Spéculation et stabilité économique (1939) - article ; n°3 ; vol.2, pg 115-164
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Description

Revue française d'économie - Année 1987 - Volume 2 - Numéro 3 - Pages 115-164
50 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1987
Nombre de lectures 103
Langue Français
Poids de l'ouvrage 3 Mo

Extrait

Nicholas Kaldor
Spéculation et stabilité économique (1939)
In: Revue française d'économie. Volume 2 N°3, 1987. pp. 115-164.
Citer ce document / Cite this document :
Kaldor Nicholas. Spéculation et stabilité économique (1939). In: Revue française d'économie. Volume 2 N°3, 1987. pp. 115-164.
doi : 10.3406/rfeco.1987.1153
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/rfeco_0769-0479_1987_num_2_3_1153,
Nicholas
KALDOR
Spéculation et stabilité
économique (1939)
'objet du présent article est d'exami
ner les effets de la spéculation sur la stabilité économique. La
spéculation peut se définir comme l'achat (ou la vente) de
marchandises en vue d'une revente (ou d'un rachat) à une
date ultérieure, là où le mobile d'une telle action est l'anticipa
tion d'un changement des prix en vigueur, et non un avan
tage résultant de leur emploi, ou une transformation ou un 116 Nicholas Kaldor
transfert d'un marché à un autre. Ainsi, si les marchands et
autres négociants réalisent des achats et des ventes qui pour-
raient être qualifiés de «spéculatifs», leurs activités courantes
n'entrent pas dans cette catégorie. Ce qui distingue achats et
ventes spéculatifs des autres achats et ventes est que leur seul
motif est l'anticipation d'un changement imminent du prix
en vigueur. Ainsi, tout «stock spéculatif» peut être défini
comme la différence entre le montant réellement détenu et
celui qui serait détenu si, toutes choses égales d'ailleurs, le prix
de ce bien devait rester constant; ce «stock spéculatif» peut
être positif ou négatif.
La théorie traditionnelle de la spéculation considère
que la fonction économique de la est d'atténuer
les fluctuations de prix dues à des changements dans l'offre ou
la demande. Elle suppose que les spéculateurs sont des agents
dotés d'une faculté de prévoyance supérieure à la moyenne,
qui interviennent comme acheteurs à chaque fois qu'il y a un
excès provisoire de l'offre sur la demande et qui, ce faisant
tempèrent la baisse du prix; ils interviennent comme ven
deurs à chaque fois qu'il y a une insuffisance provisoire de
l'offre et, ce faisant, tempèrent la hausse des prix. En stabil
isant ainsi les prix, ou tout au moins, en modérant l'ampleur
de leurs variations, ils agissent automatiquement dans un sens
qui conduit au transfert des marchandises vers des usages où
leur utilité est supérieure. De ce fait, les gains spéculatifs sont
de même nature que les autres gains de l'entrepreneur ; tout
comme les bénéfices des grossistes ou des détaillants, ils sont le
résultat du transfert de marchandises d'usages moins import
ants vers d'autres qui le sont plus.
Que la spéculation puisse accroître plus que réduire
l'amplitude de la fluctuation des prix, et conduire au transfert
de biens vers des utilisations moins importantes, n'a jamais
été sérieusement envisagé par la théorie traditionnelle. Car
cela impliquerait que les facultés de prévoyance des spécula
teurs, au lieu d'être supérieures à la moyenne, lui seraient infé- Nicholas Kaldor 117
rieures ; une telle spéculation s'accompagnerait d'une perte et
non d'un gain ; et de tels spéculateurs seraient rapidement él
iminés. Seul le spéculateur faisant de meilleures prévisions que
la moyenne peut espérer rester sur le marché. En consé
quence, la spéculation doit stabiliser les prix et être entièr
ement bénéfique.
Cet argument implique cependant une conjoncture
où la demande ou l'offre spéculative ne compte que pour une
faible proportion de la demande ou de l'offre totale, de telle
sorte que la spéculation, si elle peut influencer l'ordre de gran
deur de la variation de prix, ne saurait à aucun moment en
changer le sens. Si cette condition n'est pas remplie, tout
