Le «fondamentalisme» de J.M. Keynes: vers une théorie générale de l incertitude - article ; n°4 ; vol.5, pg 157-189
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Le «fondamentalisme» de J.M. Keynes: vers une théorie générale de l'incertitude - article ; n°4 ; vol.5, pg 157-189

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Description

Revue française d'économie - Année 1990 - Volume 5 - Numéro 4 - Pages 157-189
33 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1990
Nombre de lectures 70
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Nicolas Jabko
Le «fondamentalisme» de J.M. Keynes: vers une théorie
générale de l'incertitude
In: Revue française d'économie. Volume 5 N°4, 1990. pp. 157-189.
Citer ce document / Cite this document :
Jabko Nicolas. Le «fondamentalisme» de J.M. Keynes: vers une théorie générale de l'incertitude. In: Revue française
d'économie. Volume 5 N°4, 1990. pp. 157-189.
doi : 10.3406/rfeco.1990.1268
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1990_num_5_4_1268Nicolas
JABKO
Le « fondamentalisme »
de J.M. Keynes : vers
une théorie générale
de l'incertitude
Doit-on reste, à un une point dans transposition s'en de passage la satisfaire? macroéconomie obligé. formalisée e Ne modèle On gagnerait-on assimile contemporaine, de IS-LM la pensée souvent (cf. pas, Hicks aujourd'hui, de ce au Keynes. modèle [1936]) moins 158 Nicolas Jabko
à tenter de mieux cerner la spécificité de Keynes, sans se
limiter à l'interprétation qui en a été simplement retenue
en général ? Le développement qui suit tend à montrer en
quoi on peut reconnaître une actualité à la pensée de
Keynes ; depuis la parution de ses œuvres complètes
[1973] , on assiste, en effet, à un certain « retour» de Keynes
dans sa version originale. L'exégèse est en cours...
A cet égard, l'article de février 1937, paru sous le
titre The general theory of employment dans le Quarterly
journal of economics, mérite d'être lu avec attention dans
une double perspective. Tout d'abord, il s'agit d'une r
éponse assez polémique aux réactions suscitées par la pu
blication de la Théorie générale l'année précédente. Cela
passe en particulier par une explicitation par l'auteur de
certains points mal compris de sa théorie. Aussi est-il clair,
aux yeux d'un G.L.S. Shackle [1966] , que cet article est «la
dernière des œuvres centrales de Keynes : rien de plus
qu'un article pour ce qui est de la longueur, et pourtant,
en fait de puissance et en tant que défi fondamental, cer
tainement l'apothéose de sa pensée» (p. 33). Cet article
est devenu, de fait, une pierre de touche que le courant
post-keynésien retient de l'œuvre du précurseur. Par
conséquent, c'est aussi dans une seconde perspective, à
savoir celle de la postérité actuelle d'un Keynes revisité,
que cet article présente un intérêt : il met clairement en
lumière des problèmes qui ne cessent de se poser en
économie théorique — notamment les problèmes d'équi
libre macroéconomique — ; il contient certaines « intui
tions», que Keynes lui-même n'a pas véritablement déve
loppées, mais qui pourraient constituer le point de départ
de nouvelles recherches. Nicolas Jabko 159
« L'état de la prévision à long terme » :
une reformulation par Fauteur
Comme dans la Théorie générale, Keynes attaque d'emblée
les hypothèses des économistes «classiques» et leur mé
thode : selon lui, ils font une utilisation excessive du calcul
— i.e. sans en examiner les fondements, les conditions de
possibilité. Ceci lui permet d'introduire le concept
d'« incertitude», ce qui consitue une remise à l'honneur
d'une distinction déjà introduite auparavant par F.H.
Knight [1921] entre l'incertitude et le risque en économie.
Keynes pousse cette idée assez loin, jusqu'au rejet des
modèles à visée praxéologique universelle : « Nous ne di
sposons [...] que de la plus vague idée des conséquences
qu'auront nos actes», allusion à peine voilée à l'interpré
tation donnée par Hicks [1936] quelques mois auparavant
avec son modèle IS-LM. Soulignons au passage la prudence
