A la recherche du tant perdu - article ; n°1 ; vol.14, pg 117-169
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Description

Revue française d'économie - Année 1999 - Volume 14 - Numéro 1 - Pages 117-169
Pourquoi la croissance a-t-elle été moindre au cours des vingt-cinq dernières années que durant les Trente Glorieuses ? Quelles sont les conséquences de ce ralentissement sur le fonctionnement des économies ? La thèse avancée dans cet article est celle d'un retour des économies occidentales sur la frontière technologique, situation similaire à celle du dix-neuvième siècle, après six décennies de crise puis de rattrapage. Les institutions qui ont été efficaces dans les conditions du rattrapage, regroupées sous le label de « l'économie administrée », trouvent leurs limites dans une situation où l'innovation, notamment technologique, est à nouveau le moteur de la croissance. Une croissance fondée sur l'innovation appelle une plus forte concurrence sur les marchés des biens, des capitaux et du travail, en même temps qu'elle engendre une plus grande turbulence micro-économique et un niveau plus élevé d'inégalités de revenus. Les crises politiques, financières ou sociales de la première moitié du vingtième siècle étaient directement ou indirectement liées à la prégnance du mécanisme de marché. Le retour de celui-ci appelle donc la mise en place de mécanismes correctifs propres à éviter que l'histoire ne se répète.
Why was economic growth slower for the last 25 years than in the post war era ? What are the consequences of this slowdown on the way economies work ? This article argues that western economies are back on the technological frontier, as they were in the nineteenth century, after sixty years of trouble and catch-up. The institutions which worked efficiently in the catch up conditions, named « regulated economy », are inefficient in a situation in which innovation, notably technological innovation, is again the engine of growth. Innovation-based growth calls for more intensive competition on the goods, capital and labour markets, it generates more micro-economic turbulence and higher income inequalities. Political, financial or social crises of the first half of the twentieth century were directly or indirectly related to the dominance of the market mechanism. Only the setting up of correcting mechanisms may avoid that history now repeats itself.
53 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 9
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Dominique Guellec
A la recherche du tant perdu
In: Revue française d'économie. Volume 14 N°1, 1999. pp. 117-169.
Citer ce document / Cite this document :
Guellec Dominique. A la recherche du tant perdu. In: Revue française d'économie. Volume 14 N°1, 1999. pp. 117-169.
doi : 10.3406/rfeco.1999.1075
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1999_num_14_1_1075Résumé
Pourquoi la croissance a-t-elle été moindre au cours des vingt-cinq dernières années que durant les
Trente Glorieuses ? Quelles sont les conséquences de ce ralentissement sur le fonctionnement des
économies ? La thèse avancée dans cet article est celle d'un retour des économies occidentales sur la
frontière technologique, situation similaire à celle du dix-neuvième siècle, après six décennies de crise
puis de rattrapage. Les institutions qui ont été efficaces dans les conditions du rattrapage, regroupées
sous le label de « l'économie administrée », trouvent leurs limites dans une situation où l'innovation,
notamment technologique, est à nouveau le moteur de la croissance. Une croissance fondée sur
l'innovation appelle une plus forte concurrence sur les marchés des biens, des capitaux et du travail, en
même temps qu'elle engendre une plus grande turbulence micro-économique et un niveau plus élevé
d'inégalités de revenus. Les crises politiques, financières ou sociales de la première moitié du vingtième
siècle étaient directement ou indirectement liées à la prégnance du mécanisme de marché. Le retour de
celui-ci appelle donc la mise en place de mécanismes correctifs propres à éviter que l'histoire ne se
répète.
Abstract
Why was economic growth slower for the last 25 years than in the post war era ? What are the
consequences of this slowdown on the way economies work ? This article argues that western
economies are back on the technological frontier, as they were in the nineteenth century, after sixty
years of trouble and catch-up. The institutions which worked efficiently in the catch up conditions,
named « regulated economy », are inefficient in a situation in which innovation, notably technological
innovation, is again the engine of growth. Innovation-based growth calls for more intensive competition
on the goods, capital and labour markets, it generates more micro-economic turbulence and higher
income inequalities. Political, financial or social crises of the first half of the twentieth century were
directly or indirectly related to the dominance of the market mechanism. Only the setting up of correcting
mechanisms may avoid that history now repeats itself.Dominique
GUELLEC
A la recherche
du tant perdu
omniprésence de la mondialisation, évolution chaos des de marchés technologies, imprév
isibles, tassement de la croissance, accentuation des inégalit
és, chômage : le monde des années quatre-vingt et quatre-vingt-
dix contraste avec celui d'« avant », celui des Trente Glorieuses,
cette période qui va de la fin de la Seconde Guerre mondiale
jusqu'au premier choc pétrolier. Nombreux sont ceux, notam
ment parmi les Français, qui en conçoivent une réelle angoisse. 118 Dominique Guellec
C'est le « tant perdu » qui ouvre la porte à « l'horreur écono
mique »... Que s'est-il passé ?
