La négociation des salaires en France : une perspective institutionnaliste - article ; n°4 ; vol.9, pg 137-167

Laurence Baraldi, Bruno Lamotte

Description

Revue française d'économie - Année 1994 - Volume 9 - Numéro 4 - Pages 137-167
Les problèmes de chômage et d'emploi conduisent à une grande attention pour la négociation des salaires en France. On peut interpréter cette négociation soit à partir des mécanismes de marché, en termes de déformation de la concurrence, soit à partir du fonctionnement du système d'emploi, en termes de régulation économique. Ces deux grilles de lecture sont confrontées ici aux principaux problèmes posés par la négociation collective sur la période ouverte en 1982: degré d'influence des négociations sur les salaires réels, problème du niveau optimal de la négociation, en référence aux pratiques différentes des pays de l'O.C.D.E., impact des lois Auroux, qui décentralisent les négociations, question de l'évolution de la relation salariale au terme de la longue période de mutation ouverte dans les années 1970.
Since 1982, new legislation has changed collective bargaining in France. A number of studies have attempted to explain and assess these changes. This paper provides a survey of these studies. Unemployment has led to a greater emphasis being laid on wage bargaining. There are two major approaches in French analysis of these issues. Some models explain the action of labour unions in terms of the labor market. Other approaches to the wage relation nexus focus on the role of social institutions. This paper discusses the relevance of such models to the French case.
31 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

