Al-Qaïda dans le monde.
Les moyens mis en oeuvre pour contrer le terrorisme international ont raté leurs objectifs car
plutôt que de centrer leurs moyens considérables sur l’infiltration et la déstabilisation des pays
favorables aux mouvements terroristes, les Américains ont choisi la guerre conventionnelle
pour attaquer des organisations qui étaient tout ce qu’on peut détester dans une guerre sauf
une armée conventionnelle.
Les attentats du 11 septembre 2001 et Al-Qaïda.
Nous l’avons déjà souligné, les attentats de New York ont été un séisme à l’échelle planétaire
par le nombre des victimes, par le lieu où cela s’est produit et par les moyens utilisés. Mais
au-delà de l’horreur, une question s’est posée de manière récurrente : comment n’a t’on pas
pu prévenir ou au moins découvrir les prémices d’un tel attentat sur le sol américain lui-
même ?
J’esquisserai quelques pistes qui me paraissent plausibles.
Ayant connu à une échelle plus modeste, en Belgique, les différends entre services de police,
il a fallu conclure après l’affaire « Dutroux » et quelques autres que des services oeuvrant
dans un même secteur ne pouvaient pas répondre à des commandements différents. Le FBI et
la CIA, deux agences puissantes, se faisaient la guerre depuis des années. Cela se voyait et
cela se sentait par tous les services de sécurité étrangers qui étaient amenés à travailler avec
eux. En raison des moyens qu’ils déployaient pour leurs activités respectives et des budgets
qu’ils géraient, le FBI et la CIA pouvaient recueillir, collecter et archiver des milliers de
renseignements sur beaucoup d’organisations et sur des centaines de milliers de personnes. Il
est probable que leur manque de collaboration et la méfiance réciproque n’ont pas permis que
des renseignements précieux soient analysés et exploités. Le fractionnement des
renseignements a été fatal aux Etats-Unis comme il a été fatal en Belgique lors d’affaires
récentes. Ce type de rivalité n’est pas propre aux Etats-Unis mais existe dans tous les pays où
différentes agences de sécurité fonctionnent avec des commandements différents et des
renseignements cloisonnés.
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Personne n’est à l’abri, où que ce soit dans le monde, d’un attentat isolé mais personne n’a
compris qu’une attaque d’une telle envergure ait pu se produire le 11 septembre 2001 et là il y
a eu, incontestablement, des fautes importantes.
La force d’une organisation comme Al-Qaïda est son cloisonnement mais aussi ses finances
alimentées non seulement par la fortune personnelle de son leader mais également par l’aide
apportée, en logistique et en argent, par certains gouvernements arabes. De même, comme on
en parlera d’autre part, l’argent généré par des activités illicites comme le trafic des êtres
humains ou encore des stupéfiants et les liens avec les organisations criminelles apportent, par
le canal du blanchiment, de l’argent frais en permanence.
On attribue avec une quasi-certitude, des implantations de Al-Qaïda ou des mouvements qui
lui sont proches dans de nombreux pays : Afghanistan, Algérie, Bosnie, Tchétchénie, Erytrée,
Kosovo, Philippine, Somalie, Tadjikistan, Yemen mais aussi des actions en Amérique du
Nord et du Sud et en Asie du Sud-est. L’attaque sanglante en octobre 2002, sur l’île de Bali
ainsi que celles à Casablanca au Maroc ou contre une mosquée en Tunisie prouve à suffisance
que si la force de frappe des terroristes islamiques a été fortement ébranlée, elle reste toutefois
redoutable. Je ne pense cependant pas que ces terroristes répondent à un commandement
unique structuré comme on le concevrait dans une armée régulière. Le meilleur vecteur de
communication à travers le monde et qui maintient un certain contact entre ces groupes, ce
sont les médias. Il n’est point besoin d’utiliser un téléphone ou un GSM pour savoir si un
attentat a réussi ou s’il a échoué, tant les télévisions que les radios ou les journaux qui sont,
souvent, plus rapidement sur l’événement que les services de police offrent cette
communication. Pour les attentats du 11 septembre 2001, on les a pratiquement vécus en
direct. Pouvait-on, pour les terroristes associés à cet acte rêver d’un meilleur débriefing. Par
les analyses ultérieures diffusées plus tard sur Internet par toute une série de consultants et de
politologues ou autres spécialistes, les terroristes ont même été informés de ce qu’il ne fallait
plus faire à l’avenir pour éviter un échec. Mais, d’autres moyens de communication sont
utilisés, toujours via Internet ou encore par toutes les technologies modernes que nous
connaissons actuellement. Ainsi, lorsque deux faux-journalistes, munis de passeports belges,
se rendent en Afghanistan, le 9 octobre 2001 et y assassinent le commandant Massoud, cela se
passe deux jours avant les attentats de New York. Il est évident qu’à ce moment, il ne s’agit
plus de hasard mais bien d’une action concertée à deux endroits très éloignés les uns des
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autres. Il n’est pas impossible que l’assassinat de Massoud ait été le signal de la mise en
oeuvre des attentats aux Etats-Unis. C’est une supposition mais elle est plausible.
