Y a-t-il une poésie hermétique du XVIe siècle en France ? - article ; n°1 ; vol.15, pg 41-58
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Description

Cahiers de l'Association internationale des études francaises - Année 1963 - Volume 15 - Numéro 1 - Pages 41-58
18 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1963
Nombre de lectures 35
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Extrait

Professeur Henri Weber
Y a-t-il une poésie hermétique du XVIe siècle en France ?
In: Cahiers de l'Association internationale des études francaises, 1963, N°15. pp. 41-58.
Citer ce document / Cite this document :
Weber Henri. Y a-t-il une poésie hermétique du XVIe siècle en France ?. In: Cahiers de l'Association internationale des études
francaises, 1963, N°15. pp. 41-58.
doi : 10.3406/caief.1963.2242
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/caief_0571-5865_1963_num_15_1_2242Y A-T-IL UNE POÉSIE HERMÉTIQUE
AU XVh SIÈCLE EN FRANCE
Communication de M. H. WEBER
{Montpellier)
au XIVe Congrès de Г Association, le 26 juillet 1962.
Le mot « Hermétisme » peut être pris dans deux sens dif
férents, malgré leur commune origine. Le premier désigne
l'ensemble des doctrines alchimiques, astrologiques, liées à
une certaine religion du monde, exposé dans les livres attr
ibués à Hermès Trismégiste et dont la rédaction ne remonte
guère au delà du 11e siècle de notre ère. La thèse du Père
Festugière en a remarquablement exposé la genèse et la port
ée.
Le second désigne un langage impénétrable au profane.
En effet les doctrines hermétiques se présentaient en appa
rence comme le secret de la création, du salut moral ou de la
guérison physique, transmis par un Dieu à l'usage des seuls
initiés.
Il est bien évident qu'un poème hermétique de Mallarmé
n'a souvent aucun rapport avec les doctrines hermétiques.
A l'aide d'une syntaxe particulière et d'images indirectes,
il construit les éléments d'un décor en relation avec un état
d'âme, mais l'apparence des objets familiers est disloquée,
détruite par le jeu des rapports qui les reconstruit selon un
ordre neuf. Au xvie siècle nous ne rencontrons pas de poèmes
hermétiques reposant sur un jeu de symboles personnels,
par contre nous trouvons : 42 HENRI WEBER
— d'une part dans des poésies de valeur très différente les
reflets conception générale de l'univers qui relève de
l'hermétisme ;
— d'autre part, une certaine tendance à faire du langage
poétique un langage difficile, accessible seulement aux hom
mes les plus cultivés. Bien rares sont les cas où un langage
hermétique est lié à l'exposé de doctrines hermétiques.
Sans doute, pour ne pas parler de Maurice Scève, dont le
cas vient d'être étudié, Ronsard et la Pléiade ont toujours
proclamé que la poésie devait envelopper les vérités morales ou
philosophiques du voile de la fable ou de la mythologie. Après
avoir rappelé, dans UAbbrégé de Г Art Poétique, que la poésie
n'était d'abord qu'une « théologie allégorique (i) » et avoir
proclamé dans VHymne de Г Automne qu'elle consiste « à bien
déguiser la vérité des choses d'un fabuleux manteau » (2),
Ronsard dans le Discours à Monsieur de Cheverny exalte
encore
Celuy qui le premier du voile d'une fable
Prudent enveloppa la chose véritable
A fin que le vulgaire au travers seulement
De la nuict vist le jour et non realement...
et il justifie ce qui pourrait être une profession d'hermétisme
par cette belle image :
Les mystères sacrez du vulgaire entendus,
Ressemblent aux bouquets parmi l'air espandus,
Dont l'odeur se consomme au premier vent qui s'offre,
Et ceux durent longtemps qu'on garde dans un coffre (3).
En dépit de ces proclamations, jamais les récits mytholo
giques de Ronsard ou de ses amis ne se présentent comme des
énigmes à interpréter, la leçon morale en est toujours très
clairement tirée. Par contre, du point de vue stylistique, sui
vant les recommandations de du Bellay dans La Deffence
et Illustration, la Pléiade substitue volontiers au nom des
(1) Cf. Laumonier, S.T.F.M., t. XIV, p. 4.
(2) V. 77-82, ibid., t. XII, p. 50.
(3) Ronsard, Œuvres, Vaganay, t. IV, p. 444. A-T-IL UNE POÉSIE HERMÉTIQUE AU XVIe SIECLE EN FRANCE 43 Y
