Harris Lectures (1931) - article ; n°1 ; vol.1, pg 127-158
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Description

Revue française d'économie - Année 1986 - Volume 1 - Numéro 1 - Pages 127-158
32 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1986
Nombre de lectures 21
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

John Maynard Keynes
Harris Lectures (1931)
In: Revue française d'économie. Volume 1 N°1, 1986. pp. 127-158.
Citer ce document / Cite this document :
Keynes John Maynard. Harris Lectures (1931). In: Revue française d'économie. Volume 1 N°1, 1986. pp. 127-158.
doi : 10.3406/rfeco.1986.1108
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1986_num_1_1_1108Maynard John
KEYNES
Harris Lectures
(1931)
lre Conférence
es origines
du chômage mondial
Nous vivons aujourd'hui la plus grande catastrophe économi
que du monde moderne — la plus grande due
presque entièrement à des causes économiques. On me dit
qu'à Moscou, l'on considère que ceci est la dernière et la 128 John Maynard Keynes
suprême crise du capitalisme, et que Tordre social existant n'y
survivra pas. On croit aisément ce qu'on désire. Mais si cette
crise se trouve plus tard analysée par l'historien économique,
il y a, c'est vrai, une possibilité — je n'irai pas plus loin —
qu'elle soit interprétée comme un tournant majeur. Car il y a
une possibilité que la durée de la crise économique soit bien
plus longue que ce à quoi s'attendent la plupart des gens, et
qu'il y ait un grand changement à la fois dans nos idées et
dans nos méthodes avant que nous n'en sortions. N'est pas
en cause, bien sûr, la durée de la phase aiguë de la crise éco
nomique, mais celle de la demi-crise, d'une croissance infé
rieure à la normale, qui, succédant probablement à la phase
aiguë, s'éternisera.
Pas plus qu'une possibilité, cependant. Car je crois
profondément que notre destin est entre nos mains et que
nous pouvons sortir de cette crise si nous effectuons les choix
adéquats — ou plutôt si ceux qui détiennent l'autorité de par
le monde les font.
Mon propos est de tenter d'analyser les origines de
la crise. Car je ne vois pas très bien comment nous pourrions
trouver les moyens d'en sortir si nous ne repérons pas ses ori
gines et si notre diagnostic n'est pas correct. J'utiliserai mes
propres théories sur le fondement monétaire du cycle et, par
conséquent, je suppose acquis un certain degré de familiarité
avec ces théories ; mais je n'exigerai pas un de
trop important, pour ne pas gêner ceux qui ne les connaissent
pas.
Je ne vois aucune raison d'avoir le moindre doute
quant à la cause initiale de la crise économique. Examinons
brièvement l'histoire des événements à partir d'environ 1924
ou 1925. A cette époque, ou peu après, les perturbations qui
avaient suivi — peut-être inévitablement — la guerre, le traité
de paix et le rétablissement des relations économiques inter
nationales, semblaient s'estomper. La confiance était plus ou
moins restaurée, le système financier international fonction- John Maynard Keynes 129
nait librement et si certains pays européens avaient encore de
sérieuses difficultés à surmonter, de par le monde le contexte
semblait favorable. Il était communément admis que le réta
blissement de l'étalon-or achèverait le retour à la prospérité et
qu'une période sans fin d'accroissement des richesses s'ouvrait
devant les nations industrialisées dynamiques. Et, de fait, ce
fut le cas durant environ quatre ou cinq ans, si l'on ne tient
pas compte de quelques troubles intérieurs en Grande-
Bretagne (je ne traite pas, sauf incidemment, du problème bri
tannique). Quelle fut la caractéristique principale de cette
période ? Quand et comment furent enclenchés les mécanis
mes fauteurs de troubles ?
La caractéristique principale fut une volonté extra
ordinaire de s'endetter pour financer l'investissement réel, à
des taux d'intérêt très élevés — taux d'intérêt qui, avant-
guerre, auraient paru extravagants, et qui jamais dans
l'histoire du monde n'ont pu être dégagés, dirais-je, par une
entreprise moyenne sur un nombre donné d'années. Ce
