Ars regenda Amore. Séduction érotique et plaisir esthétique : de Praxitèle à Ovide - article ; n°1 ; vol.104, pg 373-438
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Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité - Année 1992 - Volume 104 - Numéro 1 - Pages 373-438
Renaud Robert, Ars regenda Amore. Séduction érotique et plaisir esthétique : de Praxitèle à Ovide, p. 373-438.
On décèle dans la version ovidienne du «mythe» de Pygmalion des échos de la critique d'art et de l'ecphrasis hellénistiques. On peut ainsi remonter aux traditions concernant l'art de Praxitèle ou aux traités d'Apelle fondés sur la notion de charis. Le récit d'Ovide combine deux motifs. 1) Un homme tombe amoureux d'une statue ou d'un tableau. 2) L'œuvre qui rivalise avec la nature semble devoir s'animer. La séduction exercée par l'œuvre d'art est une preuve de sa perfection et de sa capacité d'illusion. Les artistes du IVe siècle, tout en restant tributaires d'une conception mimétique de la représentation plastique, ont désiré atteindre une perfection supra naturam et ont voulu recourir aux plus beaux modèles de leur temps. Les notices biographiques conservées par la tradition évoquent la passion amoureuse de certains d'entre eux pour des courtisanes célèbres et rappellent que pour Aristote l'état d'esprit qui a présidé à la création d'une œuvre rejaillit sur elle. Séductions esthétique et érotique sont ainsi sciemment confondues. Dans un contexte où l'art semble voué à célébrer la maiestas des dieux et celle du prince, les références artistiques d'Ovide paraissent singulièrement provocatrices. Au moment où Virgile manifeste son scepticisme à l'égard des spirantia signa, Ovide proclame sa confiance dans la felicitas des artistes.
66 pages
Source : Persée ; Ministère de la jeunesse, de l’éducation nationale et de la recherche, Direction de l’enseignement supérieur, Sous-direction des bibliothèques et de la documentation.

Informations

Publié par
Publié le 01 janvier 1992
Nombre de lectures 46
Langue Français
Poids de l'ouvrage 4 Mo