• Publié par: REVUE_FRANCAISE_D-ECONOMIE
• Publié le: 01 janvier 1994
• Nombre de lectures: 33
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Laurence Baraldi
Bruno Lamotte
La négociation des salaires en France : une perspective
institutionnaliste
In: Revue française d'économie. Volume 9 N°4, 1994. pp. 137-167.
Résumé
Les problèmes de chômage et d'emploi conduisent à une grande attention pour la négociation des salaires en France. On peut
interpréter cette négociation soit à partir des mécanismes de marché, en termes de déformation de la concurrence, soit à partir
du fonctionnement du système d'emploi, en termes de régulation économique. Ces deux grilles de lecture sont confrontées ici
aux principaux problèmes posés par la négociation collective sur la période ouverte en 1982: degré d'influence des négociations
sur les salaires réels, problème du niveau optimal de la négociation, en référence aux pratiques différentes des pays de
l'O.C.D.E., impact des lois Auroux, qui décentralisent les négociations, question de l'évolution de la relation salariale au terme de
la longue période de mutation ouverte dans les années 1970.
Abstract
Since 1982, new legislation has changed collective bargaining in France. A number of studies have attempted to explain and
assess these changes. This paper provides a survey of these studies. Unemployment has led to a greater emphasis being laid on
wage bargaining. There are two major approaches in French analysis of these issues. Some models explain the action of labour
unions in terms of the labor market. Other approaches to the wage relation nexus focus on the role of social institutions. This
paper discusses the relevance of such models to the French case.
Citer ce document / Cite this document :
Baraldi Laurence, Lamotte Bruno. La négociation des salaires en France : une perspective institutionnaliste. In: Revue française
d'économie. Volume 9 N°4, 1994. pp. 137-167.
doi : 10.3406/rfeco.1994.968
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1994_num_9_4_968Laurence
BARALDI
Bruno
LAMOTTE
La négociation des salaires
en France: une perspective
institutionnaliste
problèmes des un étroitement regain salaires. d'intérêt économiques associés Les travaux des à économistes ce sont regain. de en P. a effet fin Cahuc De français des rattachés nombreux années et pour de à cette G. 1980 la et négociation importants Caire question a connu sont : 138 Laurence Baraldi/Bruno Lamotte
l'ampleur du chômage conduit à s'interroger sur le niveau
des salaires, et sur l'impact de la négociation collective sur ce
niveau. La diversité des niveaux possibles de négociation pose le
problème de déterminer le niveau optimal. Le renouvellement
du cadre juridique en 1982 conduit à un souci d'évaluation.
Le débat théorique sur les conventions, les règles, et l'évolution
historique de la relation d'emploi conduit directement au
questionnement des conventions collectives et des accords
d'entreprise.
La littérature traitant de ces sujets est assez importante.
Nous en proposons une lecture, en adoptant une approche de
type institutionnaliste, telle qu'elle est définie par R. Freeman
et J. Medoff [1980]. L'hypothèse, ainsi formulée, est que
loin d'être un simple « marchandage », la confrontation
entre employeurs et syndicats porte sur la définition de
règles salariales qui structurent la relation d'emploi. Dans
ce processus, le jeu des acteurs et le choix des niveaux de
négociation deviennent centraux.
On peut souligner que de nombreuses négociations
aboutissent à des conséquences sur les pratiques salariales:
c'est le cas des négociations sur la durée du travail, ou sur
l'emploi. C'est alors à un examen d'ensemble de la négociation
collective que l'on est conduit, et telle n'est pas notre ambition.
Nous nous centrons sur les négociations salariales ; ce principe,
toutefois, ne peut être appliqué en ce qui concerne le thème
de l'évolution de la relation salariale elle-même, qui s'élargit
nécessairement à l'ensemble des déterminants du salaire. Les
classifications sont, en effet, directement liées au problème de
la hiérarchie des salaires et du coût relatif des qualifications.
Par ailleurs, une définition stricto sensu de la
littérature économique conduirait en la matière à privilégier
les approches relevant de l'individualisme méthodologique et
des raisonnements hypothético-déductifs. Or ces travaux sont
aujourd'hui largement disponibles et synthétisés (P. Cahuc
[1991]). Il est également important d'attirer l'attention
sur les apports à l'analyse institutionnelle de travaux
relevant d'une méthodologie plus pragmatique, ou holiste, Laurence Baraldi/Bruno Lamotte 139
et de raisonnements plus inductifs. Les travaux de l'école
régulationniste (R. Boyer [1986], B. Coriat [1979]...) se
proposent d'analyser les changements du système salarial et
l'influence des négociations sur ces derniers. Il serait, pourtant,
incomplet de s'en tenir aux travaux des seuls économistes. On
peut, en effet, montrer que les des juristes, sociologues
et historiens qui ont été entrepris ont des implications
économiques importantes.
Dans le domaine sous revue, l'information de base est
publiée chaque année par le Ministère du Travail, de l'Emploi
et de la Formation Professionnelle, sous la forme d'un bilan
annuel de la négociation collective. Ce document contient
des informations statistiques très détaillées sur la couverture
conventionnelle, la négociation interprofessionnelle, de branche
et d'entreprise, les thèmes traités. Il contient également des
analyses qui éclairent les débats de la commission nationale de
la convention collective, qui joue elle-même un rôle consultatif
dans les décisions concernant le S.M.I.C. Notre synthèse ne
couvre pas systématiquement ces bilans, elle se centre sur les
travaux qu'ils permettent et alimentent.
Notre revue se focalise sur la période ouverte en
1982 en raison de l'évolution législative qui se produit à ce
moment, mais aussi parce que ce rythme correspond à celui des
recherches: F. Sellier [1984], dans un ouvrage de référence sur
la négociation des salaires, s'arrête en 1981, et l'on dispose de
peu de travaux de synthèse sur la période suivante (consulter
éventuellement Y. Chaigneau [1988] ou G. Caire [1992],
ouvrages qui ne sont pas centrés sur cette question).
On cernera ici deux classes de problèmes. Une première
série regroupe des questions à caractère synchronique. Il
s'agit tout d'abord du problème du degré d'influence de
la négociation collective sur les salaires réels, car on peut
facilement montrer que la façon dont la négociation pèse sur
les salaires est complexe et largement indirecte: il serait même
imprudent d'écarter a priori l'hypothèse selon laquelle son rôle
est marginal, question fréquemment évoquée par les juristes et
les sociologues. Il existe ainsi une discussion peu évitable sur 140 Laurence Baraldi/Bruno Lamotte
la portée d'une formalisation de l'action syndicale au moyen
de la théorie du monopole, assez naturelle dans le contexte
américain, et assez audacieuse dans le contexte français.
Il s'agit ensuite du problème des niveaux de la
négociation que les lois de 1971 et 1982 ont modifié, voire
déstabilisé. Cela pose la question de savoir quel est le bon
niveau de négociation, à laquelle les économistes
néo-classiques croient détenir des réponses sur la base de la
théorie générale des marchés. Si, comme il est probable, les
niveaux de négociation ont des objets différenciés, le problème
pourrait plutôt être de savoir quelle est la bonne répartition
des rôles entre le politique, l'interprofessionnel, la branche,
l'entreprise et l'individuel, question qui laisse l'économiste
plus incertain.
Une deuxième série de difficultés est diachronique.
La première consiste en l'évaluation de la portée des
modifications institutionnelles sur la négociation. Les pratiques
de négociation d'entreprise ont été vitalisées par les lois Auroux.
Beaucoup soupçonnent que l'entreprise pourrait devenir sujet
de droit et productrice de ses propres règles et conventions, fût-
ce à l'intérieur de cadres