comportement ne s'est peut-être pas retrouvé dans le monde
entier, mais dans sa majeure partie. Prenons d'abord le cas
des Etats-Unis, puisque les Etats-Unis ont occupé durant toute
cette période une position clé. L'investissement dans ce pays a
été quelque chose de prodigieux, d'incroyable. Au cours des
quatre années 1925-1928, les chantiers ouverts aux Etats-Unis
ont représenté en valeur une somme de 38 milliards de doll
ars. Ce qui représente — incroyable mais vrai ! — un rythme
de 800 millions de dollars par mois pendant quarante-huit
mois consécutifs, soit le double du rythme de construction au
cours des années 1919-1922, et je dois ajouter : plus du double
du rythme actuel. Ce n'est pas tout. Le paiement à tempéra
ment, qui représente une sorte de semi-investissement,
progressa au même rythme. Et, plus important encore, les
Etats-Unis étaient acheteurs nets de toutes sortes d'obliga
tions étrangères, de qualité variable, et, dans le même temps,
un prêteur net au reste du monde pour l'investissement. 130 John Maynard Keynes
Par cette politique généreuse de prêts à l'extérieur,
les Etats-Unis jouaient donc sur une échelle importante un
rôle de canalisateur pour l'épargne d'Européens plus prudents
qui avaient moins confiance dans leur propre prospérité que
les Américains dans la leur; en conséquence, ces émissions
d'obligations étrangères sur le marché financier américain
étaient souvent largement financées par des fonds à court
terme que le reste du monde déposait à New York pour des
motifs de sécurité ou de liquidité. Dans le même temps, la
Grande-Bretagne prêtait de façon substantielle. On estime
que, globalement, le montant net des prêts à l'étranger des
pays exportateurs de capitaux s'élevait en 1925 à environ
2,3 milliards de dollars. Naturellement, le résultat fut de favor
iser les plans d'investissement à travers le monde, en particul
ier en Amérique du Sud. Tous les pays d'Amérique du Sud
purent ainsi financer toutes sortes de projets bons ou mauvais.
Un pays relativement petit comme la République de Colomb
ie, pour prendre un exemple, put emprunter — j'ai oublié le
chiffre exact — quelque chose comme 200 millions de dollars
à New York en très peu de temps. Les taux d'intérêt étaient
assurément élevés. Mais prêteurs et emprunteurs étaient bien
disposés. L'Allemagne, comme nous le savons tous, était un
autre pays à la fois capable et désireux d'emprunter sur une
très large échelle ; ainsi, en 1925, elle emprunte à elle seule des
sommes approchant le milliard de dollars.
Cette liberté d'emprunt fut dûment relayée par des
programmes d'investissement. En France, le bâtiment connut
une activité soutenue, en Allemagne l'industrie fiit reconst
ruite et les travaux publics locaux menés sur une échelle
gigantesque, en Espagne le régime dictatorial se lança dans
d'énormes travaux publics ; de fait, dans presque tous les pays
européens, une large part de la force de travail et du capital
furent employés à la construction, consommant donc sans les
produire des biens de consommation. Ceci vaut également
pour toute l'amérique du Sud et l'Australie. Même en Chine, John May nard Key nes 131
la guerre civile chronique détourna des sommes considérables
du secteur produisant lès biens de consommation, ce qui
l'apparente à un plan d'investissement, même si les gains
qu'on en tire ne valent rien. En Russie, à la même époque,
des efforts immenses furent déployés pour diriger une part
exceptionnellement importante des richesses de la nation vers
le capital.
Il n'y eut en fait qu'une seule exception d'impor
tance, à savoir la Grande-Bretagne. Dans ce pays, l'investiss
ement se maintint sur la période à un niveau relativement
modéré. Le développement du réseau routier et les program
mes de logements le soutinrent. Mais le retour à l'étalon-or et
le déclin relatif d'exportations britanniques traditionnelles
entamèrent sérieusement sa capacité à investir à l'étranger
une part de son épargne aussi importante que durant la
période de

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