l'argument tombe. Il reste vrai que le spéculateur, pour être
toujours gagnant, doit posséder une faculté de prévoyance
supérieure à la moyenne. Mais il lui sera tout à fait suffisant
de prévoir correctement (ou plus correctement) la capacité
d'anticipation des autres spéculateurs, plutôt que l'évolution
future des facteurs non-spéculatifs sous-jacents au marché. Si
la part des transactions spéculatives dans l'ensemble est
grande, il peut même être plus avantageux pour le spéculateur
individuel de s'attacher à prévoir la psychologie des autres
spéculateurs plutôt que les tendances des éléments non-
spéculatifs. Dans ces conditions, même si la spéculation dans
son ensemble s'accompagne d'une perte nette plutôt que d'un
gain net, elle ne produira pas un effet correcteur, même sur le
long terme. Car les pertes d'une population flottante de spé
culateurs malheureux suffiront à maintenir de façon perma
nente un petit groupe de spéculateurs qui réussissent; et
l'existence de ce de qui réussissent repré
sentera une attraction suffisante pour assurer le renouvelle
ment permanent de cette population flottante. Aussi long
temps que les spéculateurs ne feront pas tous preuve de la
même capacité de prévision, et aussi longtemps qu'ils seront
nombreux, ils n'ont pas besoin de réussir à prévoir les événe
ments extérieurs ; ils peuvent vivre sur eux-mêmes. 118 Nicholas Kaldor
Mais la théorie traditionnelle peut aussi être crit
iquée d'un autre point de vue. Elle ignore l'effet de la spécula
tion sur le niveau général d'activité — ou, plutôt, elle concent
re son attention sur la stabilité des prix, et suppose (de façon
plus implicite qu'explicite) que si l'on peut démontrer que la
spéculation exerce une influence stabilisatrice sur les prix, on
aura ipso facto établi qu'elle exerce un effet stabilisateur sur
l'activité. Cependant, cela ne sera vrai que dans certaines
conditions particulières de gestion de la monnaie, qui ne sont
certainement pas vérifiées dans le monde réel. En l'absence de
telles hypothèses, comme nous le montrerons dans la suite, la
spéculation, dans la mesure où elle réussit à éliminer les varia
tions de prix, provoque dans de nombreux cas des fluctuadu niveau des revenus. Son influence stabilisatrice sur
les prix s'accompagne d'un effet déstabilisateur sur l'activité.
De ce fait, la question de l'effet de la spéculation sur la stabil
ité des prix et celle de son incidence sur la stabilité de l'emploi
doivent être traité non pas comme deux aspects du même
problème, mais comme deux questions séparées.
Dans la suite de cet article, nous traiterons d'abord
des conditions qui doivent être réunies pour qu'il puisse y
avoir spéculation, puis de l'effet de la spéculation sur la stabil
ité des prix, et enfin de l'influence de la sur la sta
bilité de l'économie en général.
Les conditions préalables
de la spéculation
Tous les biens ne sont pas susceptibles d'être les supports
d'une ; en réalité, la gamme des objets sur lesquels
elle peut s'exercer, à une échelle non dépourvue de significa
tion, est relativement limitée. Deux conditions principales
doivent être réunies en temps normal pour qu'un bien ou un
actif particulier soit un objet de spéculation : l'existence d'un Nicholas Kaldor 119
marché parfait ou semi parfait, et de faibles coûts de conservat
ion. En effet, si ces coûts sont importants et/ou si le marché
est imparfait, la différence entre prix d'achat et prix de vente
devient grande et la spéculation beaucoup trop coûteuse pour
être entreprise — si ce n'est peut-être de manière sporadique,
ou en réponse à des changements rapides.
La satisfaction de ces deux conditions suppose,
d'autre part, certaines propriétés que peu de biens possèdent
simultanément. Ces sont les suivantes :
— que le bien soit parfaitement normalisé ou susceptible de
l'être ;
— qu'il corresponde à une large demande ;
—soit durable ;
— que sa valeur rapportée à son volume soit importante.
Les deux premières conditions sont indispensables
pour que se développe l'équivalent d'

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