Extrait

Renaud Robert
Ars regenda Amore. Séduction érotique et plaisir esthétique : de
Praxitèle à Ovide
In: Mélanges de l'Ecole française de Rome. Antiquité T. 104, N°1. 1992. pp. 373-438.
Résumé
Renaud Robert, Ars regenda Amore. Séduction érotique et plaisir esthétique : de Praxitèle à Ovide, p. 373-438.
On décèle dans la version ovidienne du «mythe» de Pygmalion des échos de la critique d'art et de l'ecphrasis hellénistiques. On
peut ainsi remonter aux traditions concernant l'art de Praxitèle ou aux traités d'Apelle fondés sur la notion de charis. Le récit
d'Ovide combine deux motifs. 1) Un homme tombe amoureux d'une statue ou d'un tableau. 2) L'œuvre qui rivalise avec la nature
semble devoir s'animer. La séduction exercée par l'œuvre d'art est une preuve de sa perfection et de sa capacité d'illusion. Les
artistes du IVe siècle, tout en restant tributaires d'une conception mimétique de la représentation plastique, ont désiré atteindre
une perfection supra naturam et ont voulu recourir aux plus beaux modèles de leur temps. Les notices biographiques conservées
par la tradition évoquent la passion amoureuse de certains d'entre eux pour des courtisanes célèbres et rappellent que pour
Aristote l'état d'esprit qui a présidé à la création d'une œuvre rejaillit sur elle. Séductions esthétique et érotique sont ainsi
sciemment confondues. Dans un contexte où l'art semble voué à célébrer la maiestas des dieux et celle du prince, les références
artistiques d'Ovide paraissent singulièrement provocatrices. Au moment où Virgile manifeste son scepticisme à l'égard des
spirantia signa, Ovide proclame sa confiance dans la felicitas des artistes.
Citer ce document / Cite this document :
Robert Renaud. Ars regenda Amore. Séduction érotique et plaisir esthétique : de Praxitèle à Ovide. In: Mélanges de l'Ecole
française de Rome. Antiquité T. 104, N°1. 1992. pp. 373-438.
doi : 10.3406/mefr.1992.1761
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/mefr_0223-5102_1992_num_104_1_1761RENAUD ROBERT
ARS REGENDA AMORE*
SÉDUCTION EROTIQUE ET PLAISIR ESTHÉTIQUE
DE PRAXITÈLE À OVIDE
Vénus préfère le séjour de Gnide à celui de Paphos et
d'Amathonte. Elle ne descend point de l'Olympe sans venir
parmi les Gnidiens. Elle a tellement accoutumé ce peuple
heureux à sa vue, qu'il ne sent plus cette horreur sacrée
qu'inspire la présence des dieux.
Montesquieu, Le temple de Gnide
Plus qu'aucun autre mythe rapporté par Ovide dans ses Métamorphos
es, la fable de Pygmalion, au livre X1, a sollicité l'imagination des écri
vains et la sagacité des savants2.
Cette remarquable postérité tient en partie au fait que l'on a très tôt
décelé dans ce récit singulier une allusion sous forme d'allégorie à l'acti-
* Le retournement du vers de l'art d'aimer (I, 4) : Arte regendus Amor, me
paraît assez bien résumer l'idée générale de cette étude. Ces pages ont bénéficié
des remarques et des suggestions de P. Gros, de P. Moreno et d'A. Rouveret; qu'ils
en soient ici vivement remerciés.
1 Ovide, Met. X, 243-297.
2 La bibliographie sur la postérité d'Ovide est énorme, H. Hofmann, Ovids 'Me
tamorphosen' in der Forschung der letzten 30 Jahre (1950-1979), dans ANRW, II, 31,
4, p. 2161-2273; sur les interprétations du mythe de Pygmalion, on consultera en
priorité, H. Dörrie, Pygmalion. Ein Impuls Ovids und seine Wirkungen bis in die
Gegenwart, Opladen, 1974, 102 p. Voir aussi, A. Dinter, Der Pygmalion-Stoff in der
europäischen Literatur. Rezeptionsgeschichte einer Ovid-Fabel, Heidelberg, 1979,
(Studien zum Fortwirken der Antike, 11) 168 p. et S. Viarre, La survie d'Ovide dans
la littérature scientifique des XIIe et XIIIe siècles, Université de Poitiers, 1966, 184 p.
MEFRA - 104 - 1992 - 1, p. 373-438. RENAUD ROBERT 374
vite artistique3. On pouvait y lire une prise de position du poète sur son
propre domaine. Ovide y aurait écrit son art poétique*.
Les commentateurs ont aussi considéré le récit d'Ovide comme la
variante la plus développée d'un mythe dont on retrouverait les traces
chez des auteurs antérieurs au poète latin. De fait Clément d'Alexandrie
et Arnobe conservent le souvenir d'une version plus ancienne due à un
polygraphe très probablement alexandrin : Philostéphanos de Cyrène,
ami ou élève de Callimaque5. Une autre voie s'offrait à l'exégèse, celle de
la mythologie comparée. Il était tentant en effet de rapprocher le héros
du poème d'Ovide, qui sculpte et anime une statue, d'autres personnages
mythologiques aux agissements comparables, Prométhée façonnant le
3 Déjà dans le Roman de la Rose voir R. Dragonetti, Pygmalion ou les pièges de
la fiction dans le de la Rose, dans Orbis mediaevalis. Mélanges de langue et
de littérature médiévales offerts à Raduolf Bezzola, Berne, 1978, p. 89-111.
J. L. Carr, Pygmalion and the 'Philosophers '. The Animated Statue in Eigtheenth-
Century France, dans JWI, 23, 1960, p. 239-255. Un point de vue général sur la ques
tion est espose : H. Fränkel, Ovid. A. Poet between Two Worlds, Berkeley-Los
Angeles, 1945, p. 93-97.
4H. Fränkel, op. cit., note 3, p. 96, «In a word, Ovid was enough of a cons
cious artist to conceive one of the finest apologues on the marvel of creative imagi
nation ; and is Metamorphoses is moreover, one of the greatest examples of just
such creative imagination. When he composed it, the characters of mythology and
legend had already been recognized as beautiful figments, and still he was able,
while remolding them, to stir the pulse of warm blood in those ivory statues ». Voir
aussi Ch. Segal, Ovid's Orpheus and Augustan Ideology, dans, TAPhS, CIII, 1972,
p. 473-494, qui met en parallèle l'épisode du poète Orphée et celui de l'artiste Pyg
malion.
5 Clément d'Alexandrie, Protrep. IV, 57, 3 : « Ainsi le fameux roi de Chypre Pyg
malion s'éprit d'une statue d'ivoire; c'était la statue d'Aprodite et elle était nue;
subjugué par sa forme, le Chypriote s'unit à la statue, à ce que raconte Philost
éphanos ». Arnobe, Adv. nationes, VI, 22 : Philostephanus in Cypriacis auctor est,
Pygmalionem regem Cypri simulacrum Veneris, quod sanctitatis apud Cyprios et
religionis habebatur antiquae, adamasse ut feminam mente anima lumine rationis
iudicioque caecatis solitumque dementem, tamquam si uxoria res esset, subleuato
in lectulum numine copularier amplexibus atque ore resque alias agere libidinis
uacae imaginatione frustrabiles. «Philostéphanos rapporte dans ses Cypriaca, que
le roi de Chypre Pygmalion, aveuglé en son âme, son esprit, la lumière de sa raison
et son discernement, tomba amoureux d'une statue de Vénus, comme s'il se fut agi
d'une femme, statue pour laquelle les Chypriotes avaient une grande et ancienne
dévotion, et qu'il avait pris l'habitude dans sa folie de coucher la divinité, comme
une épouse, sur son lit, de s'unir à elle, de l'embrasser, de lui donner des baisers et
d'accomplir avec elle tous les autres actes inspirés par une vaine imagination de
luxure et d'où il ne devait tirer que frustration ». Sur Philostéphanos, voir F. Gisin-
ger, RE, XX, 1, p. 104-118; C. Müller, FHG, III p. 28 sq. SÉDUCTION EROTIQUE ET PLAISIR ESTHÉTIQUE 375
premier homme (ou Pandore selon certaines versions du mythe), par
exemple, Héphaïstos créateur de «servantes d'or» ou même Dédale, au
teur d'idoles qui peuvent se mouvoir - pour s'en tenir au seul domaine
gréco-latin6.
Ces différentes analyses ont en commun de ne pas considérer la let
tre du texte d'Ovide puisque seul compte l'archétype originel du mythe tel
que l'on croit pouvoir le reconstituer au-delà des déviations dues à «l'ima
gination » des poètes et aux déformations subies par le thème initial à une
époque où il n'était plus compris. En fin de compte, ce raisonnement
« primiti viste » en vient à analyser un mythe sans texte. On risque alors
d'effacer les particularités signifiantes de chaque version différente au
profit d'un schéma archetypal préétabli. Exemplaire à ce titre la brève
notice que Frazer consacrait à Pygmalion. Fort des origines sémitiques
du nom Pygmalion (Pumaj-elj

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