Il est fréquent que cette question soit abordée en prenant
les Trente Glorieuses comme norme, représentant le potentiel de
croissance d'une économie « bien gérée ». Et de chercher le res
sort qui se serait cassé depuis lors, empêchant le monde de pour
suivre sur cette trajectoire idéale. La bonne politique serait ainsi
de réparer ce ressort pour en retrouver les effets bénéfiques.
La perspective ici est toute autre. Les Trente Glorieuses
ont constitué une période atypique, une exception historique, et
le monde que nous connaissons maintenant reflète le retour à un
régime « normal » de l'économie, normal en ce sens qu'il est le
seul régime qui soit compatible avec la croissance dans le long
terme. L'on vit à la fois le retour à un rythme de croissance
cohérent avec celui du progrès technique et le retour du marché
comme mécanisme de coordination essentiel des activités éco
nomiques, après la double éclipse due au rattrapage et à l'éc
onomie administrée. Mondialisation, révolution technologique
permanente, concurrence, turbulence micro et macro-écono
mique et inégalités sont des traits essentiels au capitalisme de mar
ché, comme l'avaient reconnu les observateurs dès les origines,
de Adam Smith à Karl Marx. Ce sont ces maux que l'on retrouve
aujourd'hui. Ayant trébuché sur des obstacles qu'il n'avait pu fran
chir ou qu'il avait lui-même créés — inégalités sociales, conflits
armés entre nations, crise financière — le marché a rendu les
armes dans les années trente. Après trois décennies de croissance
lente, commençant en 1914, un processus de rattrapage de trente
années en Europe, un peu moins aux Etats-Unis, un peu plus au
Japon, s'est opéré à partir de 1945. Ce rattrapage — progrès tech
nique gratuit, ou croissance sans innovation si l'on veut — repos
ait largement sur l'exploitation d'innovations réalisées durant
Г entre-deux-guerres ou la Seconde Guerre mondiale. Il a permis
aux économies de retrouver la frontière technologique dont crises
et guerres les avaient éloignées. Le système de capitalisme admin
istré, supplantant le capitalisme de marché, a dominé durant
les décennies du rattrapage. Il a permis à la fois de sauver le
capitalisme des contradictions dans lesquelles il s'était enfermé, Dominique Guellec 119
et d'obtenir dans les conditions du rattrapage une croissance
maximale.
Le rattrapage s'est achevé au milieu des années soixante-
dix. Avec l'affaiblissement des facteurs qui l'avaient promue,
l'économie administrée a trébuché. Si la planification est efficace
pour allouer les ressources à des usages bien définis et bien comp
ris, par exemple produire toujours plus d'acier, elle est par
contre incapable d'explorer et de choisir entre les multiples voies,
technologiques ou organisationnelles, qui s'offrent à chaque ins
tant à une économie sur la frontière. Il n'y a plus maintenant de
trésor technologique et organisationnel où piocher à faible coût,
de trajectoire de développement toute tracée. Puisqu'il faut à
nouveau innover pour croître, il faut des entrepreneurs qui invent
ent, il faut la concurrence entre les solutions qu'ils offrent, il faut
le marché pour finalement choisir. Les mécanismes de décision
collective sont trop rigides et trop lents pour gérer des proces
sus incertains et turbulents. Seul le processus concurrentiel peut
révéler toute l'information nécessaire pour que les choix soient
efficaces dans ce contexte. Le marché est revenu, appelé par des
contraintes d'efficience (dont la concurrence internationale est
le véhicule le plus visible), et par des groupes sociaux qui espè
rent jouer un rôle accru dans ce nouveau contexte. Ces phéno
mènes qui étaient ceux du siècle dernier — chômage et inégalit
és, instabilité financière et déflation rampante - reviennent
maintenant, comme des conséquences fatales du retour du marc
hé. Il ne faut cependant pas attribuer au marché tous nos maux.
D'abord, certains sont produits ou renforcés par la croissance ten-
danciellement plus lente, qui n'offre pas les opportunités de
redistribution d'une période de rattrapage. De plus, surtout en
France, la transition est encore inachevée et le système administré
règne sur des pans entiers de l'économie alors que les condi
tions ne lui correspondent plus. Si par nature le marché favorise
l'exclusion, il ne donne pas forcément à celle-ci la forme d'un
chômage de masse structurel, permanent : c'est lorsque l'Etat-
providence contrôle ou régule les marchés des biens ou du tra
vail que cela se produit. L'Europe au tournant du siècle est dans
la position inconfortable où elle paie les coûts du marché en 120 Dominique Guellec
même temps que ceux du système administré, ne bénéficiant plus
des avantages de celui-ci, et encore peu des avantages de celui-là.
Si l'économie retrouve à la fin du vingt

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