de Keynes, ici comme dans la Théorie générale (chap. 12),
quant à l'efficacité des mesures de politique économique
et à la possibilité d'en prévoir précisément les effets. L'Etat
est, d'ailleurs, remarquablement absent de l'article de
Keynes. Ceci tend à invalider la thèse très répandue — y
compris chez les « keynésiens » — selon laquelle la pensée
de Keynes serait avant tout une pensée de l'Etat. Contrai
rement à ce qu'on a pu dire souvent, il n'y a certainement
pas de dogmatisme chez Keynes en matière de politique
économique.
Tentant de dégager les origines du phénomène
radical que représente l'incertitude en économie, Keynes
aboutit à deux types d'explications.
1. Par l'évolution historique : l'activité écono
mique est désormais tout entière orientée vers l'avenir
(agrandissement, par accumulation d'investissements nets, Nicolas Jabko 160
du détour de production), par opposition aux temps ré
volus où Г auto-consommation dominait. La théorie « cla
ssique» a donc été rendue caduque par cette évolution.
D'où la nécessité de l'abandonner complètement.
2. De façon plus radicale, par une impuissance
intrinsèque à prévoir à long terme les données écono
miques grâce au seul calcul de probabilités : « Nous ne
savons pas, tout simplement.»
Mais Keynes va encore plus loin dans son analyse
de l'incertitude, et c'est en cela qu'il est vraiment novateur :
il la prolonge vers une théorie de la convention, de façon
très moderne.
Forces et faiblesses de la convention
Keynes montre le mécanisme de la convention : il s'agit de
«sauver la face» en présence de l'irréductible incertitude;
et donc «apparaître comme des hommes économiques
rationnels». Rationalité : le leitmotiv des classiques est
donné... Les agents vont donc adopter une attitude «ra
tionnelle» par simple convention; et même ils vont être
obligés de le faire, car la convention joue, en économie, le
rôle d'une prophétie auto-réalisatrice.
Or, Keynes perçoit d'ores et déjà les dangers de
l'agir conventionnel en économie : la logique de la convent
ion a une limite, qui n'est autre que cette incertitude
irréductible déjà évoquée. A trop vouloir la négliger —
puisqu'elle n'est pas rationnelle stricto sensu — on s'e
xpose d'autant plus à un retour de bâton sous la forme d'un
changement soudain et violent. Là aussi, pensons aux phé
nomènes d'éclatement des bulles spéculatives (qui peuvent
être parfaitement rationnelles) tels que ceux qui se sont
produits en octobre 1987. On en vient donc à une concept
ion fondamentale, en un sens, dans la démarche keyné-
sienne : pour Keynes, les dysfonctionnements du marché
sont beaucoup plus révélateurs des mécanismes écono- Nicolas Jabko 161
miques réels que son apparence ronronnante ; et la crise
des années 1930 lui en fournit une illustration éclatante.
Dans cette mesure, Hicks [1936] a raison de qualifier le
système keynésien de « théorie économique de la dépress
ion»... C'est également cette conception qui justifie, du
point de vue de Keynes, sa propre ambition (telle qu'elle
est affirmée dans cet article) à réformer de façon radicale
la science économique : «J'accuse la théorie économique
classique d'être elle-même une de ces jolies techniques
bien polies (...)». Néanmoins, l'auteur a tout à fait cons
cience de la difficulté que présente sa prise de position :
«J'imagine qu'un économiste classique serait prêt à ad
mettre cela», écrit-il, de façon apparemment paradoxale. Il
ne suffit pas d'accuser l'analyse « classique» de n'être qu'un
simple artifice ; et cela pour deux raisons.
1 . L'analyse classique, en tant que prophétie autor
éalisatrice, acquiert effectivement une certaine réalité in
déniable.
2. Elle est à peu près infalsifiable, pour des motifs
épistémologiques : on estime légitime qu'une science
puisse donner lieu à des simplifications, même sous la
forme de rationalisations excessives, si c'est pour mieux
rendre compte du réel — ce qui est bien le cas, du fait du
caractère de prophétie auto-réalisatrice.
Il

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