héros ou des personnages mythologiques une expression in
directe qui les définit ou les suggère, c'est la figure appelée
« antonomasie » qui, à l'imitation de nombreux poètes an
tiques, désigne par exemple Bacchus par « le dieu deux fois
né » (4). La multiplication et l'extrême variété de ces appellations
font bien souvent tout le secret de ce qu'il paraît difficile
d'appeler l'hermétisme de la Pléiade. Il est vrai que, quelquef
ois, la comparaison mythologique dans un sonnet se présente
comme une petite énigme dont le dernier vers donne la clef.
Je n'en veux pour exemple que ce sonnet de Pontus de
Tyard, réputé comme un des plus obscurs poètes de la Pléiade :
Mal me guida, las, la sage Déesse
Du sacré chef du Dieu foudroyant née,
Lors que l'entrée au Ciel me fut donnée,
Ayant en main la verge larronnesse.
Ah feu divin ! Ah gendre mortel ! est-ce
La recompense à ma peine ordonnée ?
Ah deité à saouler adonnée
Ta volonté cruelle vengeresse !
De quoy se sent le Soleil empiré,
Si un rayon des siens, j'ay retiré,
Cruelle, inique, avare de ta grace ?
Ainsi se pleint languissant, & lamente
En grief tourment, en fureur véhémente,
Du vieil Japet l'audacieuse race (5).
Le dernier vers nous précise que le personnage qui parle
est de l'audacieuse race de Japet, il s'agit donc de Prométhee,
guidé au ciel par Minerve, sortie de la tête de Jupiter, « le
Dieu foudroyant ». La verge larronnesse est la baguette que
Prométhee alluma au soleil pour dérober le feu et l'apporter
aux hommes. Mais le rappel de cette légende, la plainte du
titan contre l'injuste vengeance dont il est victime, ne pren
nent leur sens que par la lecture du sonnet précédent où le
poète, qui vient de dérober un cheveu d'or à Pasithée, craint
pour lui-même le châtiment de Prométhee. Le raffinement
(4) Du Bellay, Deffence et Illustr., II, chap. IX, éd. Chamard, S.T.F.M.,
p. 160.
(5) Pontus de Tyard, Erreurs Amoureuses, II, xxvn, éd. Marty-Laveaux,
p. 89. HENRI WEBER 44
des comparaisons traditionnelles du pétrarquisme assimilant
la dame aimée au soleil, exaltant son caractère divin, rend le
jeu des correspondances mythologiques plus subtil et, si
l'on veut, plus parfait dans le détail.
Cependant la périphrase mythologique n'est pas la seule
source d'obscurité du langage de la Pléiade. Jacques Pele-
tier du Mans qui, dans son Art Poétique de 1555, se fait en
apparence le champion de la clarté d'expression rejette sur
l'ignorance du lecteur un défaut de compréhension provenant
d'un raccourci allusif :
« Comme si pour quelque Fable aleguee par ateinte : si pour
quelque neu de Filosofie mis par anrichissement ; si histoere touchée par brief incidant : somme si pour
quelque bonne alusion le Lecteur et tard a comprandre : qu'il
san acuse et non pas l'auteur : lequel plustost seroet accusable
s'il avoet écrit trop au long (6). »
La connaissance des thèmes, des expressions de la philo
sophie antique et, particulièrement pour la Pléiade, des myt
hes platoniciens est aussi indispensable à la compréhens
ion de cette poésie que la mythologie.
Ainsi, Pontus de Tyard demande à Pasithée, comme re
quête suprême, qu'en dépit de l'envie elle « condescende à
rassembler l'amoureuse Androgine (7). » Cette expression
voilée de l'union amoureuse permet au poète de jouer sur
l'équivoque entre l'union spirituelle et l'union charnelle.
Chez Ronsard, la réunion de l'androgyne est le plus souvent
franchement sensuelle.
C'est l'astrologie et l'astronomie qui, après la mythologie,
créent le plus souvent une certaine difficulté dans l'interpré
tation du langage poétique de la Pléiade. Avec l'astrologie,
nous touchons au contenu même de l'hermétisme. Si un Ron
sard ou un Pontus, reconnaissent le libre arbitre dans le do
maine moral, ils sont intimement persuadés, comme tous leurs
contemporains, de l'influence des astres sur notre corps et sur
notre activité. Sans doute Ronsard peut-il se moquer des
(6) J. Peletier du Mans, Art. Poétique, I, chap. X, éd. Boulanger, p. 139.
(7) Pontus de Tyard, Erreurs Amoureuses I, xlv

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