Entretien - article ; n°2 ; vol.14, pg 3-31
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Description

Revue française d'économie - Année 1999 - Volume 14 - Numéro 2 - Pages 3-31
29 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1999
Nombre de lectures 10
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Denis Kessler
Entretien
In: Revue française d'économie. Volume 14 N°2, 1999. pp. 3-31.
Citer ce document / Cite this document :
Kessler Denis. Entretien. In: Revue française d'économie. Volume 14 N°2, 1999. pp. 3-31.
doi : 10.3406/rfeco.1999.1078
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1999_num_14_2_1078Denis
KESSLER
Entretien
remercie d'avoir bien voulu a répondre Revue française à ses questions. d'économie vous
RFE : Après les chocs subis par l'économie mondiale depuis l'été
1997, les experts redeviennent optimistes et anticipent une reprise,
y compris dans les pays émergents. Quelles mesures de politique 4 Denis Kessler
économique seraient, selon vous, nécessaires pour consolider la
reprise en France et écarter tout risque de dépression ?
Denis Kessler : L'économie mondiale est, semble-t-il, entrée
depuis le début des années quatre-vingt-dix, dans un nouveau cycle
long de croissance, un cycle de type Kondratieff, alimenté par la
vague des nouvelles technologies. Il est évident que depuis une
trentaine d'années, beaucoup de secteurs ont connu des progrès
technologiques — je pense au domaine spatial, aux bio-technolo
gies,... - mais ces progrès leur sont spécifiques. Avec ce que l'on
appelle les nouvelles technologies, qui concernent essentiell
ement la transmission et le traitement de l'information, on assiste
à un phénomène intersectoriel, qui concerne quasi-simultanément
toutes les activités industrielles et de services, toutes les fonctions
de l'entreprise, toutes les organisations... Aussi, avec les nouv
elles technologies, sommes-nous assez proches du phénomène
historique de croissance causé par l'apparition et le développe
ment de l'électricité. Ces nouvelles technologies en se diffusant
dans le monde plus rapidement que par le passé, ont des effets
multiples : elles génèrent partout des gains de productivité, elles
transforment en profondeur les structures et le fonctionnement
des organisations, elles permettent surtout la mise au point de
biens et services nouveaux, ouvrant ainsi d'autres marchés dans
tous les domaines. Au début d'un Kondratieff, c'est l'offre, au sens
large du terme, qui joue le premier rôle.
La France a toujours été présente à la pointe des vagues
technologiques antérieures. Cela a été vrai dans le domaine de l'a
utomobile, de l'aéronautique et du spatial, du nucléaire, du pneu
matique, de la chimie, du pétrole... Tel n'est pas le cas aujourd'hui.
La vague des nouvelles technologies nous a pris en quelque sorte
par surprise et nous ne surfons pas dessus comme nous le pour
rions ! Les pouvoirs publics se sont trompés de diagnostic, en
croyant que le remède à la crise et au chômage passait par des poli
tiques macro-économiques traditionnelles de soutien de la
demande. Il aurait au contraire fallu tout miser sur la régénéra
tion de l'offre.
Nolens volens, la France est en retard, que ce soit pour
s'engager dans la désinflation ou dans la réduction du déficit Kessler 5 Denis
public, dans la restructuration de l'Etat ou dans la privatisation
des entreprises, dans la réforme des systèmes de transferts sociaux
ou dans le soutien à la recherche et au développement. Beaucoup
de restructurations ont été différées, les adaptations nécessaires ont
été à chaque fois repoussées. Vous savez, les nouvelles technolog
ies ne tombent pas du ciel : il faut les concevoir, les maîtriser,
les produire, les diffuser... Seul le secteur marchand est susceptible
de créer et d'entretenir ce bouillonnement, à condition qu'on lui
en laisse les moyens, qu'on l'encourage. Au contraire, on l'a étouffé
sous le poids des prélèvements et des réglementations, et l'on a sté
rilisé les ressources de la nation en procédant à des ravaudages
inutiles et fragiles d'un modèle public et social dépassé.