La « désunion » européenne et les libertés.
Comme j’ai eu l’occasion de le dire à cette même tribune en octobre 2001, peu après les
attentats en Amérique, l’Europe de la sécurité est balbutiante. Si on trouve des carrefours de
réflexion européens tel qu’Europol, on ne trouve pas une direction européenne de la sécurité
digne de ce nom. Un organe qui peut collecter les renseignements de tous les pays européens,
les mettre en commun et les analyser. La « vieille » Europe comme disent certains est
certainement vieille par ses concepts sécuritaires. Chacun, et les grands pays en premier lieu,
tient à ses secrets, tient aussi au fait qu’il puisse rester maître de ses services de sécurité et de
sa souveraineté nationale. Alors qu’il y a des congrès de médecins ou on échange les derniers
progrès médicaux, on échange peu de renseignements très sensibles en Europe. Ce qu’on
reprochait aux Etats-Unis a été rapidement balayé après l’attentat majeur qui a frappé cette
nation. Les services de sécurité FBI et CIA ont été placés sous administration commune et le
25 octobre 2001, a une large majorité, le congrès américain adoptait le « USA Patriot Act »
donnant des pouvoirs accrus à la justice pour des actions spécifiques de terrorisme ou de
préparation de terrorisme allant jusqu’à la destitution de nationalité et l’expulsion du territoire
des Etats-Unis pour ceux qui auraient fomenté des actes terroristes. Les écoutes ont été
renforcées
Le système Echelon dépendant de l’accord Ukusa rassemblant les Etats-Unis, le Royaume-
Uni, le Canada, l’Australie et la Nouvelle-Zélande a été amplifié, ce qui a posé des problèmes
importants au sein même de l’Union européenne puisque la Grande-Bretagne est membre de
cette Union et qu’elle participe à des échanges de renseignements, sur base d’Echelon. Elle
utilise des écoutes téléphoniques au sein même de l’Europe, ce qui pose problème pas
spécialement en rapport avec la sécurité mais par rapport à l’espionnage économique
éventuel.
Tout cela n’est donc pas si simple et lorsqu’on dit que la vieille Europe n’est pas très
enthousiaste à l’idée de participer à des échanges de renseignements bilatéraux et
multilatéraux avec les pays d’Outre-Atlantique, on peut la comprendre. Car, la lutte contre le
terrorisme comme celle contre la criminalité organisée passe par une perte importante de nos
libertés individuelles et de nos valeurs. A chaque fois qu’une loi est adoptée pour contrer le
terrorisme ou la criminalité organisée, c’est un peu de liberté qui est enlevée aux honnêtes
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gens. Nous devons nous faire à l’idée que si nous voulons un monde plus sûr, nous devrons
perdre une partie de nos libertés. C’est un prix à payer et il est lourd. Si ceux qui possèdent les
clés de notre liberté les utilisent mal, alors il faudra réfléchir « si le monde d’avant » n’était
pas préférable à celui qu’on veut nous créer.
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