RFE : Vous ne croyez donc pas à l'efficacité des politiques de ges
tion de la demande ?
DK : Nous avons, avouons-le, un problème culturel. On a fait
croire aux Français que la solution aux problèmes du chômage,
de croissance ralentie, etc. passait par la poursuite de politiques
conjoncturelles macro-économiques de type keynésien. Il était
d'ailleurs de bon ton en France de se gausser des
d'offre menées dans le monde à partir des années quatre-vingt.
On a étouffé la culture entrepreneuriale — l'entreprise devait être
obéissante, encadrée et ponctionnée. On a glorifié la culture
publique — la société se change par lois et décrets. On a négligé
la culture technologique - en se complaisant dans la répétition
litanique des symptômes (chômage, banlieues, exclusion...) plu
tôt que dans l'explication des remèdes. On a dévalorisé la cul
ture du changement - en présentant toute évolution comme
une contrainte imposée par l'Europe, la mondialisation...
Soyons clair : dans le contexte présent d'un nouveau
cycle long de croissance, les politiques de gestion de la demande
sont inefficaces. On peut éventuellement soutenir la en
fin de cycle pour encourager les biens et services existants. Mais
dans la phase dans laquelle nous sommes entrés depuis une quin
zaine d'années, c'est l'offre qu'il faut soutenir, puisqu'il s'agit de
créer des biens et services nouveaux suscitant une nouvelle
demande, qui génère elle-même des revenus, etc. Les années 6 Denis Kessler
quatre-vingt-dix auraient dû être entièrement consacrées à une
politique active de développement d'une offre nouvelle par une
action systématique sur tous les facteurs : création d'entreprises,
investissement, recherche-développement, incitation à l'effort
productif, financement long...
Vous constaterez avec moi que, si l'on considère ces divers
facteurs, la situation n'est pas réjouissante : les créations d'entre
prises ont fortement décru (-14 % depuis 1990) pour atteindre un
niveau très bas et leur mortalité « infantile » figure parmi les plus
élevées (moins de 50 % des entreprises créées survivent au-delà de
cinq ans) ; l'investissement productif a tout juste retrouvé en 1998
son niveau de 1990 (ce qui n'est pas encore le cas dans l'investi
ssement industriel), alors qu'il a augmenté de près de 70 % aux Etats-
Unis. L'âge moyen des équipements s'est élevé en France et les der
nières générations de capital n'ont pas été implantées partout, ce
qui pose à terme un problème de compétitivité. La recherche-
développement reste trop publique, comme en témoigne la faiblesse
en France du ratio « chercheurs en entreprise/ total des chercheurs »
(44 % contre 56 % en Allemagne, au Royaume-Uni et en Suède,
et 80 % aux Etats-Unis) et le nombre de brevets a quasi stagné alors
qu'il progresse fortement dans des pays comme les Etats-Unis ou
le Royaume-Uni. L'effort productif n'est pas encouragé comme le
montrent les taux records de l'impôt sur le revenu, les hausses
répétées de l'impôt sur les sociétés, l'alourdissement de la fiscalité
des stock options, les menaces répétées d'élargissement de l'as
siette de l'ISF... Et, cerise sur le gâteau, on a décidé en France de
réduire autoritairement le temps de travail, ce qui témoigne une
nouvelle fois de cette politique de contraction de l'offre product
ive. Le signe d'ailleurs le plus tangible du caractère périmé de la
politique économique française est le caractère obsessionnel des pro
blèmes de répartition et la très grande négligence - ou indifférence -
à l'égard des exigences d'accumulation.
RFE : Vous critiquez directement la politique économique fran
çaise, mais est-elle vraiment spécifique de ce point de vue ?
DK : Nous ne sommes pas entrés dans le cycle économique
actuel avec l'élan, la vision et la volonté qui nous auraient per- Kessler 7 Denis
mis d'expliquer à la collectivité nationale quelles étaient les
réformes indispensables à mener pour qu'elle se mobilise et s'en
gage dans un processus vertueux de croissance durable. Donner
la priorité aux facteurs d'offre, aux secteurs concurren

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